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Plan pauvreté ? Trop pauvre !

En avril 2018, l'ICEM avait apporté une contribution adressée à la "Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes", notamment sur l'enfance, la jeunesse, l'École et l'éducation.

Le 13 septembre, Le gouvernement a annoncé une série de mesures qui couvrent cinq grands domaines : la petite enfance, l'enfance, les jeunes, l'accompagnement vers l'emploi et les minima sociaux.

Voici quelques commentaires à la suite de cette parution :

Si quelques points semblent annoncer une légère amélioration, le bilan en est largement insuffisant.

 

Concernant l'enfance et l'École :

  • la toute petite enfance, les places en crèche :

    - Création de 30 000 places en crèche et 1 000 relais d'assistant·e·s maternel·le·s,

    - Dans les quartiers populaires, subvention jusqu'à 90 % pour l'ouverture de crèches.

Or, nous le savons, les places en crèche ne concernent pas les milieux pauvres qui n'ont pas de problème de garde. Le gouvernement est hors sujet !

  • l'école :

    - distribution gratuite de petits déjeuners,

    - tarifs sociaux pour la cantine.

Or, nous savons que la mise en application, la formation des personnels encadrant sont des éléments essentiels pour une mise en œuvre satisfaisante.

Petits déjeuners distribués par qui ? Financés par qui ? Quid de ceux et celles qui ne vont pas à la cantine ?

Pour les repas proposés à la cantine, les tarifs sociaux sont très variables selon les mairies et cumul de pauvretés : en Seine Saint-Denis (93), la pauvreté est considérable et les mairies ne sont pas riches, alors qui va payer des repas de qualité pris dans de bonnes conditions (locaux de cantine, effectifs lors des repas, recrutement et formation des personnels municipaux) ? Quid de ceux et celles qui ne peuvent pas rester à la cantine parce que les deux parents ne travaillent pas ? Quid de ceux et celles qui ne vont pas à l'école ?

  • les jeunes :

    - En 2020, promesse de création de 300 nouveaux centres sociaux ; 

    - L'obligation de se former jusqu'à 18 ans. Les pouvoirs publics seront tenus de "proposer un accompagnement" à tout·e mineur·e en situation de décrochage : Les Missions locales devront "proposer un rendez-vous" et "une solution" ;

    - développement de la Garantie jeunes. Elle sera accordée à un plus grand nombre : soutien personnalisé par les Missions locales et une allocation de 480 euros par mois.

Or, qui peut vivre avec 480 euros par mois ? 

... Mais aucune mesure annoncée concernant la santé dans le cadre de l'école.

Alors qu'il n'y a plus de visites médicales régulières dans les écoles, pas de dépistage par le médecin scolaire qui n'intervient plus à présent qu'en cas d'urgence sur des cas individuels.

Alors que les équipements de soins CMP (centres médico-pédagogiques), CMPP, CAMSP sont trop peu nombreux. Et que c'est souvent dans les communes qui en ont le plus besoin qu'il y a le moins d'équipements de santé.

... Mais aucune mesure annoncée concernant la mixité sociale dans les écoles, les collèges, les lycées.

Alors que nous savons l'importance de la ségrégation sociale et scolaire qu'elle engendre, qualifiée de "bombe à retardement" dans le rapport du CNESCO de 2015.

 

... Mais aucune mesure d'accompagnement éducatif annoncée pour les jeunes mineur·e·s ne pouvant bénéficier de l'ASE, à savoir tou·te·s les jeunes migrant·e·s mineur·e·s isolé·e·s.

En effet, tant que leur minorité n'est pas reconnue par le Tribunal, il n'y a pas de possibilité de prise en compte de l'ASE (Aide Sociale à l'Enfance permettant de bénéficier d'un suivi social avec un accompagnement éducatif, d'une scolarité ou formation accessibles...). D'autant que ces démarches auprès de la Justice sont longues et parfois humiliantes, comme la pratique des tests osseux pour valider l'âge du ou de la jeune.

 

... Mais aucune action spécifique pour accompagner les familles pauvres ayant un·e enfant en situation de handicap afin de permettre à tou·te·s une inclusion bénéfique.

 

... Mais aucune mesure prenant en compte les ressources éducatives et pédagogiques que représentent les mouvements pédagogiques de l'éducation populaire, afin de créer un système éducatif qui ne soit pas exclusivement concentré sur le tri et la sélection des meilleur·e·s.

Alors que nous connaissons les expériences nombreuses des pédagogies coopératives mises en pratique dans les quartiers populaires et ayant fait leur preuve en terme d'inclusion scolaire et de réussite dans les apprentissages (rapport CESE 2015).

 

Autrement dit, la sphère scolaire de l'Éducation nationale publique ne bénéficie d'aucune mesure ni au niveau de la santé (médecin scolaire, visites médicales gratuites...) ni au niveau pédagogique.

C'est comme si les dernières injonctions ministérielles pouvaient suffire à elles seules à endiguer l'injustice de la ségrégation sociale et scolaire, sans moyens donnés en terme de santé, de personnels, de formation au sein de l'école publique gratuite, ouverte à tou·te·s sans exception, et à une formation et à un accompagnement pour tou·te·s les jeunes en difficultés.

Si tou·te·s les enfants, dès la maternelle et tout au long de leur scolarité, étaient placé·e·s en situation de s'exprimer et de réussir, le problème des jeunes en décrochage scolaire ne se poserait pas. On soigne le symptôme et pas la maladie !

Force est de constater que, tout au contraire, les directives ministérielles sur la rentrée 2018 ne font que développer un système éducatif basé sur des apprentissages mécanistes.

 

Éradiquer la pauvreté... qui ne le souhaiterait pas ? Mais cela est-il possible isolément ?

Et à bien y réfléchir, que ne vaudrait-il pas plutôt éradiquer ?

La pauvreté fait système et à une augmentation vertigineuse de la richesse d'une poignée d'immensément riches correspond l'augmentation sans cesse croissante des pauvres, des précaires et des exclu·e·s de plus en plus nombreux et nombreuses et de plus en plus pauvres.

« Le capitalisme est un échec », n'hésite pas à déclarer le Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz.

Aussi, plutôt que de tenter d'éradiquer l'effet (la pauvreté) ne vaudrait-il pas mieux en éradiquer la cause ?

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contribution_icem_pedagogie_freinet_-_avril_2018.pdf103.09 Ko
reponse_icem_au_plan_pauvrete_-_septembre_2018_.pdf33.43 Ko