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 la liberté

 

Es : Ce qui lui pose problème est de les laisser totalement libres sur des ateliers ou travaux qu'ils ont totalement choisi, quelle doit être la part du maître, qui interfère avec la liberté ?

 

PG : Différence entre liberté et laisser faire, pour qu'ils ne soient pas livrés à leur conditionnement.

 

S: La liberté au niveau de tout ce qui est progression pédagogique, tout doit être bien défini, comment mettre en place quelque chose qui doit être induit par les enfants et ne correspond pas forcément à une progression. Comment les aider à acquérir plein de choses en se libérant des contraintes des séquences, séances, progressions ?

 

G voudrait comprendre comment nous faisons, comment ne pas se sentir coupables de ne pas intervenir.

 

C : Certains prennent la liberté, d'autres ont l'impression qu'on leur prend quelque chose, « La liberté des uns s'arrête où commence celle des autres ». Comment apporter certains outils sans freiner la liberté, sans trop restreindre ?

 

Hé : Se mettre dans les pas de l'enfant, cette expression dit qu'on laisse la liberté aux enfants et nous nous adaptons à leurs projets. Elle s'est libérée des injonctions, ds programmes, parce qu'elle accède à l'Histoire et à la Géographie et pas à une déformation par l'école. En partant des questionnements et des projets des enfants, on se met le plus possible dans leur pas, comme le berger qui suit le troupeau tout en les guidant dans un chemin. Ce n'est pas incompatible de faire progresser la liberté des enfants et celle des enseignants.

 

H en discutait avec une maman de sa classe : si on est plus libre ce n'est pas parce qu'il y a moins de règles mais parce qu'il y en a plus, qui sont différentes en fonction des situations, où il y a des possibilités. La porte n'est pas fermée, mais j'ai prévu des choses différentes derrière cette porte. Ce n'est pas facile parce qu'on se retrouve sur des chemins qu'on ne maîtrise pas toujours, qui nous étonnent, ce n'est pas une liberté totale où on part où on veut. Exemple concret : il a du matériel à disposition pour les enquêtes, qui sont sur une plage de l'emploi du temps. Au début, les enfants demandaient s'ils avaient le droit d'utiliser tel matériel, maintenant ils savent que si c'est à disposition, ils peuvent l'utiliser. N'hésitons pas à ouvrir les portes avec eux.

 

V se demande souvent si ce n'est pas une fausse liberté dans sa classe, car elle a tendance à cadrer. Une des conditions de la liberté est une sécurisation de l'espace affectif de la classe, où on est autorisé à se tromper, on n'est pas stigmatisé, et où l'erreur est positive. Le cadre, qui sécurise et offre des possibles, n'est-il pas contraignant ? V a changé chaque année ses emplois du temps. Ils sont libres dans un cadre. Le sont-ils vraiment ?

 

Es : La liberté n'est pas antinomique avec la contrainte.

 

H : Ce matin, ils ont eu une discussion sur le texte libre, l'est-il encore lorsqu'on impose une contrainte ?

 

Hé : C'est alors un texte à thème.

 

V : Le texte libre, c'est le texte qui jaillit, il n'y a pas de moment ni de commande. La position de notre recherche dans le 06 est que le texte n'est plus libre à partir du moment où il est demandé.

 

Hé : La question est celle de la dévolution, quand l'enfant prend en charge sa commande, qu'il la fait sienne. C'est ce vers quoi on essaie de tendre. Elle enseigne 4 ans aux mêmes enfants, c'est utopique de penser qu'on peut le faire en un an.

 

V : Pour nous le temps est important, c'est pour ça que l'on se bat pour avoir les enfants plusieurs années (classes de cycle par exemple).

 

Hé : À ce moment on n'a plus besoin des outils et des techniques Freinet.

 

H : Est-ce qu'on ne retombe pas dans l'écueil du laisser-faire ?

 

Es : Les outils, on les utilise au moment où on en a besoin, mais on les laisse quand on n'en a pas ou plus besoin.

 

Hé : Ce sont des outils, pour aller vers l'enfant auteur, mais ça ne se fait pas en trois mois.

 

V : D'autant qu'on est fonctionnaires d’État, on a une responsabilité pour leur faire acquérir un certain nombre de compétences auxquelles il faut que les enfants soient un peu entraînés. Il n'y a plus l'aspect libre à ce moment-là.

