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Les examens, ces couperets

Dans :  Techniques pédagogiques › 
Juillet 1956

Les idées nouvelles cheminent longtemps comme ces arbres qui étendent sous le sol, puis à ras de terre, de solides racines, qu'on décime souvent au hasard des taillis, que la charrue et le pic malmènent et tentent d’arracher, mais qui sont désormais trop définitivement accrochés à l’humus et qui, un four, montent et éclatent et affirment leur royauté.

Ainsi cheminait l'opposition aux pratiques condamnées des examens et tout spécialement à la primauté de l’orthographe et au couperet des cinq fautes à la dictée. Les instituteurs pestaient contre cette forme désuète et simpliste de sélection ; les professeurs protestaient qu'elle était sans raison et sans valeur ; mais on n’en acceptait pas moins les impératifs de bachotage qui en étaient la condamnation pédagogique.

Et pour la grande masse des parents, cette première épreuve des 6 était comme la promesse des bachots à venir, la porte dorée par laquelle les fils du peuple pénètrent, étonnés, dans les temples de la bourgeoisie, dans cette zone privilégiée où la culture du pur esprit dispensera des mains calleuses de râtelier et des champs.

Et brusquement, la coupe déborde ; le scandale éclate. Les épreuves du dernier concours de 6e sont si scandaleusement inadaptées que l’opposition est désormais générale et unanime. On essaiera, certes, de raccorder les morceaux, de refaire des épreuves pour consoler et rattraper les victimes, de redonner un peu d’oxygène aux dictées hermétiques et aux problèmes-rébus. Le coup est donné. A nous d’élargir la brèche, de faire le procès, non seulement de l’examen de 6e mais de toutes les fausses mesures avec lesquelles on contrarie nos efforts, de mener l’action notamment contre l’épreuve d’orthographe et les questions de grammaire qui sont la survivance d’une scolastique dépassée par la vie.

La formation et la culture attendent de notre Ecole une connaissance très poussée de notre langue, mais de notre langue constructive et vivante, de celle qui sera ferment et véhicule de cette culture littéraire, historique, mathématique, scientifique, artistique et sociale aussi, d’une culture qui ne se nourrit point d’exceptions, d’anomalies et d’impuissances, mais de conquêtes et de maîtrises.

Et s’il y faut une réforme de l’orthographe, une nouvelle conception du moins de sa place dans les processus de notre pédagogie, il nous appartient d’y pourvoir, non seulement théoriquement, mais pratiquement sur la base des éléments majeurs d’une langue qui ne peut servir et traduire la vie que dans la mesure où elle en acquiert la souplesse et la mobilité.

L’Ecole n’est point faite pour servir les examens„ C’est la mesure qui doit servir l’Ecole, ses enfants et ses maîtres.

Le problème est aujourd’hui posé : à nous les techniciens et praticiens de divers degrés de le résoudre, en étudiant et en préparant des systèmes de mesure et de sélection qui s'harmonisent avec notre souci capital :

Préparer en l'enfant l’homme et le citoyen de la société libre de demain.