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De l'intérêt du dessin et de la peinture pour les petits moyens

 

   

En pédagogie Freinet, il est de coutume de penser le rôle de l'éducateur comme celui d'un accompagnateur d'enfants dans leurs apprentissages. Il les aide à accéder à la plus grande variété de langages pour les expérimenter, se les approprier et approfondir leur maîtrise de ceux qui leur correspondent. Sont considérés comme langages l'ensemble des activités humaines permettant expressions, tâtonnements et communications : l'oral, l'écrit, le dessin, le chant, la danse et autres paroles du corps, la peinture, les mathématiques, les sciences, etc. En petite et moyenne section, l'écrit n'est pas encore maîtrisé et les mathématiques sont balbutiantes, le dessin et la peinture, qui occupent le devant de la scène graphique, les englobent encore.

 
La peinture

Longtemps, j'ai cru que l'on peignait beaucoup dans ma classe parce que je l'autorisais, je défendais ce droit de mes élèves qui risquent de ne plus avoir l'opportunité, durant leur scolarité entière, de travailler sérieusement et librement en peinture. En réalité, la demande vient des enfants. Dès les premiers jours, aidés par les moyens rompus au fonctionnement et à l'organisation de la classe, les petits ont vite compris qu'en ce lieu, ils avaient le droit de s'adonner à toute activité validée comme apprentissage par le maître. Aussi, au troisième jour d'école, dix-sept peintres se présentaient à l'atelier inaugurant une nouvelle année de peinture. Treize peintres, le lendemain, pour osciller les jours suivants aux alentours de dix à quinze. D'où vient cet engouement pour la peinture chez les petits ? En premier lieu, on peut estimer qu'ils ont rarement l'occasion, en dehors de l'école, d'accéder à un espace spécialement aménagé pour cette activité, équipé d'un mobilier adapté et muni d'une grande diversité de matériaux de qualité. L'occasion fait le larron. Dans notre société proprette et hygiéniste, la peinture attire certainement parce qu'elle est l'un des rares moments de la vie où l'enfant - protégé par son tablier - a la permission exceptionnelle de « jouer » avec une substance liquide et colorée. Ce petit urbain qui n'a jamais l'opportunité de triturer de la boue est autorisé - mieux, invité, sollicité et parfois supplié - de venir peindre. Il a le droit d'en répandre de longues traînées sur des feuilles immaculées, d'effectuer des mélanges sur sa feuille jusqu'à obtenir un marron nauséabond. La peinture remplit ici pleinement sa fonction de sublimation. Le temps est encore proche où se passer des couches-culottes par maîtrise sphinctérienne était au centre de gravité des préoccupations familiales. Durant son tâtonnement, l'enfant expérimentera la superposition de couches (jusqu'où?), le dégoulinage, la juxtaposition et le mélange de couleurs, les passages verticaux, horizontaux, en boucles ou en zigzag de la brosse, le pointillisme, le raclage, la gravure, etc.