 

Es : La liberté est quand-même là, à l'intérieur du cadre. Il y en a qui peuvent se passer du plan de travail.

 

V : Ceux qui sont déjà très « scolaires » savent s'organiser sans plan de travail. Un enfant atypique, qui est passionné par un seul domaine, c'est difficile de lui permettre de faire uniquement cela pendant des semaines, comme avait expérimenté Clem Berteloot qui a laissé un enfant danser pendant plusieurs semaines.

 

Hé : Il faut faire confiance à ces temps de travail collectif, où les enfants s'imprègnent, comme le montre l'équipe d'Yves Reuter sur l'expérience de Mons en Baroeul. Il y a énormément de choses qui s'entendent et s'inscrivent durant ces moments.

 

V a eu une élève qui s'est épanouie comme une fleur au bout de deux ans, a commencé à écrire et acquis de notions de grammaire.

 

Hé : Est-ce que le problème n'est pas notre propension à l'évaluation ? On en vient à chercher pour chaque enfant pour chaque compétence ce qu'il vaut ce qu'il sait, dans une grille, « quelle note il vaut ? ».

 

H : On est fonctionnaire d’État, on n'est pas libres. Cette grille, on peut la construire, en fonction de chaque enfant, du moment où il a été intéressé à son travail. Il fait confiance à l'enfant, il faut quand même qu'il sache si la notion est construite. Il ne fait pas d'évaluation mais sait à l'instant T où se situe chacun. Il faut qu'on leur donne la liberté de se construire, même si on a encore plus de pression car on a choisi une pédagogie alternative.

 

N : Pour réagir à l'enfant qui ne semble pas travailler : j'ai eu une petite fille qui n'a jamais participé à la danse préparée par un groupe de copines. Le jour de la représentation, elle m'a demandé de la faire avec elles : elle a dansé parfaitement. Cette année, malgré le temps nécessaire à le faire, je prépare une liste des réussites pour chaque enfant (pas seulement en Français et mathématiques) qui est longue pour chaque enfant, même le plus en difficulté.

 

Em : Frontière entre laisser l'enfant entreprendre et le laisser-faire.

 

Es : Il y a tellement de choses qui se jouent dans les coins jeux...

 

P : Apprendre à voir ce qui se passe.

 

Es : Tendre l'oreille pour se rendre compte que X qui ne parle jamais au regroupement sait parler avec son copain au coin voitures.

 

S mettait au point en formation pour adultes une grille d'évaluation ensemble : « Qu'est-ce que toi tu penses qu'il faut savoir faire pour acquérir telle compétence ? », ça a été validé par tous et personne ne revient sur ces critères qu'ils ont apporté. Même si on croit qu'ils sont libres, le formateur peut induire.

 

Hé : Les grilles d'évaluations de fin de collège existent. Plaquer une grille d'évaluations sur un enfant est énorme. Si on construit ensemble les grilles, on se rend compte ensemble de ce qu'on maîtrise déjà. Le danger est d'y consacrer trop de temps.

 

H : Est-ce que l'environnement riche n'est pas un prétexte pour mettre au travail les enfants ? Si on crée cet environnement de travail, ça va leur donner envie d'aller chercher... Sont-ils alors vraiment libres ? Le cadre n'est-il pas si large que les enfants n'ont jamais se confronter aux limites ? Par exemple, quand on leur dit : on le verra demain.

 

S : Si on n'a pas d'objectif à atteindre, que fait-on à l'école ?

 

Es : Les objectifs sont rarement collectifs, ils sont propres à chaque enfant. Si on les laisse libres de mener leurs projets jusqu'au bout, on va même au-delà du programme, qui est entièrement balayé.

 

H : On a toujours ces exemples d'enfants qui savent un jour faire quelque chose, et le lendemain n'y arrivent plus.

 

V a eu un élève avec un an d'avance, qui ne faisait aucune erreur, était très mal à l'aise dans la classe car il ne profitait pas de l'environnement et du cadre riche, était peut-être un peu conditionné et la classe semblait ne rien lui apporter. Il n'a peut-être pas trouvé ce qui l'accrochait. Il a encore sauté un an de classe et passé en Sixième où il a eu d'excellents résultats.

