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Juin 1960

LA VIE DE L’INSTITUT

Comme toutes les années, nous arrivons aux derniers numéros de l’Educateur avec le sentiment de laisser les chantiers en pleine activité, sans qu'aucun d'eux soit terminé, ce qui est parfois un peu désespérant. Mais non ! c'est aussi parce que nous avons le sentiment que tant de choses restent à faire dans tant de domaines que nous reparlons toujours avec dynamisme et témérité.

Tant d’articles sont là, que nous ne pourrons pas publier. Il nous faut revoir, sans cesse, nos lignes d'action, au fur et à mesure que nous avançons, à mesure aussi que le monde autour de nous accélère son évolution.

Nous allons donc essayer de faire le point pour les problèmes majeurs.

A PROPOS D’EVOLUTION : Les Instituteurs de villes.

Notre mouvement est né, s'est développé et se développe encore dans le milieu qui lui est propre : l’école de village et de petite ville, avec moins de cinq à six classes ; l’école de ville, l’école caserne tout particulièrement est irrespirable pour l’Ecole Moderne, D'où notre tendance jusqu'à ce jour à ne pas nous préoccuper de ces écoles où nos rares adhérents se débrouillaient comme ils pouvaient pour surnager.

Seulement, les choses ont évolué et risquent de changer davantage encore au cours des années à venir. Plusieurs faisons à cela :

1°. — Tant que nos techniques n’étaient qu’expériences, elles se développaient dans les climats qui leur étaient favorables. Aujourd'hui ces techniques deviennent officielles ; elles s'intègrent peu à peu à la pédagogie nationale et internationale ; la faillite de la pédagogie traditionnelle devient patente et nombreux sont les éducateurs — même à la ville — qui cherchent des solutions de remplacement.

Allons-nous continuer à leur dire que notre pédagogie est défaillante dans les conditions déplorables de l’école de ville et qu'il vaut mieux, pour eux et pour les enfants, qu'ils en restent à la vieille pédagogie, même si elle leur est mortelle. Bien sûr, nous pourrions espérer peut-être que de l'excès du mal sortirait le remède, et que, devant la faillite croissante de cette école on s'aviserait peut-être de commencer par le commencement, en créant les conditions administratives, techniques et humaines qui permettraient l’Ecole Moderne.

Nous ne pouvons pas, en éducation, prôner l'absolu ou rien ! Nous ne pouvons pas faire table rase. Il nous faut faire sortir le futur du présent, si difficile soit-il.

Il y a quelque chose à faire à l'école de ville, si peu que ce soit. Nous devons nous en préoccuper…

Nous étions mal venus à essayer d'établir de l'extérieur, les normes de cette imprégnation. Mais nombreux sont aujourd'hui les jeunes qui pénètrent d’emblée à l'école à classes multiples. Ils nous disent leur désir, leur souci de faire quelque chose. Nous devons adapter expérimentalement notre pédagogie à l'école de villes.

La Commission des Ecoles de Villes doit devenir une des plus actives de notre I.C.E.M.

2°. — L'école à classes nombreuses tend malheureusement à se généraliser, aux dépens des petites écoles qui étaient notre vivant domaine, et qui s'amenuisent peu à peu, jusqu’à disparaître,

Il y a d’une part l'exode rural qui ne fait que s’accélérer : des régions entières seront bientôt rayées du monde des vivants et deviendront tout au plus des centres de vacances. Des dizaines de milliers de villages qui avaient naguère une école à deux classes, n'ont plus qu'une classe avec cinq ou dix élèves. Et comme la classe meurt, la pédagogie y meurt aussi.

Pendant ce temps — acceptons que ce soit un mouvement naturel — des régions nouvelles se peuplent et se surpeuplent, des H.L.M. se construisent, et comme les constructions scolaires sont toujours en retard, la population, d'ailleurs mouvante, rend pendant longtemps tout travail impossible.

Et même là où il n'y a pas grande concentration d’habitants, les nécessités de la démocratisation de l’enseignement poussent à la création intercommunale ou cantonale d'écoles à classes multiples, avec C.C. et ramassage d’élèves, Les petites écoles auront vécu.

