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L'enfant auteur : pratique d'émancipation

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 Suite de conférence de Nicolas Go

Mardi 23.08.11 

Secteur Labo de Recherche

 

 Ne connaissant pas tous les noms de ceux qui sont intervenus, je prends le parti de noter les interventions et les questions des participants en écrivant I1, I2 etc. et les interventions des membres du labo par L. Les réponses de Nicolas sont notées N, parce qu'elles sont souvent spécifiques.

 

I 1 : Pourquoi la cervelle n'a-t-elle pas circulé parmi les enfants ?

L : Les objets apportés restent en classe un moment sur une table prévue à cet effet. Sylvain a préféré éviter les occasions de distractions qui peuvent déraper facilement dans ce type d'école.

I 2 rappelle la méfiance que Foucault avait pour la pédagogie en général. Le souci de soi des anciens philosophes et le souci des adultes risque de tourner au pédagogisme, à la mise en scène de soi-même. On pourrait tomber dans la prétention, le jeu, le faire-semblant.

N: Michel Foucault avait un souci de la pédagogie important. Ce n'es pas la même chose que le pédagogisme. Le souci de soi sans authenticité, c'est de la fanfaronnade.

Entre les pédagogies actives et la pédagogie Freinet, il y a une rupture, c'est le principe d'autorisation qui fait que l'enfant acteur devient l'enfant auteur.

I 3 : Le passage à l'enfant auteur demande un travail sur soi de l'enseignant.

N : La condition, c'est que le professeur devienne auteur. D'habitude, le professeur est acteur d'une ingénierie didactique. Il faut se mettre derrière l'enfant. Pour rendre les enfants auteurs il faut se demander comment pensent les enfants. Cela nécessite une transformation de soi-même

L : Il faut être en confiance, être "ami avec soi-même".

I 4 : j'aurais aimé qu'on parle davantage de l'idée "rencontrer sa solitude"

N : Un enfant sur la plage s'installe là et peut rester une heure, deux à entretenir un rapport quasiment contemplatif à la matière. Il peut être seul très longtemps. Pourquoi, alors qu'il s'agite très vite à l'école ? Dans certaines situations, on est tellement impliqué qu'on ne voit plus le temps passer. On vit la jubilation d'être entre soi et soi. C'est cela, "rencontrer sa solitude". Rilke parle même de cultiver sa solitude. C'est essayer de comprendre ce qui se passe quand on rencontre sa solitude. Un enfant peut passer beaucoup de temps sur son travail sans se fatiguer. Il vit un moment de contemplation entre soi et soi, dans un acte créateur. L'authenticité est une condition nécessaire : c'est le moment où l'enfant crée, parce qu'il n'a pas envie de faire autre chose que ça.

On peut prendre l'exemple de la poésie. Rilke parle d'"aller chercher la source de la poésie". Faire de la poésie, c'est un point de départ. Comment passer de cette activité à une situation d'"autorisation" pour vivre en poésie, pour arriver à l'expression de sa plus profonde intimité ?

I 5 : On doit se transformer et essayer de penser comme les enfants. Comment le faire ? Chaque enfant a sa propre manière de réagir et ses croyances, parfois contradictoires avec la sensibilité du maître.

I 6 : Dans le domaine de la recherche, on parle de "neurones miroir". L'homme développe une capacité de compréhensions de ce qui lui échappe. On peut développer cette capacité par empathie, sans pour autant être changé dans ses propres convictions ou sa propre ligne de vie. Mais on peut comprendre et ressentir ce que vit l'autre.

N : on doit ressentir ce que l'enfant ressent et non interpréter et imposer. C'est un rapport d'écoute et d'extrême simplicité. Il faut être à l'écoute de l'enfant pour qu'il puisse poursuivre son propre tâtonnement. La plupart du temps, le maître déporte l'enfant de sa ligne de vie pour l'amener dans sa propre direction.

I 7 : Les réseaux sociaux (Facebook...) amènent-ils à la créativité ? Les ados arrivent-ils à créer à travers ces media ?

N : Cela pourrait être le cas si ce n'était pas pris dans une culture de l'immédiateté et de l'émotionnel. La question est : "Qu'est-ce qu'on en fait ? Et comment met-on ces techniques au service de la création ?

