Raccourci vers le contenu principal de la page

Pédagogie et méthode scientifique

Dans :  Principes pédagogiques › tâtonnement expérimental › 
Janvier 1945
« Les éducateurs qui acceptent aujourd'hui de s'essayer à la rénovation de leur enseignement feraient bien de relire Claude Bemard et de méditer sur la méthode scientifique qu'il recommande. Car, dans aucune corporation peut-être, on n'en est aussi éloigné que dans l'enseignement Et dans aucune autre, sans doute, on ne s'en croit si près.
 
Cette méthode scientifique, l'instituteur devrait la pratiquer en permanence à même les procédés d'enseignement et les techniques, anciennes ou nouvelles, qu'il passerait sans cesse au crible de l'expérience. Mais de l'expérience loyale, de celle qui ne craint pas d'aller jusqu'au bout du chemin, même et surtout si ce chemin tourne le dos à toutes les habitudes traditionnelles ou familières...
 
Cette méthode scientifique est au centre même de tout notre travail; elle est l'élément essentiel de la révolution pédagogique que nous avons opérée ; elle est notre force et notre étoile dans la lutte permanente que nous avons à mener.
 
Que nous impose-t-elle ?
De ne jamais accepter comme définitives les croyances les mieux établies, celles surtout qu'on nous dit parfois consacrées par une longue tradition, et de ne pas craindre, de repasser au crible de l'expérience permanente les connaissances ou les méthodes qui s'offrent à notre activité.
 
Et le mieux encore pour ne pas se fourvoyer dans une telle opération, pour éviter de la pousser jusqu'à l'attitude négative et destructrice du sceptique, c'est de ne point la pratiquer seul, de rechercher la critique et le contrôle des travailleurs qui sont attelés à la même tâche. Et quand même le contrôle et l'expérience sembleront s'être prononcée, n'en tenons le résultat que comme relatif, sujet à révision, à modifications, à aménagements, selon les milieux et les temps...
 
Nous manquerions à notre méthode scientifique et nous prétendions vous en ( les solutions) apporter de définitives. Nous vous offrons des solutions possibles, que nous avons expérimentées collectivement selon la méthode scientifique, en éliminant, dans l'expérience et par l'expérience, les procédés et le matériel qui se sont révélés comme insuffisants. Nous avons ouvert des pistes qui commencent à être sérieusement éclairées et où vous pouvez vous engager désormais avec la certitude d'un pourcentage réconfortant de réussite et d'efficience.
 
Mais ne tenez jamais ces pistes et ces lumières comme définitives, ne rétablissez pas les tabous, ne jalonnez pas de routines les voies nouvelles. Ce qui est scandaleux, ce n ' est pas que des éducateurs critiquent et cherchent à améliorer les méthodes de Mme MONTESSORI, de FERRlERE, de DECROLY, de PIAGET, de WASHBURNE, de DOTTRENS ou de FREINET. Le scandale éducatif, c'est qu'il se trouve à nouveau des « fidèles » qui prétendent dresser à l'endroit même où se sont arrêtées ces éducateurs, des chapelles gardiennes jalouses des nouvelles tables de la loi et des règles magistrales, et qu'on ne comprenne pas que la pensée de FERRIERE, de PIAGET, de W ASHBURNE, de DOTTRENS ou FREINET, est essentiellement mouvante, qu'elle n'est pas aujourd'hui ce qu'elle était il y a dix ans, et que dans dix ans, de nouvelles adaptations auront germé »