 

Es : Des enfants qui refusent d'entrer dans le milieu il y en a. Le milieu riche va leur laisser la liberté de trouver leur porte d'entrée. Les neurosciences ne peuvent pas nous dire comment les enfants apprennent. Elle a été gênée de lire dans le texte de Jean-Michel Mansillon qu'on pouvait empêcher d'apprendre.

 

H : L'enfant qui avance malgré toi. Par exemple tu ne peux pas les laisser vraiment partir dans des équations complexes qu'ils ne feront que plus tard au collège. Il ne l'interdit pas mais ne les encourage pas, ne les aide pas, et ça les empêche (contrairement à ce qu'il met en place avec les autres enfants).

 

Es : Pourquoi les empêcher ? Ça ne gêne pas les autres, ils ne sont seulement pas encore prêts.

 

V : C'est comme l'instit qui galère car l'enfant est en avance en CP en lecture et ne sait pas quoi en faire.

 

P : On ne peut pas empêcher : ni les parents, ni les enseignants.

 

V : Ils peuvent y travailler, c'est à nous d'aller vérifier pour ne pas qu'ils intègrent des notions erronées. Un enfant qui sait parfaitement lire peut être tuteur pour d'autres enfants à un moment donné, être au service du collectif.

 

Es : Dans sa classe l'enfant qui est disponible pour aider les autres met son étiquette au tableau, et l'enlève quand il en a assez. Les autres savent qu'il est fort en quelque chose. Tous les enfants sont forts en quelque chose, on les sollicite pour cela.

 

Es : Est-ce que la liberté n'est pas antinomique avec la contrainte ? En arts les artistes qui n'ont pas de limites s'en sont créé encore plus.

 

Hé : La liberté de se créer ses propres règles, de pouvoir les remettre en question. Au niveau des apprentissages, le groupe se crée ses propres grilles.

 

C : Ils sont parfois très conciliants. Par exemple ils devaient faire leur grille d'autoévaluation, ont tout marqué en positif alors que ce n'était pas fait.

 

Es : Ou au contraire pas tendres avec eux-mêmes, clairvoyants sur leurs propres erreurs.

 

V a testé une évaluation en groupes de 5, avec une grille remplie par le groupe pour la récitation des poésies. Il faut se méfier des boucs émissaires, alors elle a constitué les groupes de façon à à peu près les équilibrer, intervenait dans les groupes où il y avait des problèmes. Ça les obligerait à lire les textes des autres.

 

N : La liberté est relative. À un moment donné difficile dans la classe, avec une enfant qui ne pouvait pas s'empêcher de prendre ce qui ne lui appartenait pas, les enfants ont eu interdiction de se déplacer. Un père d'élève m'a reproché d'avoir fait une punition de ce qui lui paraît normal dans une classe.

 

P arriverait peut être à laisser plus de liberté si elle arrivait à définir ce qu'est un milieu riche en maternelle.

 

H nous donne son ressenti d'intervenant en musique en maternelle : c'est plus facile d'aller vers cette richesse quand tu arrives en maternelle qu'en élémentaire.

 

Es : Ce n'est pas forcément dans toutes les école maternelles, il y a des écoles où il n'y a pas de lieu d'observation. Les enfants ne s'en emparent pas forcément.

 

S: Dans la classe de son fils, il est obligé de faire la sieste alors qu'il ne veut plus la faire, parce qu'il est né en 2011 et que c'est organisé comme ça.

 

N : Il y a des écoles maternelles où des enfants de moyenne section doivent se tenir en rang silencieux par deux pour se déplacer vers la salle d'EPS à 50 mètres de l'école, où en grande section on n'a pas le temps de faire la motricité le matin car il faut faire le français et les maths, où on stigmatise ceux qui ne savent pas lire en grande section, où il n'y a plus de coin jeu...

 

Es : La liberté d'agir, d'aller à un atelier ou un autre, de mener ses ateliers, de ne pas avoir des tonnes de fiches ce n'est pas dans toutes les classes.

 

Em : Cela dépend des adultes.

 

V : Le milieu est riche à partir du moment où l'enseignant autorise coopération, expression, création, quels que soient les moyens.

 

Es : Si tu laisses la liberté, si tu fais confiance aux enfants, la richesse vient de tout le monde (enfants et adultes).

H : C'est une posture de l'enseignant. Il a lu un article sur edutopia ? « Il faudrait que chaque chose dans sa classe raconte une histoire. ». Il y a une potentialité à sortir des choses.