3°. — Et en attendant, il est fini le temps où des instituteurs s’installaient pour dix, vingt ans ou toute leur vie, dans un village où ils poursuivaient leur besogne éducative dans des conditions presque idéales. Ces instituteurs sont aujourd'hui aspirés à la vile et remplacés tant bien que mal par des débutants qui n'ont aucune raison, ni économique, ni pédagogique, ni humaine de prolonger plus loin que leur temps obligatoire leur séjour dans les villages. Ils n’y seront évidemment pas des éducateurs actifs et dynamiques, sauf quelques heureuses exceptions, nous le savons.

Nous sommes Ecole Moderne. Nous disons ta nécessité de ne pas nous attarder au son des grelots des charrettes disparues Voilà une évolution, qu'il ne dépend pas de nous de changer ou d'arrêter, qui nous pose des problèmes nouveaux, mineurs naguère, que nous ne pouvons plus éluder.

Une grande place doit être faite à cette modernisation dans nos travaux de l'année à venir, donc dans L'Educateur, dans nos bulletins et dans nos stages.

Nous avons lancé l'idée d'Unités pédagogiques travaillant en équipes dans les écoles à classes nombreuses, avec seulement quatre ou cinq éducateurs. Quelques expériences pourraient peut-être être tentées,

Il nous faudra voir celles de nos techniques qui peuvent pénétrer à l'école de villes, textes libres, limographes, correspondance interscolaire avec albums et journal scolaire dès que possible ; conférences, peinture, fichiers et livrets auto-correctifs etc...

Que les usagers de ces écoles se mettent au travail coopératif, qu'ils apportent ici chacun le résultat de leur expérience, ce qui ne fera que rendre plus active et plus efficace la campagne que nous mènerons parallèlement pour la modernisation des conditions de cet enseignement.

L'ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE

Nous devrions nous en préoccuper tout spécialement au cours de la nouvelle année, reprendre maintenant que nous y aurons à nouveau quelques possibilités, l'édition de boîtes de travail, continuer les B.T et les S.B.T. de sciences, dont les brochures existant à ce jour sont souvent employées dans nos classes mais ne couvrent encore qu'une infime partie des intérêts des enfants et des maîtres pour cette discipline.

Mais il serait peut-être bon de nous entendre nous- mêmes au préalable.

La Commission de sciences piétine, malgré le dévouement et le travail de l’équipe qui en a la responsabilité. Je crois que ce piétinement est le résultat d'un malentendu que nous devrions nous appliquer à dissiper dans L'Educateur, et aussi dans Techniques de Vie car il s'agit des fondements mêmes de l’éducation scientifique.

Le problème peut être en somme ainsi posé dans nos classes : l’enseignement des sciences peut-il et doit-il se faire dans nos classes par tâtonnement expérimental, ou faudra-t-il sacrifier à la méthode soi-disant scientifique ?

Il y a en effet chez nous les camarades — ils sont surtout dans les petites classes — qui s’efforcent de laisser expérimenter les enfants et de leur laisser découvrir par tâtonnement expérimental, les grandes lois scientifiques, qu'ils ne connaîtront jamais que formellement s'ils ne les ont acquises en profondeur, intégrées à leur vie, par leur propre expérience.

On cite toujours le nom de Delbasty lorsqu'on parle de cet aspect, au moins très original de l’enseignement scientifique. J'ajoute tout de suite que cette façon d'aborder cet enseignement est bien conforme à notre psychologie et à notre pédagogie et qu'il nous faut parvenir à convaincre la masse de nos adhérents qui restent persuadés qu’une telle expérimentation à la base n'est qu'un bricolage désordonné qui nous vaudra une bien inutile perte de temps. Et ils préconisent en somme le procédé classique : Que voulons-nous faire comprendre à nos enfants ? Pourquoi les bateaux flottent par exemple. A nous les maîtres de préparer dans un ordre voulu, avec le matériel nécessaire, les expériences qui permettront à nos élèves d'avoir une conception scientifique juste de cet événement.

