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Comment les petits s'apprennent-ils à dessiner ?

À leur entrée à l'école maternelle, les petits humains ont déjà un sacré bagage culturel. L'enfant est pétri par sa langue maternelle, les coutumes et les valeurs transmises par son milieu social. Il fait depuis longtemps l'objet de sollicitations médiatiques et commerciales. Dans sa classe, le maître Freinet ne peut s'empêcher de se poser une question : jusqu'où peut-il diriger les représentations des enfants sans les enfermer dans ses propres conditionnements ?

La pédagogie est le royaume des nuances. Tout est possible pour peu que le maître prenne conscience, même après coup, de la portée de ses actes et des motivations qui le portent et surtout qu'il sache jusqu'où peut aller un accompagnement pour demeurer non-intrusif. Les éducateurs Freinet comptent sur la culture de classe pour éviter de donner à l'enfant un modèle unique provenant d'un adulte dont le tâtonnement expérimental dans le domaine est déjà trop ancien pour apporter une aide efficiente à celui qui chemine encore. Les premières représentations graphiques, généralement le bonhomme, arrivent en dehors du maître. Elles émergent des essais et tentatives du gribouillis et rencontrent des modèles colportés de la maison par l'enfant lui-même, imitation d'un frère ou d'un parent ou copies spontanées d’œuvres de camarades parce que le dessin a plu ou par amitié. L'enfant gagne en confiance. Son trait s'assure. Il conquiert ce nouveau langage.
 

L'acquisition du code


Même si l’œil expert du maître lui permet d'identifier un auteur à travers ses dessins, la technique utilisée pour représenter les premiers bonshommes est la même pour la plupart des enfants : un rond pour le visage incluant un plus petit pour chaque œil et un trait horizontal pour la bouche. Puis vient le trait vertical du nez, des traits-bras partant horizontalement de chaque côté de la boule tête/ventre et deux traits-jambes parallèles partant vers le bas. Ce dessin va s'enrichir, se complexifier durant les mois qui suivent. Cette similitude technique dans la réalisation enfantine du bonhomme n'exclut pas une expression personnelle identifiable par mille signes comme le choix récurrent de mêmes couleurs, les périodes consacrées à une recherche particulière, l'épaisseur du trait, la rapidité d'exécution, la quantité d’œuvres produites, etc.

Ce bonhomme en soi relève plutôt du pictogramme. C'est un élément codé lisible par un tiers, un  prototype. Ses formes, le rond, le trait et la boucle, extirpés du gribouillis originel, seront réinvestis d'ailleurs dans l'écriture des lettres et des chiffres. Ce bonhomme n'est pas vraiment porté par un élan de créativité pure servie par la main de l'artiste en herbe. Du haut de ses 33 ou 40 mois de vie, l'enfant peine à tracer ses premières représentations. Il doit déployer de véritables prouesses motrices tout en finesse pour symboliser une forme pensée a priori. Et l'on comprend qu'un tour de main si laborieusement acquis puisse être répété à l'envi dans une multitude de variantes par l'enfant en quête d'automatismes sur lesquels il pourra se reposer pour se lancer vers des représentations innovantes, exprimant davantage son être profond à travers des scènes complexes.

Dans ce bonhomme primitif, l'effort d'encodage, d’appropriation du langage graphique prend le pas sur la question de la quête d'une vérité, d'une véracité de ce corps humain en image. Les réflexions sur le schéma corporel sont au second plan. Plus tard, une fois le schéma du bonhomme intégré, les traits de ce corps tenteront de s'arrimer à plus de réalisme, à plus de vérité personnelle. Le bonhomme évoluera au gré du mariage de l'objectivité du réel et de la subjectivité de l'auteur.
 

Jusqu'où peut-on diriger les actes des enfants sans les enfermer dans nos propres conditionnements ?


Peut-on indiquer à des petits de 3 ou 4 ans comment dessiner un bonhomme, une maison ou un animal ? En l'absence de réponse définitive à cette question, il m'arrive, deux ou trois fois dans l'année, d'inviter au modèle. Lorsque j'ai le sentiment que les enfants tournent en rond parce qu'ils l'ont sur le bout de la langue, le bout des doigts, mais ça ne sort pas. Alors, je les installe en face du tableau et je leur demande s'ils sont capables de dessiner ... un bonhomme, par exemple. Ils viennent au tableau l'un après l'autre se passant une craie comme un bâton-relais et ajoutent un détail au dessin des précédents. A la fin, j'invite tout le monde à bien photographier notre « monstre collectif » puis je l'efface avant que les enfants ne partent à nouveau dessiner sur une feuille ou dans leur cahier. J'éprouve peu de scrupule à procéder de la sorte car je sais l'hétérogénéité culturelle de mes jeunes élèves. Certains sont nantis quand d'autres connaissent la survie. Des aînés ouvrent le chemin à quelques uns, des parents encouragent la création, entraînent au musée. Puis, il y a ceux qui ont des feutres bon marché dont la pointe s'écrase dès les premières tentatives et, pour un ou deux, c'est un toit pour la nuit qui relève de l'aléatoire. Des situations sociales et culturelles bien extrêmes, des réactions psychologiques et des personnalités variées, ferment du foisonnement culturel de la classe. Chacun s'enrichit du récit de vie de l'autre, de son expérience. L'école a juste à favoriser ces communications horizontales, par la parole comme dans le graphisme ou les autres langages. L'école a la capacité de faire réfléchir ensemble non pas dans le but de conditionner collectivement mais au contraire dans celui d'aller chercher en l'autre des idées, un soutien, du répondant. L'objectif n'est pas d'astreindre l'enfant à accepter passivement un dogme, ni de le contraindre à reproduire un modèle. L'idée n'est pas de transmettre une norme, elle est de montrer à l'enfant la richesse du partage de la pensée, de la réflexion avant, pendant et après l'agir. L'acte majeur de l'enseignant est de conduire les élèves, de les élever à un « être au monde réflexif » en toute circonstance.
 

