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Juin 1961

Quand ce numéro vous parviendra, vous vous préparerez à partir en vacances. Et c'est pourquoi nous serons plus brefs qu'à l'ordinaire. Nous avons, en cours d'année fait suffisamment de livraisons copieuses pour que vous jugiez, comme nous l’espérons, que L’Educateur a bien rempli sa mission et mérité que vous lui fassiez à nouveau confiance.
Mais justement parce que vous êtes des nôtres, nous ne nous contenterons pas de vous demander le renouvellement de vos abonnements, Il faut que, dès maintenant et à la rentrée surtout, vous vous sentiez comme mobilisés pour nous apporter non seulement votre collaboration active dans un ou plusieurs domaines des problèmes complexes auxquels nous nous appliquons, mais pour faire connaître autour de vous nos techniques, notre Coopérative, nos périodiques et notamment notre belle collection BT qui va fêter, fin septembre, son 500e numéro, dont tout le monde dit si grand bien, mais qui, faute de fonds pour le lancement, n'a pas la large diffusion qu'elle mériterait.
Nous comptons donc sur vous.

La rentrée est d’ailleurs sérieusement avancée pour les bons travailleurs Ecole Moderne. C'est fin août déjà que se tiendra à Vence la semaine de travail traditionnelle, doublée d'un Colloque Techniques de Vie qui préparent dans le détail le travail de l’année qui commence. Début septembre, se tiendra à travers le pays les nombreux stages dont vous devez assurer le succès.
Le N° 20 de L'Educateur vous parviendra le 10 septembre. Il sera, comme à l’ordinaire, plus particulièrement consacré aux diverses informations intérieures, à l’organisation du travail et aux tarifs divers. Entre temps vous recevrez aussi les deux derniers numéros des B.T. du 1er et 10 juillet, dont nous retardons la sortie pour qu'ils vous touchent sûrement.
Nous aborderons alors l’année scolaire dans de bien meilleures conditions ; avec Pons qui, à partir d'octobre, dirigera la C.E.L., notre Coopérative aura en quelque sorte son destin autonome. Je prendrai la responsabilité de l'I.C.E.M. et de ses périodiques avec Bertrand comme responsable aux éditions. Elise Frelnet nous y aidera.
Nous espérons que le succès croissant de la C.E.L. d'une part, l'audience toujours plus grande de nos publications d’autre part, nous permettent d’envisager l’avenir avec confiance.

*

Je sais pourtant que, même en vacances, vous ne pourrez pas ne pas parler Ecole Moderne avec les camarades que vous rencontrerez. Non pas pour faire du prosélytisme, mais parce que l’Ecole conçue selon notre pédagogie est devenue pour nous Technique de Vie, qu’elle s'insère de ce fait dans votre comportement, et que vous en discutez, naturellement, comme de tout ce qui touche de près à votre vie.
Des questions plus particulièrement délicates vous seront peut-être posées, au sujet desquelles je crois utile de vous apporter ici les ultimes informations.

