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Avril 1946

Encore, dira-t-on !

Après la commercialisation de la C.E.L., voici maintenant des aménagements nouveaux ! Cette C.E.L. ! Toujours en transformation donc !...

Lorsque le savetier du coin acquiert renom et clientèle à cause de l’excellente besogne qu'il assure, il tâche d'agrandir son échoppe et de la faire déborder sur les boutiques voisines.

Si sa clientèle va croissant, il lui faudra, bon gré malgré, se transporter dans un local nouveau qui répondra plus ou moins à ses besoins commerciaux.

C'est ce qui nous arrive avec cette particularité que notre montée en flèche, en sept mois, n’a sans doute pas d'équivalent dans le commerce.

En octobre, nous étions à zéro et la police avait même dispersé nos adresses et nos archives — que nous n'avons plus retrouvées. Nous approchons aujourd'hui de 10 000 coopérateurs, qui réclament nos services en une période où tout — approvisionnements, transports, locaux — contrarie nos efforts pour servir au mieux nos adhérents.

Alors, nous avons fait comme nous avons pu, avec un succès parfois relatif, par une suite de ces tâtonnements qui sont la loi de tous les comportements humains.

Nous ne disons pas que nous ayons réussi à 100 %. Des erreurs ont été commises. On en commet toujours dans la vie. L'essentiel est de les redresser à temps et d'en tirer les enseignements qu’elles comportent. Le scindement de la Coopé en deux tronçons, dont l’un se trouvait à Deuil et l'autre à Vence est, sans doute, une de ces erreurs, que nous venons de corriger par des dispositions nouvelles, liées d'ailleurs à l’accord Sudel-C.E.L, dont nous pouvons enfin vous parler.

Cet accord est un événement d'importance dans la vie de la C.E.L., et vous allez en juger,

 

* * *

Notre mouvement pédagogique a pris naissance et s'est développé dans les écoles primaires, par 1'effort désintéressé d'instituteurs publics, travaillant dans le cadre de l'Ecole primaire. Nos Congrès, sauf durant les dernières années d’avant-guerre, se sont toujours tenus à l'occasion des Congrès syndicaux où nous n'avons jamais manqué d'exposer nos réalisations. Si nos efforts n’ont pas toujours été compris, même dans les milieux syndicaux — et nous ne saurions nous en étonner — nous n’en avons pas moins collé, en permanence, à un élément qui nous était comme substantiel.

Depuis la libération, ces conditions se sont radicalement améliorées. Nombreux sont les responsables pédagogiques ou syndicaux qui sont adhérents à notre Coopérative. Au cours des trente conférences que j’ai faites depuis octobre, partout, le Syndicat National a participé à l'organisation, lorsqu'il n’en a pas assumé toute la responsabilité. Partout, le Secrétaire départemental du Syndicat est venu dire l’intérêt commun qui nous lie.

De plus, notre œuvre a toujours été essentiellement coopérative, ce qui signifie que le bénéfice commercial capitaliste n’a jamais été le moteur de notre action, que nous n’avons donc jamais eu comme but l’extension commerciale d'une firme mais seulement les services à rendre à l’école et à ses maîtres,

Nous étions, il y a quelques mois, comme à une croisée des chemins : le succès de nos réalisations nous aurait permis de mettre debout une grande coopérative qui, diversifiant et étendant ses rayons, forte déjà d’une dizaine de milliers d'adhérents, se serait dressée en face de SUDEL comme une réalisation parallèle et, que nous le voulions ou non, concurrente. .

Cette concurrence aurait, en définitive, desservi le progrès pédagogique en général et notre Ecole Laïque en particulier.

Nous avons pensé qu’il était de notre devoir de nous entendre avec Sudel, de combiner nos réalisations, nos possibilités commerciales, dans le cadre du grand mouvement syndical des Instituteurs français.

A une première demande que j’avais adressée à Vivès dans ce sens, il nous fut répondu par des propositions que le C. A. du 2 mars dernier examina longuement.

Si nous n’avons pas publié alors ces propositions, c’est, que nous n’avons pas voulu influencer aucunement les décisions de Sudel. C'est fait maintenant. L’accord de principe est intervenu. Il ne reste plus qu'à régler les modalités de l’arrangement technique pour lequel nous ne saurions rencontrer aucun obstacle majeur.

Voici la réponse que le Conseil d’Administration de la C.E.L., réuni à Paris le 26 avril dernier, a décidée sur les modalités de cet accord.

RELATIONS SUDEL - C.E.L.

Le C.A. de la Coopérative de l'Enseignement Laïc, réuni à Paris, le 26 avril,

Prend acte avec satisfaction de l’acceptation sans réserve par SUDEL des propositions que lui avaient faites le C.A. du 2 mars 1946, et reste persuadé que, après un tel accord de principe, les négociations techniques subséquentes seront faciles et fructueuses.

Afin d’aiguiller, d'orienter et de préparer ces négociations, le C.A., après discussion de la lettre de Sudel en date du 16 avril 1946, fait à Sudel les propositions techniques suivantes, susceptibles de servir de base pour un accord définitif :

La Coopérative de l'Enseignement Laïc se consacrera de plus en plus à son rôle de Laboratoire Pédagogique, tel que l'avait défini Sudel lors des précédentes discussions.