J’ai dans mes dossiers un certain nombre de lettres et d'articles à ce sujet : une lettre de Barrier (Calvados), une de Boucherie (Lot-et-Garonne) ; des lettres de Bertrand et Delbasty ; un article de Lucienne Baiesse (l’Education Populaire du 15 avril 1960) sur la formation d'un esprit scientifique ; la série d'articles donnés cette année par Bernardin et dont nous continuons la publication. Bernardin a fait, expérimentalement, le chemin qui mène de la méthode scolastique au tâtonnement expérimental. Il nous faudra reprendre cette discussion, tant dans L'Educateur que dans Techniques de Vie. Et dès maintenant vous pouvez envoyer vos articles.

LA GRAMMAIRE EST-ELLE INUTILE?

J'en ai déjà fait à diverses reprises la démonstration. Mais je sais que nombreux sont encore les camarades qui n’en sont pas persuadés du tout.

Belperron publie cette année dans L’Ecole Emancipée un véritable cours « pour un enseignement grammatical vivant, rationnel et éducatif » : la grammaire fonctionnelle (méthode Charvet). L'article de cette semaine porte sur les fonctions des propositions subordonnées conjonctives... Rien ne m'a jamais semblé plus rébarbatif que les leçons de grammaire, même vivante. Les dénominations et les définitions ont changé bien souvent d'ailleurs au cours de ma carrière.

Mais Belperron se fait des illusions. Avec son cours les enfants connaissent peut-être les règles de grammaire, mais iI n'en faut pas déduire automatiquement qu'ils savent mieux écrire et sans faute...

Question à revoir

METHODE CUISENAIRE

C'est dans L'Ecole Emancipée encore que H. Bernard publie un cours sur l'initiation au calcul par les nombres en couleurs (méthode Cuisenaire). Et j’ai lu de nombreux livres et articles à ce sujet, et bien sûr ceux qui en sont la base, publiés par Delachaux et Niestlié.

Je suis d'autant moins convaincu, que nous avons relancé il y a plus de vingt ans le Camescasse qui a les avantages du matériel Cuisenaire avec d'autres qualités, en plus, puisqu'il s'agit de cubes de 1 cm d'arête avec lesquels on reconstitue bien des données géométriques.

Et pourtant notre méthode de calcul vivant a éclipsé le Camescasse. Nous avons même essayé dans notre classe d'employer le matériel Cuisenaire. Nos élèves n'y ont pas mordu, pas plus qu'au Camescasse, parce que l'un et l’autre sont malgré tout du matériel scolaire, qui sont peut-être à recommander dans les classes encore largement soumises aux devoirs et exercices, mais dépassés par le calcul vivant qui, par d’autres voies atteint à des résultats autrement profonds et définitifs.

Je le signale cependant ici, question à étudier aussi au cours de la prochaine année.

ENQUÊTE " TECHNIQUES DE VIE " SUR L’ATTENTION DES ENFANTS.

Les camarades étaient sceptiques sur la portée de cette enquête. Elle nous a valu de très nombreuses réponses que M. Combet est en train d'étudier, et auxquelles nous allons consacrer une partie au moins de notre numéro de juillet de la revue.

N’oubliez pas :

— que la revue Techniques de Vie est essentielle pour la pratique efficiente de notre pédagogie ;

— que nous avons besoin de très nombreux camarades exposant leurs problèmes, leurs résultats et leurs difficultés, que nos amis Inspecteurs ou secondaires nous aideront à étudier.

Notre ami Jægly actuellement Inspecteur primaire à Briey a lancé tout une enquête dans sa circonscription pour déceler dans quelle mesure les éléments de vie et la physiologie influent dans nos classes sur ¡'attention des élèves.

D’autres enquêtes suivront.

*

TROIS CONGRÈS AXÉS SUR NOS PRÉOCCUPATIONG PSYCHOLOGIQUES ET PÉDAGOGIQUES

1°. — A Paris se tiendra du 18 au 27 juillet, organisée par le Centre d'appariement d'écoles (110. avenue Mozart, Paris XVIe) une conférence internationale d'éducateurs avec comme thème général :

— Adaptation de l'enfance au monde moderne.

Nous serions heureux que quelques-uns des nôtres puissent y participer.

