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Vers une Méthode naturelle de Langues vivantes : Création corporelle et imprégnation linguistique

Le sujet des langues vivantes (n’entendez pas seulement vivantes, mais étrangères) est (re)naissant à l’ICEM. Dans leur classe, certains expérimentent des techniques et vivent des événements langagiers qui pourraient être le début d’une Méthode naturelle des langues vivantes (MNLV).

En Méthode Naturelle, le travail en Langues vivantes s’inscrit dans le travail habituel de la classe coopérative, et son efficacité tient en partie à cette indifférenciation : comme pour les autres domaines disciplinaires, nous donnons la primauté à la vie des enfants, installés en position d’auteurs-créateurs ; aussi, toute proposition d’enfant qui s’autorise est accueillie, soutenue aidée et transformée par le groupe (dont le professeur). Cette pratique permet à l’enfant de vivre et d’expérimenter, ici et maintenant, sa propre humanité, ce qui caractérise la Méthode naturelle dans son ensemble. Il faut bien insister sur ce point : il y a une démarche propre de la Méthode naturelle qui la distingue de toutes les autres et qui implique une formation générique (celle de la relation éducative) et spécifique (chaque domaine disciplinaire requiert ses expertises). Ce n’est pas une question de territoire réservé ou de chapelle, c’est une question d’efficience et de prise en considération de la réalité complexe de la vie[1].
Dans ce contexte général de la Méthode naturelle, la spécificité des langues tient en particulier au rôle d’introduction et d’imprégnation « contextualisée » que doit jouer le professeur : rendre la pratique de l’anglais aussi naturelle que possible, en l’utilisant dans un contexte pratique[2]  (recettes, bricolages, peinture, travaux manuels …). Je propose ici mon témoignage dans le cadre de la pratique de Méthode naturelle corporelle « in English », dans ma classe de CE1/CE2 l’an dernier, et de CE2/CM1 cette année, ce qui n’est donc qu’une des façons possibles de faire un « bain de langue », mais particulièrement efficace. 
 
· Un déroulement classique
1. En entrant, calmement, ils se dispersent dans la salle de motricité et après avoir enlevé leurs chaussures ils font des gestes d’échauffement. Je choisis ensuite un candidat, et tout le monde refait son geste ; si des enfants inventent des variantes intéressantes je les propose, je les valorise, et je maintiens l’habitude de faire tout geste avec les deux parties du corps, de le faire en avant/en arrière, etc. Et puis on repart sur une nouvelle proposition. Je veille à ce que ça reste de l’échauffement et pas des prouesses techniques, je vérifie avec eux que toutes les parties du corps sont mises en jeu, et au besoin je propose un geste. Le tout pendant dix minutes, à un rythme soutenu.
 
2. Ensuite, je lance un temps de recherche libre (en petits groupes libres) d’un enchaînement gestuel (je me contente au besoin d’un seul geste, au début notamment) qui sera présenté à la classe. Il peut m’arriver, pour donner des idées au début, de leur proposer d’enchaîner des gestes vus lors de l’échauffement. Je circule dans la salle pour regarder, conseiller de travailler et présenter tel geste, voire proposer à la classe de refaire un geste intéressant, de regarder ce que fait tel groupe... il arrive que toute la classe refasse une bonne idée, parce qu’il n’y a bien sûr jamais de sentiment de propriété des idées, au contraire : les élèves retrouvent eux-mêmes certaines filiations entre les gestes, avec la même formule qu’en classe sur les textes libres : « je me suis inspiré de ... », « c’est comme… ».
 
3. Après je les fais asseoir contre un mur (ils ont besoin de se reposer un peu !) et il y a des présentations plus solennelles, où les volontaires présentent un mouvement ou un enchaînement librement choisi/inventé au reste de la classe. Dès qu’un élément est intéressant, d’après moi et mon écoute, ou d’après eux et leur réaction, je leur propose de le refaire, ou ils se le proposent, mais pas toujours à tout le groupe : il arrive que je propose à celui ou ceux qui présentent de choisir deux ou trois copains à qui il(s) demande(nt) de faire la même chose qu’eux, pour que les spectateurs puissent constater l’effet esthétique du geste lorsqu’il est réalisé simultanément par un groupe. Ou alors, je lance un temps de recherche collective sur ce geste, qu’il s’agit alors d’explorer, de transformer, de recréer, d’améliorer, de fouiller en détail (variations de toutes sortes, d’orientation esthétique et/ou gymnique et/ou yogique et/ou expressive). Depuis peu, je demande aux élèves qui présentent de décrire ce qu’ils font en anglais, ils essayent de « baragouiner » ce qu’ils peuvent en franglais : par exemple : « I jump and then I tombe en arrière ! » Ce à quoi je leur réponds : “ I jump and I fall down back ! » et ils répètent.
 