1° L'Affaire parisienne. — Elle est, pour nous, définitivement réglée. Les camarades parisiens réunis en Assemblée Générale statutaire ont constitué librement un nouveau Conseil d’Administration qui assurera la vie du groupe au sein de l'I.C.E.M.
Les quelques camarades qui n'ont plus voulu participer à notre grande camaraderie, se sont hâtés de mettre à exécution le projet dont nous sentions l'éminence et que nous désapprouvons : avant même que l'A.G. parisienne se soit réunie pour décider du sort du groupe et de son Bulletin, les dissidents constituaient officiellement un Groupe des Techniques Educatives, avec sans doute sous peu la revue qui en sera l'organe.
Désormais leur sort est indépendant du nôtre. Cette mise au point sera la dernière en la matière.
La constitution d'un tel groupe consacre l'état d'esprit qui a été à la base du désaccord et du départ de ces camarades. A les entendre, les Techniques Freinet ne sont qu’un élément des diverses techniques pédagogiques dont il faut discuter au même titre pour les introduire à l'Ecole.
Nous connaissons l'antienne ; elle n'est pas nouvelle ; elle est de toujours. Les plus sceptiques — officiels ou non — reconnaissent aujourd'hui l'importance et ta portée de notre pédagogie. Ils rendent hommage à notre groupe inégalé de chercheurs enthousiastes et dévoués. Mais on nous accuse volontiers d'être trop exclusifs, trop sectaires, de ne parler que des Techniques Freinet comme si rien d'autre n’existait en pédagogie et si nous avions découvert le remède à tous les maux.
Parce que nous sommes des travailleurs et des chercheurs honnêtes, nous ne pouvons pas être sectaires. Quand un outil, une technique réussissent dans nos classes, nous ne nous demandons jamais s’ils portent l'estampille Freinet ou une autre marque d'origine. Notre but définitif n'est point de «servir» les Techniques Freinet, mais de servir l’enfant et l’Ecole laïque, et il n'y a pas d’exemple, dans l'histoire de notre mouvement, que nous ayons failli à notre devoir. Ou du moins, nous n'aurons pas failli sciemment : si on nous signale ce qu'on croit être une erreur, si nos camarades informés jugent à l’expérience que nous aurions en effet fait fausse route, nous nous appliquerons à rectifier nos conceptions et notre comportement.
Il suffît d'ailleurs de jeter un coup d'œil sur l'histoire de notre mouvement pour comprendre qu'il n'est que la suite acharnée de longs tâtonnements qui nous ont menés de nos premiers essais d’imprimerie à l'Ecole à une conception nouvelle de nos techniques de travail mises au point expérimentalement.
Mais nous n'en pensons pas moins — et nous sommes en mesure de le prouver — que notre pédagogie occupe aujourd'hui dans le monde un plan unique, au-dessus des diverses techniques secondaires qu’on prétendrait hausser à la majesté des méthodes. Notre pédagogie ce n’est pas seulement en effet l'imprimerie à l'Ecole, ou des fichiers auto-correctifs, ou des procédés audio-visuels, ou la peinture en couleurs. C'est avant tout une nouvelle conception de la vie et du travail dans nos classes, un nouveau climat, un nouvel esprit. Toute technique qui permet la réalisation d'un tel climat, l'éclosion d'un tel esprit, mérite d'être expérimentée et adoptée, d'où qu'elle vienne, nouvelle ou traditionnelle. Et c’est pourquoi pour la réalisation de cette pédagogie nous faisons appel, au sein de notre Association pour la Modernisation de l'Enseignement, à toutes les personnes de bonne volonté pour qu'on réalise et poursuive en éducation, cette indispensable adaptation de l’Ecole à un milieu nouveau qui la conditionne.
Nous avons pris, nous prenons et nous prendrons tout ce qui peut nous servir, chez Montessori, Decroly, Dewey, Washburne, Dalton, dans l'expérience soviétique; nous puisons dans l'éducation traditionnelle tout ce que nous croyons valable. Mais nous sommes obligatoirement contre tout dogmatisme ; nous n’adoptons pas les yeux fermés ce qui est, ou ce qu'on nous recommande, Ce faisant, d'ailleurs nous agissons en éducateurs conséquents, désireux de préparer leurs élèves non point à croire ou à copier, mais à créer les éléments d’un monde dont la science a largué les amarres et dont nous devons être capables encore de commander voiles et gouvernail.
Disons tout simplement qu'il est des éducateurs et des pédagogues — et les quelques Parisiens égarés sont de ceux-là — qui, pour diverses raisons que nous ne détaillerons pas ici ne veulent pas collaborer avec nous, ne veulent pas se soumettre à nos critères expérimentaux et donnent pour se justifier une infinité d’arguments auxquels seuls répondent les faits.
Et surtout, nous nous obstinons à n’être point conformistes ; nous dérangeons les traditions et les habitudes, nous gênons certains projets ou entreprises, et on ne nous le pardonne pas toujours.
Nous avons du moins le réconfort d’être aidés et soutenus par un noyau impressionnant d'éducateurs qui, parce qu'ils ont compris, nous sont à jamais dévoués. Et parmi ce noyau, nous sommes heureux de compter de nombreux administrateurs et inspecteurs dont la sympathie et les conseils nous sont toujours précieux.