2°. — Ve Congrès international des éducateurs de jeunes inadaptés (Rome, du 17 au 21 juin 1960)

Ce Congrès discutera du thème : « L'éducateur de jeunes inadaptés et son hygiène mentale »

C'est à peu de choses près le thème de notre Congrès d’Avignon La santé mentale des enfants et des maîtres. Quelques-uns de nos adhérents seront présents pour dire les avantages à ce point de vue de nos techniques libératrices

3°. — Du 28 août au 1er septembre 1960 se tiendra à Vienne (Autriche) le Congrès International de psychologie adlèrienne avec le thème ; « La signification théorique de la notion du sentiment social ».

Notre camarade Oury nous y représentera.

Nous sommes heureux, pour ce qui nous concerne, de prendre contact avec les chercheurs psychanalystes et plus particulièrement les Adlériens qui sont les plus près de nous.

Nous voudrions à cette occasion montrer notre apport pratique à une recherche psychanalytique qui, au lieu d’être plus ou moins paralysée par la forme et les formules, réalise la plus naturelle et la plus précieuse des psychanalyses par l'expression libre dans les divers domaines.

Et cela nous amène à résumer un peu hâtivement et nous nous en excusons, les discussions menées au Congrès sur le thème de la santé mentale.

Nos lecteurs ont déjà eu connaissance de notre rapport introductif qui s'appuyait sur des monographies du plus haut intérêt. Nous en avons publié quelques- unes ; nous en avons lu d’autres au Congrès ; des camarades ont aussi apporté leur témoignage. Rien n'était plus démonstratif et nous aurons à publier, sous une forme à prévoir, de tels documents.

Ont pris ta parole : Fonvieille, Faure (Isère) : Oury (Paris) ; Vandeputte (Nord) ; Bouvier (Calvados). Mais ce sont les interventions du Dr Oury qui nous ont été les plus précieuses. Nous ne citerons seulement ici que quelques-unes de ses phrases ;

« La corporation des instituteurs fournit un très grand nombre de malades mentaux de toutes catégories.

« Si on veut que l'ambiance nécessaire à la santé mentale se développe dans nos classes, il faut que l'instituteur y participe. Autrement dit, pour que les enfants s’épanouissent, l’instituteur doit s'épanouir Ce qui est bon pour les enfants est bon pour les éducateurs.

« IJ est irrespirable d'entrer dans certaines écoles. Non pas à cause de la surcharge, mais pour l’esprit qui y règne. Et pas simplement dans la classe, mais dès le seuil de celle classe…

« Peut-on dire que certains cas de troubles mentaux des éducateurs sont le résultat de la vie, toute la journée, toute l'année, dans un tel milieu ? Ce qu'on peut en tous cas affirmer c'est que l'atmosphère de ces classes n’est pas faite, en tous cas, pour guérir les déprimés et les nerveux ».

La question sera nécessairement posée à nouveau au prochain Congrès. En effet, l'année mondiale de la santé mentale se continuera en 1961 avec un certain nombre d'importantes manifestations auxquelles nous devrons participer.

En attendant nous demandons à nos camarades de nous adresser encore des monographies. Nous les publierons dans un ou plusieurs numéros de notre Bibliothèque de l'Ecole Moderne.

Le prochain Congrès aura lieu à Saint-Etienne Notre ami Béruti qui en a pris la responsabilité en poursuit la préparation avec une méthode qui nous garantit d’avance le succès.

LES CONFÉRENCES PÉDAGOGIQUES.

Elles comportent cette année deux thèmes pour lesquels nous aurons à apporter plus spécialement le résultat de notre longue expérience.

1° - Morale: L'instituteur face à sa mission éducative : la formation de l’homme et du citoyen de demain; les moyens dont il dispose; la leçon de morale proprement dite.

Le prochain Congrès de l'O.C.C.E. traitera d'un sujet approchant sur lequel nous pensons publier un ou deux numéros de B.E.M,

2° — Education physique : Le programme réduit et la mise en application, Nous signalons à ce sujet que le numéro 4 de notre revue Techniques de Vie qui vient de sortir publie un article de C. Combet : Psychologie et Education physique, qui préconise une méthode naturelle que nous vous conseillons de lire.

Dans ce même numéro : Progression logique et progression naturelle, de J. Vuillet — Psycho-sociologie de l'attention, de C. Combet — Nous avons posé ta question du bonheur, de Bertrand

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