4. À la fin, je leur propose parfois un moment de yoga (sans le nommer ainsi explicitement, je dis plutôt « Let’s calm down ! ») : on fait la ronde, on s’assied, quelqu’un vient au centre pour présenter un geste « immobile » : il doit prendre une pose et la maintenir pendant dix secondes ; un responsable compte (plutôt en murmurant, pour maintenir l’atmosphère concentrée, recueillie sur soi-même) jusqu’à dix en anglais (ils comptent rapidement, c’est plutôt des demis secondes !), les autres regardent ou commencent à refaire, on recompte pendant que tout le groupe le refait. Les moments de yoga sont presque toujours réussis, avec des fous rires et de grands moments où nous sommes tous recueillis.
L’idée est qu’ils intègrent bien que ces séances portent sur un travail du corps, créer avec le corps, le corps en exploration sur lui-même, de ses puissances : cela a pour conséquence la conscience du corps, l’humanisation du rapport à son propre corps. Si on ressent que ça tourne en rond, on peut leur proposer des objets : un banc (excellent pour faire émerger des liens avec les mathématiques), ou des cerceaux, ou des cordes… Ce ne sont alors que des variations autour d’un centre qui est le corps seul : il ne s’agit pas de « faire quelque chose avec » des cerceaux, mais bien de créer avec son corps. On peut voir trois disciplines expertes en ligne d’horizon de ces pratiques : le yoga (avec le corps immobile), la danse (avec le corps beau…) et la gymnastique (avec le corps performant, souple et fort).
J’applique ça aussi dans un autre milieu, à la piscine : ils proposent et on refait, avec beaucoup d’enthousiasme, même dans un groupe de niveau assez homogène. 
Pendant les séances je veille à avoir des interventions personnelles sur les enfants, à ne pas donner des consignes qu’au(x) groupe(s) : je travaille à maintenir la relation de préceptorat dans ces moments-là, ce qui n’est pas simple parce que l’anglais plus la Méthode naturelle corporelle ça fait déjà beaucoup ; mais cela me semble une priorité pour la créativité du groupe : maintenir la sécurité affective et la relation éducative. Dans le même ordre d’idée, je veille au silence le plus possible pendant les phases de recherche, je leur dis qu’on travaille du corps mais pas la langue, j’essaie de leur donner le goût de la concentration sur soi et l’attention à leur corps.
En ce qui concerne l’anglais, je parle le plus possible en anglais, mais il n’y a aucun tabou de langue, et je traduis immédiatement si je vois qu’ils ne comprennent pas malgré mes gestes éloquents, ou si je ne sais pas bien dire quelque chose d’urgent, et je les guide dans leurs éventuelles propositions de traductions. La réussite de l’imprégnation contextualisée est fondée sur l’authenticité de la situation : ce n’est pas l’anglais qui prime, mais le corps et la puissance expressive du corps : jamais les séances de corporel ne sont des prétextes à faire de l’anglais. 
Un article, que je vous invite à consulter, paru sur le site de l’Association des Professeurs de Langues Vivantes (APLV)[3] propose une réflexion qui se veut un premier temps de l’élaboration et des pratiques collectives qui restent à mettre en place en Langues vivantes. Il présente de manière théorique le contexte de la Méthode naturelle, puis quelques pratiques de classe. 
Juliette Go
 


[1] Paul Ricœur parle de « vie intégrale ».
[2] On peut penser à la formule de Dewey “learning by doing”.
[3] Sur le site de l’APLV, http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article2100&var_recherche=freinet

 

COUCOU

j'ai fait intrusion dans ton texte pour enlever un "s" dans le mot disciplinaire "(chaque domaine disciplinaire requiert ses expertises)
bises k