2° Une revue internationale d'Ecole Moderne (Association pour la Modernisation de l'Enseignement et la F.I.M.E.M).
Pour ces deux entreprises, nous nous trouvions dans une impasse parce que nous n’avions pas la possibilité d'éditer et de diffuser les Bulletins et revues de travail qui nous sont indispensables, étant donnée notre dispersion à travers le monde.
L'Institut Pédagogique National a bien voulu nous donner son accord de principe pour l'édition de la revue internationale dont nous avons besoin, Nous aurons là la collaboration de tous ceux qui pensent que notre pédagogie doit nécessairement évoluer et se transformer. Nous apportons quant à nous une expérience vieille de quarante ans, rôdée à l’échelle de quelques dizaines de milliers d'écoles.
Nous ne demandons point qu'on s'enrôle les yeux fermés sous notre bannière mais qu'on discute avec nous, qu’on cherche expérimentalement pour que l'Ecole de demain réponde mieux que celle d'hier à l'angoisse de millions de parents et d'éducateurs impuissants à solutionner seuls, les graves problèmes que leur impose la vie de 1961.
Toutes informations sur cette nouvelle revue seront données en temps utile.

3° Les relations avec le S.N.I. — Mon article a été presque unanimement apprécié. On semblait, dans bien des cas, l'attendre. Un camarade m'écrit même : « Il y a 25 ans qu'il aurait dû sortir et ta patience a été angélique ».
Une camarade — oui, une seule — m'adresse des objections. Nous n’en concluons d’ailleurs pas qu’elle soit obligatoirement la seule à faire des réserves. Elle écrit :
« Ayant à choisir entre des militants et des travailleurs, tu as choisi les travailleurs, de quelque tendance qu'ils soient. C’est ton droit. Mais on s’explique maintenant, les mouvements rageurs que tu as à l’égard des militants ».
Mais a-t-on le droit de distinguer ainsi parmi les syndiqués, les militants et les travailleurs? Le militantisme serait-il une nouvelle fonction, un nouvel état qui excluerait l'attention naturelle qu’un bon ouvrier porte à son travail ? J’ai été militant syndical ; nombre des nôtres sont d'actifs militants aussi. C'est non seulement leur droit mais leur devoir. Et je ragerais en effet contre les éducateurs — et c'est, je crains ce qui se produit trop souvent — qui nous jugent et nous malmènent non point au nom de l'Ecole et de la pédagogie, mais au nom de la lutte syndicale. Et non pas au nom de la lutte syndicale qui nous dresse unis contre nos ennemis, mais contre celle qui vise au triomphe d’une tendance ou d'une fraction dont nous serions des pions.
Nous sommes avec tous les militants et avec tous les travailleurs.
J’aurais négligé de signaler qu’il y a eu ces dernières années quelques offres ou essais de collaboration à L'Ecole Libératrice. Elles ont été timides et si mesurées que ces essais ont sans cesse foiré, Je ne peux d’ailleurs en parler que par ouï-dire parce que je n’ai jamais été contacté et que je décline donc toute responsabilité de notre mouvement dans cet échec.
« Une chose, ajoute la camarade, m'a peinée. J’ai vu, à St-Etienne un stand de la Farandole, un stand Bourrelier. Publications enfantines ; rien I ».
Nous le regrettons. D'autant plus que les Publications enfantines sont un peu notre affaire... légalement parlant. Sudet a toujours été invité à notre Congrès en même temps que le S.N.I. Ce n'est pas notre faute si, ni l'un ni l'autre ne font le geste humain de répondre, ne serait-ce que d'un mot à notre invitation.
J’ajoute que, avant de faire à des maisons d'édition privées certaines offres dont nous parlerons, je me suis adressé une fois encore à Sudel pour lui dire combien il est regrettable que, pour le bien de l'Ecole, nous ne puissions pas conjuguer nos efforts comme nous le souhaitons toujours.