I 8 : Quand on observe le film sur l'entretien, on se demande : "Qu'est-ce qui me garantit que je ne reviens pas à mes déterminismes ? "

L : "Se mettre dans les pas de l'enfant", ça se fait peu à peu. Selon la personnalité et la formation du maître, on peut orienter l'entretien dans une direction scientifique ou littéraire ou philosophique. Rien ne garantit alors qu'on est dans le désir des enfants.

L : Ce sont les moments de travail entre professionnels, comme celui fait au labo ou dans les groupes approfondissement qui permettent d'affiner notre sensibilité.

L : Si l'enseignant a une posture authentique, les enfants le perçoivent. L'enthousiasme qu'on a devant la découverte de ce qu'ils produisent en est un signe.

I 9 : Mais il ne faut pas nier sa propre personnalité.

I 10 : Il est difficile de ne pas retomber dans l'attitude de l'acteur.

I 11 : Le groupe des enfants peut nous ramener vers autre chose.

N : C'est une question intéressante, parce que c'est très délicat. Il faut à la fois conduire la classe mais aussi mettre sa vie en jeu, au sens où on est susceptible à tout moment de modifier profondément son point de vue. Il faut être tout le temps en situation d'aventure dans laquelle tout peut arriver, y compris à soi.

Il faut insister beaucoup sur le processus : quelque chose qui se déploie dans l'incertitude, à l'inverse de la procédure (série de tâches déterminées pour un but préétabli).

Il faut se mettre dans l'idée que la classe est le lieu d'une expérimentation constante.

I 12 : le fait d'être auteur ne va pas de soi. Il est nécessaire d'installer la sécurité dans le groupe.

L : Il existe un numéro du Nouvel Educateur consacré à la question de la sécurité dans la classe.

I 13 : Il faudrait cerner les dispositifs qui rendent possible cette création authentique.

I 14 : Dans le film, il est dit que Sylvain a un statut comme les élèves, mais il prend la parole sans l'avoir demandée.

Labo : La plupart du temps, il la demande.

I 15 : Comment faire pour maîtriser ses émotions alors qu'on se rend compte que l'enjeu est important pour l'enfant ?

L : C'est ça être enseignant : être en empathie pour comprendre ce qui se passe, mais aussi mettre de la distance.

N : La situation pourrait se schématiser ainsi : quelque chose pourrait se dire. Mais l'enseignant n'est pas psychiatre. La qualité de l'écoute permet que cela se dise.

I 16 : Nous avons un rôle de passeur.

N / oui, il y un passage des puissances. Si on prend le terme de "puissance" au sens métaphorique, on comprend mieux. L'enfant cherche à dire, mais notre rôle c'est de ne pas le désapproprier de ce qu'il dit. Si Freinet était attaché aux techniques, c'est qu'il fallait créer les conditions propices aux cheminements singuliers, aux processus. Mais on s'y est perdu. Notre proposition est : transmettons les techniques authentiques, mais ne perdons pas de vue que ce qui est en jeu, c'est une relation humaine qui ne peut être que ressentie, transmise par compagnonnage.

I 17 : La petite fille s'est autorisée à apporter la cervelle, parce qu'on avait parlé de la circulation sanguine.

I 18 : l'enfant, en devenant auteur, prend sa place dans la classe. Ce qu'il dit est important pour lui mais aussi pour tous les autres. L'interaction qui permet à tous les enfants de trouver leur place. On L'enfant a de l'importance parce qu'on l'a écouté. C'est par ces interactions que les enfants apprennent.

I 19 : Dans la pédagogie traditionnelle, c'est comme si l'adulte était invité à prendre possession de la personnalité de l'enfant. Jules Ferry, chef du parti colonial, a peut-être introduit ce rapport du colonisateur au colonisé dans l'école. Deux logiques s'opposent : soit remplacer l'ignorance de l'enfant par le savoir du maître soit permettre à l'enfant de se faire son propre savoir.

N : Jean Foucambert a écrit un texte intéressant là-dessus. Quand on a créé des écoles catholiques, c'est pour faire de bons chrétiens.

I 20 : La pédagogie Freinet peut-elle s'enseigner ?

N : Il est important de se poser le problème et d'y travailler ensemble.

 

Compte-rendu C Mazurie