 

Es : On parle de culture de classe, de patrimoine commun, où tout peut entrer du moment où c'est bienveillant.

 

Em : Il faut aussi ne pas trop submerger, car on risque de bloquer la création.

 

Es : Si tu as libéré la parole de l'enfant, il va te proposer des choses. Elle les associe par exemple aux commandes de petit matériel.

 

S: C'est la posture de l'enseignant qui va laisser la liberté, avoir assez de confiance en soi pour induire cette liberté.

 

Em : Elle va se créer aussi plus librement parce que des règles se sont mises en place. Ça demande un certain lâcher-prise.

 

H : Il y a une jolie phrase qui parle du « bordel » dans le texte de JMM.

 

Es : Est-ce qu'on laisse l'enfant qui ne veut jamais y aller libre de ne pas aller à un atelier ?

 

Hé : À partir du moment où on a un contrat de travail/ plan de travail, il doit y aller.

 

Es : Il doit être validé par les deux parties, sinon ce n'est pas un contrat.

 

Hé : Il peut être adapté en quantitatif. L'enfant s'engage à le respecter.

 

Es : Et quand on est hors contrat ?

 

H a en tête un élève qui ne travaillait pas et il a beaucoup râlé pour qu'il touche la jubilation du travail bien fait. Il a finalement terminé son plan de travail. Ça pose aussi la question de la liberté. La pédagogie Freinet est vraiment une pédagogie du travail. Tu es fier d'avoir fait un truc sympa. Si tu n'y as pas goûté, tu ne sais pas cette jubilation. Le laisse-t-on libre de ce travail bien fait ?

 

V : Un enfant qui ne fait rien, ne fait jamais rien : il regarde, il écoute.

 

Es : On nous dit : « Laisse-les faire » mais c'est difficile.

 

V : JC va plus loin : un enfant qui lui dit « Je ne veux rien faire » il lui impose de ne vraiment rien faire pendant une journée.

 

H : Mais ils peuvent se mettre en veille, comme devant des écrans. Si tu ne les attires pas vers un travail, ils peuvent rester en veille.

 

Em a dans sa classe un enfant qui reste toute la journée sur le banc, ne fait rien. Comment l'aider ?

 

Hé : On peut entrer en contact avec eux en leur proposant des responsabilités coopératives.

 

Es : Deux enfants qui jouent aux voitures, ne s'intéressent à rien d'autre, ne veulent pas expliquer aux copains comment ils jouent ni le dessiner. Ils ne voient pas l'intérêt de faire autre chose.

 

Hé : Tu peux les filmer quelques minutes et le diffuser au groupe. Les autres poseront des questions.

 

Em : Tu pourrais leur proposer de faire un film d'animation avec leurs voitures.

 

C : Deux enfants ont froissé la feuille et l'ont lancée par terre la première fois qu'elle leur a demandé d'écrire ce qu'ils aimaient. Ils ont dit qu'ils ne pouvaient parler qu'avec des personnes qui parlent bien Français. Elle leur a proposé une interview avec une linguiste. Ils ont préparé les questions sauf un de ceux qui avaient jeté la feuille, mais qui au moment de l'interview est finalement venu s'installer avec les autres. Ils se sont ensuite vus en vidéo.

 

Hé : C'est peut-être le syndrome du « sale gosse », qu'on peut mettre au centre du travail. Il faut trouver un moyen de ne pas cautionner ça et de renverser ce phénomène.

 

C pense que c'est plutôt un grand manque de confiance en soi.

 

V : C'est l'éternel problème de la liberté. Au nom de quoi on empêche un enfant de jouer aux voitures ou d'être le sale gosse ?

 

Hé a un enfant qui n'a pas une posture d'élève, qu'il refuse d'avoir. Un autre en Quatrième a un niveau tout à fait convenable alors qu'on avait l'impression qu'il n'écoutait rien et ne faisait rien depuis la Sixième.

 

Es : Freinet disait que les enfants vivaient par besoins. Il faudrait leur laisser le temps car pour le moment ils ne sont pas prêts.

 

H : Ces enfants ont-ils confiance en la vie, l'élan naturel dont parlait Freinet ?

 

 

S : On oublie l'aspect familial, ce que vivent les enfants à la maison, qui ne les amène pas à s'intéresser à ce qui se passe à l'école.