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Repères pour une évaluation humaine des enseignants du XXIe siècle

L'ICEM - pédagogie Freinet, le 24 janvier 2012

Si évaluer les compétences professionnelles des enseignants, c’est tenter de mesurer l’écart entre ce qu’ils parviennent à construire et ce qu’il conviendrait de réaliser, la tâche semble quasiment impossible tant elle peut s’avérer subjective et singulière. Il ne s’agit pas non plus de mesurer le degré de conformité entre ce qui est développé et les préconisations administratives, ni le potentiel de servilité et de docilité des enseignants observés.

En revanche, leur permettre de disposer d’informations qui les invitent à se situer quant à la nature de leur activité quotidienne peut tendre vers plusieurs objectifs :
1. Reconnaître ce qui fonctionne, dans le sens du bienêtre et des apprentissages authentiques des enfants ou des jeunes côtoyés
     et du plaisir à enseigner.
2. Valoriser les réussites pour en permettre une médiatisation au service de la formation professionnelle.
3. Identifier ce qui pourrait faire l’objet d’évolutions et indiquer en même temps les pistes et ressources formatives en mesure de  
    proposer un véritable accompagnement.
4. Repérer, éventuellement, les situations de souffrances qui mettent en danger les élèves et leur enseignant, afin d’organiser
    rapidement un dispositif de soutien et d’intervention.

Le fil conducteur sera une évaluation qui met en valeur le travail coopératif mené au quotidien dans la classe, au sein de l’équipe de l’école ; une évaluation qui responsabilise chacun dans le cadre d’une éthique professionnelle fondée sur les finalités de l’École et le respect des jeunes.

Nous proposons donc un registre de mesures pour baliser l’évaluation professionnelle des enseignants :

1. Organiser des situations d’évaluation régulières et bienveillantes, dans un esprit de formation, d’accompagnement et de refus du
    jugement moral.
2. Décontaminer l’évaluation de la progression dans l’échelle des salaires : ne faire de l’évaluation professionnelle qu’une source de
    formation, éventuellement, un moyen d’intervenir dans une situation de mise en danger.
3. Proposer d’abord l’évaluation sous l’angle du travail en équipe et utiliser comme critère d’évaluation les objectifs du projet
    d’école.
4. Demander aux enseignants évalués de constituer un dossier comprenant :
       •    leurs intentions éducatives et pédagogiques,
       •    leurs propres conceptions de l’acte d’apprendre, de la prise en compte de la différence et de l’évaluation,
       •    un court écrit réflexif sur les pratiques quotidiennes et le travail coopératif entre enseignants,
       •    un projet d’évolution qui met en avant leurs envies, leurs idées, leurs rêves, leurs besoins,
       •    quelques avis d’élèves sur l’organisation du travail dans la classe,
       •    quelques avis de parents sur la nature du partenariat avec l’enseignant,
       •    quelques avis de collègues sur le travail en équipe.
5. Proposer aux enseignants des observations de situations pédagogiques, autour d’une question à laquelle ils souhaitent avoir un
    regard extérieur et formatif. Faire en sorte que ces situations d’observations soient multiples et assurées par des personnes
    différentes.
6. Finaliser cette évaluation par un rapport qui reprend :
       •    les orientations pédagogiques de l’enseignant,
       •    ses points forts, ses réussites,
       •    les éventuels domaines d’évolution complétés de propositions d’accompagnement et de formation,
       •    quelques pistes extérieures, issues des séances d’observation, pour dynamiser les engagements,
       •    le lien entre ces pistes et la dynamique du travail en équipe dans la logique du projet d’école.

La remise de ce rapport fait l’objet d’un entretien dont le but est de permettre un échange collectif et coopératif autour de ses conclusions.

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Repères pour une évaluation humaine des enseignants du XXIe siecle.pdf41.07 Ko

analyse critique

Je me permets de vous faire parvenir quelques remarques critiques relatives à l'article : "Repères pour une évaluation humaine des enseignants du XXIe siècle". En suivant textuellement certaines de vos propositions.

« Il ne s’agit pas non plus de mesurer le degré de conformité entre ce qui est développé et les préconisations administratives
(si l'on considère l'enseignant comme un fonctionnaire de l'Etat doté d'une mission dans l'école de la République, il est du devoir de celle ci, la République, d'évaluer l'adéquation existante entre les programmes d'enseignement et leur mise en oeuvre par l'enseignant.), ni le potentiel de servilité et de docilité des enseignants observés » (Il s'agit pour les responsables hiérarchiques de faire le constat de l'utilisation des données pédagogiques afin de mettre en adéquation l'apprentissage des connaissances avec les potentialités des élèves. Il s'agit d'évaluer des compétences pédagogiques et didactiques qui incluent des prises de décision parfois fondées sur des choix éthiques).