La gouache est accessible à tous, facile à utiliser. Elle nécessite un minimum de compétences techniques, tremper un pinceau dans un pot, éviter qu'il ne goutte involontairement, étaler la couleur à la brosse ronde ou plate à l'endroit choisi. Rapidement, quasi-instinctivement, on apprend à se plier aux consignes du maître et rappelées par les pairs : remettre chaque pinceau dans son pot pour ne pas mélanger les couleurs, respecter les feuilles des voisins.
Accéder à ce langage procure des plaisirs. Celui de grandir en conquérant la maîtrise d'outils, celui d'exprimer et de communiquer du vécu, de l'intime, de l'inconscient ou de l'imaginaire. Expérimenter librement pinceaux et couleurs sur des feuilles A3 de 120 grammes peut aider certains enfants de trois ou quatre ans à élaborer des réflexions au sujet des pigments, de l'art et dans bien d'autres domaines comme le monde de l'imaginaire, la symétrie, la calligraphie, la représentation, le corps et ses mouvements, l'architecture, la perspective et plus globalement dans leur appréhension des autres et du Monde. Par l'expression et la communication de leurs émotions et de leurs pensées à d'autres, leurs camarades de classe, les adultes de la classe, leurs parents, ces enfants se construisent et concourent à entretenir leur équilibre psychique et mental tout en acquérant de la dextérité et de l'aisance dans ce domaine d'expression qui contribue à accroître leurs connaissances et leur culture.
Si, par inadvertance, la classe semble s'être embourbée dans une mode compulsive de peintures abstraites, le maître peut l'aider à sortir de cette ornière du non-figuratif en usant de subterfuges. Il donne pour consigne de dessiner au crayon, au stylo ou au feutre d'une seule couleur sur la feuille blanche avant de passer à l'atelier peinture. Il constatera, alors, un retour naturel du figuratif au galop! Commencer par l'esquisse d'un dessin permet de valoriser le récit d'une œuvre.
  

 Le dessin

Comme dans l'atelier peinture, lorsqu'ils dessinent, les enfants sont stimulés par l'émulation de faire avec, de faire ensemble. Ils sont gratifiés par les situations où ils enseignent à l'autre, aux autres. Sans que des enjeux de pouvoir prennent le dessus, ils éprouvent de la fierté à montrer leur savoir-faire, leurs réalisations, ils ressentent de l'intérêt à voir, à observer et à imiter d'autres, cela les propulse plus loin dans la poursuite de leurs recherches, dans leurs quêtes personnelles où les principales contraintes seront celles fixées par eux-mêmes. Le dessin et la peinture, comme toute pratique de classe, sont des domaines de formation à la citoyenneté par la coopération, l'échange et le partage de connaissances. Coopérer, c'est copier, c'est aider et accepter de l'aide, c'est apprendre à partager ses connaissances.

La peinture et le dessin d'enfants incluent des éléments qui ne sont pas encore discernés comme disciplines distinctes, extérieures. Le dessin des petits est l'occasion de créations géométriques (symétrie, tableaux,etc.) ou scientifiques (physionomie du corps, des parties qui le composent, des attitudes, des mouvements, des expressions du visage...). Du gribouillis naissent des représentations symboliques accessibles à d'autres, pouvant être décryptées, lues à distance de l'auteur. Le trait du dessin conduira à l'écriture. Les premières lettres apparaissent au milieu d'autres signes graphiques. Même s'il est un domaine d'expression autonome, un langage à part entière, indéniablement, le dessin est l'antichambre de l'écriture. Ces deux langages ont en commun des traces graphiques pour transcrire des représentations symboliques du monde, des pensées et des concepts à travers des dessins pour l'un, et le dessin de mots, la calligraphie, pour l'autre. Le dessin partage avec l'écriture des formes communes, des tracés de traits, de ponts et de boucles.
 
Le récit

 

En peinture comme en dessin, le maître peut montrer son intérêt pour le récit en le proposant lorsqu'il semble pertinent : « Tu veux dire quelque chose de ta peinture ? Tu veux que je l'écrive ? »