Elle étudie, prépare, réalise, édite coopérativement les outils de travail (brochures, livres, appareils divers, films, disques, etc...) nécessaires à 1’Ecole Moderne, laissant à Sudel le soin de diffuser et de livrer ces outils au personnel enseignant.

A cet effet :

1° Tant que matériel et éditions ne sont pas réalisés en leur forme parfaite et définitive, la C.E.L. les cède elle-même, directement, pour expérimentation et recherche pédagogique, à ses adhérents, et à ses adhérents exclusivement.

2° Dès que cette perfection est atteinte, la vente exclusive est réservée à Sudel à des conditions commerciales à fixer par un accord à intervenir.

La distribution aux coopérateurs sera, dans ce cas, assurée elle aussi par Sudel, mais aux conditions qui seront fixées par la C.E.L. et qui sauvegarderont totalement les droits et les avantages de tous les adhérents de la C.E.L.

Autrement dit, la Coopérative de l’Enseignement Laïc devient la Maison de gros qui prépare et réalise les outils de 1’Ecole Moderne. Sudel en deviendra l'organe de vente exclusif.

Rien n'est changé à notre esprit, aux uns ni aux autres. Nous avons seulement reconnu l'identité de nos buts, notre désir commun de défendre l'école laïque et ses maîtres, et donc la nécessité de collaborer en camarades, au service d'une même œuvre qui nous dépasse. Dans celte collaboration, nous nous spécialisons en vue d’un meilleur rendement : la C.E.L. met au service de Sudel et de la presque unanimité du personnel enseignant qu'elle sert son expérience pédagogique de vingt ans, ses équipes de travail œuvrant dans le cadre de l’Institut Coopératif de l'Ecole Moderne, ses réalisations enthousiasmantes. Sudel mettra au service de la Coopérative tout son appareil commercial éprouvé qui assurera à nos travaux la diffusion qu'ils méritent.

Que nous disions cependant que ce qui nous a poussés à la réalisation de cet accord ce sont bien moins les avantages commerciaux que nous pourrions en retirer que la nécessité profondément ressentie par tous les éducateurs de regrouper nos forces et de plier nos petites divergences structurales aux lois souveraines de notre lutte commune pour le triomphe de l’éducation populaire laïque qui préparera le monde de demain.

Le présent accord Sudel-C.E.L. consacre notre nécessaire effort pour intégrer toujours davantage notre pédagogie dans le vaste processus coopératif syndical et culturel, national et international.

Noua pouvons assurer nos adhérents que le Conseil d'administration de la Coopérative, en s’orientant dans cette voie, n’a fait que servir, et de la meilleure façon, leurs intérêts pédagogiques, sociaux et humains, leurs intérêts tout court.

***

La C.E.L. continue, plus forte que jamais, forte de sa vraie puissance, qui lui vient des milliers de travailleurs associés pour la modernisation de notre école. Vos intérêts seront, soyez-en certains, intégralement sauvegardés et nous jouerons, à une échelle plus large et plus profonde, notre vrai rôle de Laboratoire pédagogique, de ferment qui fera se lever, dans la masse du personnel, pour la masse des enfants, les belles moissons de demain.

* * *

L'accord commercial à intervenir ne prendra effet qu’à la rentrée d'octobre prochain et vous en serez averti.

Du fait de le démission de Pagès de son poste de Directeur Commercial, considérant l’impossibilité de continuer à faire fonctionner une coopérative commercialement scindée en deux, et les possibilités nouvelles nées de notre entente avec SUDEL, le C. A. a décidé les mesures suivantes :

1° L'organisation commerciale retourne tout entière à Vence (en attendant son transfert probable à Cannes) sous la direction de notre ami Journet.

L’adresse de Deuil est donc à supprimer totalement. Toutes lettres (commandes, renseignements, réclamations, versements) doivent être adressées à C.E.L., à Vence, A.-M,

Ces fonds seront versés exclusivement à C.E.L. 115.03 Marseille.

DES que le regroupement sera opéré, nous régulariserons toutes les affaires en retard.

2° La C.E.L. aura à Paris un Bureau de démonstration, de renseignements et de vente pour lequel SUDEI met à notre disposition les locaux de la Bibliothèque d’Education, 5, Place Paul Painlevé, Paris.

C'est Pagès qui sera responsable de ce Bureau. Il sera aidé dans cette tâche par un Bureau parisien élargi dont nous ferons prochainement connaître la composition.

3° Pagès liquidera à Deuil les affaires courantes. Le Bureau Parisien ouvrira à une date qui sera indiquée ultérieurement.

Nous ferons l'impossible pour que ce regroupement permette un bon démarrage, pour lequel nous prenons les ultimes mesures.

D'importantes commandes ont été passées à nos fournisseurs et sont en cours d'expédition, Nous pensons réaliser le plan suivait :

— Livraison avant les vacances de toutes les commandes enregistrées avant Pâques (dans l’ordre de leur inscription).

— Livraison pour la rentrée des autres commandes, dans l’ordre de leur inscription.

Les éditions sont livrables immédiatement.

Nous demandons à nos adhérents de patienter encore quelque peu et nous les assurons que nous ne négligeons rien pour hâter les livraisons qu'ils attendent avec impatience mais que les conditions actuelles rendent si difficiles.