« Nous proposons donc un registre de mesures pour baliser l’évaluation professionnelle des enseignants :

4. Demander aux enseignants évalués de constituer un dossier comprenant :

• un court écrit réflexif sur les pratiques quotidiennes et le travail coopératif entre enseignants, (l'utilisation des termes : "travail coopératif" ressort d'un choix de démarche pédagogique précise que n'accepte pas certains enseignants pour des raisons tout à fait respectables. Ainsi reprenant ce qui est écrit plus haut : "... ni le potentiel de docilité et de servilité", nous sommes amenés à penser que tout enseignant ne s'engageant pas dans le travail coopératif serait évalué comme ceux qui s'y engageraient. Mais alors pourquoi ne pas utiliser l'expression "démarches pédagogiques individuelle et collective" ? )

• « quelques avis de parents sur la nature du partenariat avec l’enseignant, » (mais il existe des enseignants, et vous savez qu'ils sont nombreux qui refusent "le partenariat" avec les parents, tout simplement parce qu'ils pensent que le métier demande des compétences spécifiques qui ne sont pas négociables ou partageables avec d'autres personnes que des enseignants. Les responsabilités d'un parent sont en nature et en degré différentes de celles des enseignants. Il y a une institution scolaire, il n(y a pas d'institution pour la famille, même si les parents doivent instituer l'être humain dès les tous premiers instants de la vie de l'enfant)
5.. Faire en sorte que ces situations d’observations soient multiples et assurées par des personnes
différentes.(Seuls des enseignants, des professeurs, des chercheurs, des "instituionnels", voire dans certaines conditions des étudiants, peuvent observer des situations pédagogiques et non des personnes qui peuvent être des parents, des entrepreneurs, des artisans).
6. Finaliser cette évaluation par un rapport qui reprend :

• le lien entre ces pistes et la dynamique du travail en équipe dans la logique du projet d’école. (La référence au " travail en équipe dans le cadre du projet d'école" suppose au moins deux préalables : l'existence d'une équipe et l'accord de cette équipe avec la logique du projet d'école. Ce qui vous en conviendrez est loin d'être le cas dans toutes les écoles, tous les collèges et tous les lycées. La notion même de projet d'école ne pouvant ni « surplomber » ni remplacer le projet d'instruction, ou d’enseignement, représenté par l'enseignement des connaissances des différentes disciplines).

Bien cordialement.

L'enseignant a une mission dans l'école de la République

Je trouve un peu dommage que l'honorable correspondant se présente seulement comme un visiteur. Sa critique aurait, me semble-t-il gagné si elle était clairement identifiée comme émanant d'un représentant de l'institution (inspecteur), ou d'un universitaire ou professeur d'IUFM
J'approuve la position institutionnelle et les objectifs qu'il propose pour cette évaluation:
considérer "l'enseignant comme un fonctionnaire de l'Etat doté d'une mission dans l'école de la République, il est du devoir de celle ci, la République, d'évaluer l'adéquation existante entre les programmes d'enseignement et leur mise en oeuvre par l'enseignant", à une réserve près toutefois: les programmes renvoient à ce qu'a FAIT l'enseignant, les notions "vues" par lui dans ses "cours", alors que l'important c'est ce que l'élève a acquis.
L'inspecteur qui visite une classe y entre en tant que représentant de l'Etat, lui-même garant des finalités de l'enseignement public.
Je trouve cependant une ambiguïté redoutable dans le titre même de l'article "pour une évaluation "humaine" des enseignants"
L'inspecteur n'est pas là pour évaluer l'enseignant, mais les effets de son activité professionnelle sur la progression des élèves vers l'atteinte des objectifs éducatifs correspondant au niveau d'enseignement donné.
D'autre part, il aurait bon de rappeler que, tout comme le médecin, l'enseignant n'est comptable que de la mise en œuvre des moyens pour aider les élèves dans leurs apprentissages: c'est l'élève et lui seul l'acteur de ses apprentissages.
L'inspecteur devrait donc n'étudier que des productions (écrites et orales) des élèves significatives de la maîtrise de telle(s) ou telle(s) compétence(s) (pièces à conviction, en quelque sorte, proposées par le professeur). Il appartiendra alors à l'inspecteur de discuter de la pertinence des dites pièces par rapport aux acquis dont elles sont censées apporter les preuves et de questionner le professeur sur les moyens par lui mis en œuvre.
S'il estime ces moyens non appropriés, il devrait alors sortir de l'évaluation institutionnelle et confier le professeur à un conseiller - ou aux collègues du professeur - dans le cadre, cette fois, d'une évaluation formative dûment protégée de toute répercussion sur la carrière de l'enseignant, à seules fins de l'aider à améliorer ses pratiques.
D'autres éléments peuvent, bien évidemment, entrer dans le cadre de cette évaluation formative: les retours des élèves, ceux des parents, des autres collègues. L'intégration de ces éléments dans l'évaluation institutionnelle est à manier avec prudence étant donnée la part de subjectivité qu'ils risquent de véhiculer (je ne citerai pour mémoire que l' "afaire de Vence" pour Célestin Freinet…)

Xavier Nicquevert
ancien formateur de formateurs