Et si, justement, dans une classe où l’entraînement graphique est naturellement tombé en désuétude, la part du maître, à la naissance du dessin comme à celle de l'écriture, était de privilégier la question du sens incarné dans le récit ? Non pas en se contentant de le préserver, mais en poussant l'enfant vers la conscience de sa nécessité ? Si l'art de la méthode naturelle d'apprentissage consistait à indiquer à l'enfant la voie/voix expressive de tout langage ?
« Que pourrais-tu dire ? Que voudrais-tu dire ? Qu'as-tu dessiné ? - Un bonhomme. - Et il fait quoi ce bonhomme ? »
Le rôle du maître émancipateur est de montrer explicitement toutes les potentialités qui s'offrent à qui domine ce langage. En dessinant, on peut tout dire. Et l'enfant apprendra rapidement à ne pas s'exposer en faisant parler le bonhomme, l'animal ou le monstre à sa place. L'un des intérêts du journal scolaire pour ces jeunes classes d'âge réside justement dans le fait qu'il induit le récit, l’événement. Le commentaire ajoute du sens au dessin, il le précise, il en oriente l'interprétation. Il se passe quelque chose dans le dessin pour le journal. Et cela passe par le récit. Un récit qui dit l'enfant à travers sa propre formulation. C'est tout l'intérêt du récit. Un récit qui, au prime abord, accompagne le dessin pour faciliter la compréhension de l'illustration, du déroulement de la scène.
Il ne faut pas perdre de vue nos objectifs d'expression et de communication. Notre intérêt n'est pas de former des artistes en herbe de la gouache, du fusain ou de la plume. L’œuvre essentielle à laquelle nous travaillons est d'élever nos enfants à l'expression et à la communication. L'éducateur est à leurs côtés pour les assurer de leurs possibilités expressives et de leur très sérieuse prise en compte. L'éducateur joue aussi un rôle-clé dans l'articulation et la confrontation des créations personnelles au sein d'un groupe respectueux et attentif aux réalisations des autres à travers la pratique de multiples coopérations allant de l'échange de réflexions au faire ensemble. Il écoute, retranscrit, protège ou publie les histoires que 'chaque un'lui confie pour entretenir le feu de la culture commune.

 


 
                                                                                                   

 
 

 

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enfant qui ne dessine pas

Bonjour,

Merci pour cet article!
Je suis parent d'un petit garçon de 4 ans (qui devrait être en moyenne section) et qui ne dessine pas ou plutôt extrêmement peu (il dessine 3 ou 4 fois dans l'année, généralement à l'occasion d'un anniversaire pour faire plaisir à quelqu'un et seulement si on lui souffle l'idée; même si des amis dessinent autour de lui, il préfère toujours partir.) Ses peintures (rares) ont beaucoup évolué mais il ne représente jamais rien (il est extrêmement heureux de se prendre pour un peintre en bâtiment ou alors il se dit être un magicien qui fait apparaître de nouvelles couleurs en les mélangeant) Je me demande si je dois lui donner des occasions pour qu'il retrouve le plaisir à dessiner (il aimait faire des traces sur du papier avant d'aller à l'école en petite section, je ne sais pas si la perte d'intérêt pour le dessin vient de sa courte expérience scolaire) ou si je dois respecter son désintérêt.

Je me permets de vous demander si vous avez déjà rencontrer des enfants qui n'aiment pas dessiner et dans ce cas comment se réalise l'acquisition de l'écriture...?

Merci pour votre blog qui respire le respect de l'enfant.

Bonjour, Merci d'apprécier

Bonjour,
Merci d'apprécier mon blog.
Quant à votre garçonnet, je ne puis que vous conseiller de lui proposer du matériel de dessin quotidiennement et de valoriser ses créations. Sans le forcer, le désir de dessiner peut être cultivé par l'intérêt que les adultes portent à cette activité et le regard encourageant qu'ils posent sur les réalisations enfantines. Quant à la motivation pour l'écrit-lire, elle se construit par la lecture d'ouvrages à l'enfant, les activités de lectures utiles (lectures de recettes, de modes d'emploi) et les activités d'écriture pour soi (dictées à l'adulte de textes inventés ; puis vers 5 ans dictée de phrases à l'adulte copiées par l'enfant, en lien ou pas avec des dessins), et pour les autres (communication, correspondance). Les apprentissages quels qu'ils soient se font par une pratique quotidienne, naturellement.
Cordialement
Jean Astier

Merci ! ("La lecture de modes

Merci ! ("La lecture de modes d'emploi" : voilà une idée formidable, il se passionne pour les modes d'emploi , mais je n'avais jamais eu l'intelligence de rebondir sur cet intérêt)