Si ces diverses manifestations parvenaient à rétablir les contacts, nous nous en féliciterions sans réserve. Et c’est pourquoi nous avons été particulièrement heureux de recevoir l'ordre du jour suivant qui a été voté à l'unanimité moins trois abstentions par l’Assemblée générale du Haui-Rhin, Depuis l'Assemblée générale des Alpes Maritimes l’a adoptée aussi. Nous souhaitons qu'elle puisse être présentée et approuvée — si elle est présentée, elle sera approuvée — dans le plus grand nombre possible de sections, afin que le prochain Congrès du S.N.I. soit appelé à en délibérer.
« L'A.G. de la Section du Haut-Rhin du S.N.I. réunie à Ensisheim, le 1er juin 1961
se déclare fermement attachée à la modernisation de l'Ecole sous toutes ses formes, y compris la modernisation des méthodes pédagogiques ;
constate les efforts faits dans ce sens par le Mouvement de l'Ecole Moderne ;
s'étonne que « L'Ecole Libératrice » soit seule parmi les journaux pédagogiques à ne pas faire mention des réalisations de l'Ecole Moderne Française, ni des techniques pédagogiques qu'elle préconise ;
demande que le S.N.I. tienne compte des milliers d'adhérents de l'I.C.E.M., syndicalistes laïques, et adopte à leur égard une attitude plus compréhensive et plus constructive ;
verrait une solution à ce problème, en ouvrant dans « L’Ecole Libératrice » une rubrique qui discuterait des méthodes pédagogiques employées à ce jour dans plusieurs ordres d'enseignement, et où il serait possible à l'I.C.E.M. de s'exprimer librement
».
Nous notons d'ailleurs des opinions très favorables de militants dans de nombreux bulletins syndicaux que les camarades nous ont communiqués, ce dont nous les remercions.
Et si, au cours des discussions qui interviendront, on vous objecte que nous ne sommes qu’une minorité — disons 5 % — que le syndicat parle au nom de ta masse, je vous suggère pour la réponse les arguments, à mon avis majeurs, que notre ami Beruti mentionne dans une réponse au Bulletin syndical de la Loire :
« Parlant des 1 % des instituteurs (ce 1 % était donné comme raison suprême dans un article du Bulletin) qui suivent Freinet (une quarantaine dont plus de 30 jeunes dans la Loire) je ne ferai pas l’injure à des instituteurs de citer la liste des mouvements syndicaux, culturels, révolutionnaires... (l'histoire en fourmille) qui ne comptaient pas plus d’adhérents trente ans après leurs premiers pas. il me serait facile d’inviter nos camarades à relire leur Ecole Syndicaliste de mai Î961, page 24: «Les A.G. qui rassemblent 6 à 8 % de syndiqués ne signifient pas grand chose ». Ce 1 % de collègues, militants de la base, actifs, étaient tous présents à la dernière A.G., comme ils te sont à toutes les manifestations syndicales (30 à 40 sur 107 + 18 + 35, présents à l'A.G. au 25/12/60, ce n'est pas mal). Le vrai problème est donc, avec les militants du S.N.I., de tirer la sonnette d'alarme et d'appeler les collègues à l'action »,
Ce sera aussi notre conclusion.

NOS PROJETS POUR 1961

Voici quelques-uns des sujets qui, au cours de la prochaine année scolaire seront étudiés dans nos groupes, dans nos commissions et dans nos congrès et qui donneront lieu à comptes rendus dans L'Educateur, dans Techniques de Vie et dans la Bibliothèque de l’Ecole Moderne :
— Le calcul vivant.
— La modernisation des Examens et les Brevets.
— Les flches-guîdes et les nouveaux manuels scolaires.
— Les écoles de villes.
— La correspondance interscolaire,
— Les C.E.G. et le 2e degré. Préparation du matériel et des techniques adéquates,
— L’enseignement scientifique.
— La mémoire et le par cœur,
— L'aptitude à l’abstraction,
— L'illumination comme forme d'acquisition,
— La création dans tous les domaines,
— De la culture parlée au règne de l’image.
— Le subconscient.
— Le tâtonnement expérimental.
Abonnez-vous à nos publications et participez à nos discussions qui vous permettront de comprendre en profondeur ces différents thèmes et d'en imprégner votre travail et votre vie.