Pour-quoi s'exprimer ?

En s'exprimant, le sujet extériorise ses sentiments et ses pensées par la parole ou d'autres langages. Il se donne à lire par le geste ou par des mimiques. L'expression révèle au sujet sa propre existence. La réception et le retour d'autrui lui donne du relief. La pédagogie Freinet fait le pari de l'expression contre une vie subie. Même si personne n'a jamais une totale maîtrise de ce qui l'agit, nous misons sur une prise de conscience progressive. Paulo Freire parlait de conscientisation. Dans les œuvres matérielles comme dans les énonciations abstraites, l'objet dit son auteur qui prend véritablement corps dans la reconnaissance par ses pairs, ses alter-ego. En s'exprimant, l'individu interprète le monde et en modifie le cours.
 

Penser l'existence à travers le faire

C'est bien la première vertu de la pédagogie active. L'être acquiert de l'expérience en manipulant, il accroît ses connaissances en s'impliquant dans ses recherches concrètes ou abstraites. En partageant ses hypothèses avec des tiers, l'enfant inscrit sa trajectoire dans un processus humanisant. Ce qu'il ressent, pense et fait, parle à d'autres. Il s'installe dans une communauté humaine.
* Lorenzo a des problèmes de santé. Ses dessins commentés abordent sous divers angles cette préoccupation :

 

 

Dire pour faire, accroître le faire par le dire

En décrivant ses intentions ou ses réalisations, l'individu leur donne une dimension symbolique. Dire appelle une certaine rigueur démonstrative. Les idées se clarifient dans l'esprit de l'auteur lorsqu'il explique ses projets, décrit ses procédures ou parle de ses émotions. Implicitement, les autres apportent leur caution. Ils sont témoins, garants de ce qui est exprimé.
* Méline commente rationnellement son dessin. Elle l'éclaire d'une succession chronologique d’événements. Par son récit, elle fixe pour elle-même et pour ses lecteurs la notion de temps. Elle donne des idées à ses interlocuteurs et leur offre l'occasion de penser à la situation fictionnelle décrite. Elle peut faire des émules, intrigués par la mise en scène d'un véhicule, l'accident, la douleur ou les soins.

Dire pour se construire

La pédagogie Freinet ne se soucie ni de génie ni de dons. Elle n'ausculte pas les œuvres enfantines à la recherche d'un chef d’œuvre. Toute réalisation, toute expression d'émotion, toute réflexion et tout échange à leur sujet ont pour visée, le développement de l'enfant, l'élaboration de la pensée de ces êtres vivants dont le tonus ira s’atténuant avec l'âge. Dire permet de complexifier la pensée par étapes. Ecouter permet des découvertes.
* Par ses commentaires interprétatifs, Belem entraîne le lecteur vers une esthétique poétisée :

 

 

Imène trace son chemin

 

J'ai retrouvé dans le casier d'Imène, sept dessins réalisés entre le 29 septembre et le 11 octobre. 
Le prototype de base de cette composition est constitué de deux ronds. L'un rayonnant, manière classique de représenter le soleil par les enfants de cet âge. L'autre rond subit une métamorphose d'un dessin à l'autre. Au début, sa forme rappelle celle d'un satellite rayonnant d'antennes terminées parfois d'une boule. Le rond central est recouvert de points, en série de six à la manière des coccinelles. Par la suite, ces ronds et traits prennent plus explicitement la place des yeux et de la bouche.
Une fois de plus, un enfant vient nous offrir le témoignage que, lorsqu'il est bien entretenu et élevé par des adultes tutélaires sécurisants, il est naturellement capable d'aller chercher par lui même une alimentation intellectuelle adéquate pour se construire dans un espace classe riche au sein d'un groupe positif.

 


 
 

 

 Mais les enfants nous réservent toujours une surprise et voilà qu'au verso du dernier dessin, Imène nous emmène vers une autre voie.... 

 

 

 
Remerciements à Philippe Bertrand et à Marc Petazzoni pour leurs conseils et leurs corrections. 

 

l'enquete en histoire au cours elementaire

bonjour je suis un jeune ivoirien qui est dans un centre de formation pédagogique. pour parfaire et peaufiner ma formation j'aimerais vous poser quelques questions concernant les cours a dominante enquête en histoire au cours elementaire

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Bonjour,
Pour avoir réponse à cette question, vous devriez la poser dans le forum de discussion de la liste Freinet.
Cordialement
Jean Astier

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En vous adressant à :
bruno.jolys[arobase]icem-freinet.org