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Notre marché des connaissances

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Mars 2000

Les échanges de savoirs

Notre marché des connaissances
Pour donner aux enfants l’occasion d’échanger et de coopérer pendant leurs apprentissages, et leur permettre de développer leur confiance en eux et leur propre capacité à construire leur savoir : le marché des connaissances.
 
Catherine Chabrun et Sylvie Clerc, membres du groupe Freinet de l’Essonne, travaillent dans des classes de cycle 3 à l’école Jean Jaurès de Juvisy/Orge.
 
Pas coté en bourse didactique, à peine organisé par la fameuse « équipe enseignante », le marché aux connaissances est une vraie foire aux savoirs étrangère au CAC 40 cognitif ! Avec ses chalands qui attendent ou ses vendeurs de quatre saisons qui interpellent les clients, ses spectateurs dubitatifs quant à ce qui leur est laissé à voir ou ses observateurs timides qui n'en perdent pas une miette. Le marché des connaissances représente une prise en compte des savoirs sociaux et personnels des enfants dans l'école publique.
Thyde Rosell
(extrait de « Feuille d’acacia n°8)
 
 
 
 
Au démarrage de notre projet
II y a quelques années, au Salon des Apprentissages de Nantes, Michel Authier et Pierre Lévy, sont venus nous parler des Arbres de connaissance, une autre manière d'appréhender la construction du savoir, partant cette fois non pas de ce que les enfants ou les gens ne savent pas ou devraient savoir, mais de ce qu'ils savent.
Il s'agissait d'écouter, de recevoir, de valoriser et rendre visible ces connaissances par le biais d'un outil informatique.
Leur travail s'appuyait sur les vingt ans de pratique des MRERS (Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs) de Marc et Claire Héber-Suffrin, elle-même institutrice, issue du Mouvement Freinet (1).
 
Nous connaissions les postulats des MRERS :
- chacun sait quelque chose ;
- chacun peut transmettre son savoir ;
- chacun peut apprendre.
Nous cherchions une application de ces principes qui s'articulaient tout à fait avec nos objectifs pédagogiques :
donner aux enfants l’occasion d’échanger et de coopérer pendant leurs apprentissages, et leur permettre de développer leur confiance en eux et leur propre capacité à construire leur savoir.
Et puis un jour, nous avons lu une parution du GLEM ( Groupe Lyonnais de l’Ecole Moderne), dans laquelle nos collègues lyonnais relataient leur expérience d'un Marché des connaissances (2) , et cette idée nous a séduites.
Alors, il y a deux ans à notre tour, nous nous sommes lancées, et nous avons décidé d’organiser un Marché des Connaissances, avec deux classes de CP/CE1 et les correspondants de l'une des deux classes.
 
Qu'est-ce qu'un Marché des Connaissances ?
Le Marché des Connaissances est un lieu d'échange de savoirs, où chacun, tantôt marchand, présentera sa connaissance, aidant son client, évaluant sa réussite, tantôt client, cherchera parmi les stands proposés à acquérir une connaissance qu'il aura choisie.
Cela permet de créer une toute nouvelle relation entre les élèves. On devient alors un partenaire engagé dans l’apprentissage, en aidant les autres à faire de nouvelles découvertes, en apprenant de l'autre.
Cet apprentissage coopératif, reconnaissant les savoirs de chacun permet à tous les élèves de développer leur capacité à construire leur propre savoir en les aidant à acquérir une image positive d’eux-mêmes.
 
La classe s’organise
Le projet fut proposé aux enfants pendant le conseil de classe et déclencha l’enthousiasme. Tous avaient des idées à partager ! Certains voulaient être seuls, d’autres se mettre à deux.
Il fallait s’organiser !
 
Première étape : lister toutes les offres avec le nom des enfants sur une grande feuille.
C’est alors que les questions sont arrivées en vrac sur le matériel, l’endroit…etc.
 
Deuxième étape : création d’une feuille pour pouvoir tout préparer (voir tableau)
Alors, le travail pouvait commencer :
-          définir le matériel et savoir où le trouver (classe, maison, copains) ;
-          se répartir les taches quand on est deux ;
-          s’entraîner pour montrer le mieux possible son savoir ;
-          trouver l’endroit où on installera son stand selon la nature de l’échange (préau, cour, classe, salle des maîtres) ;
-          réfléchir au nombre d’enfants qu’ils pourront accueillir à la fois ;
-          comment les enfants sauront-ils s’ils ont bien appris ?
-          ….
Troisième étape : préparation des stands :
-          affiche pour expliciter le savoir qui sera transmis dans le stand ;
-          fabrication de feux tricolores pour indiquer si le stand est libre ou non ;
-          récupération du matériel dans des boîtes ou sacs (pour que rien ne manque le jour J) ;
-          recensement des adultes qui aideront ;
-          préparation d’une fiche regroupant tous les stands pour que les enfants puissent faire valider leurs nouveaux savoirs (voir document).
 
Le jour du marché
Il se déroule sur une matinée en deux périodes pour que les enfants soient une fois donneur et une fois receveur. Le premier groupe d’enfants installe donc son stand et lorsque les feux sont verts le marché peut commencer. Les enfants tournent dans les stands, le préau prend une allure de fourmilière. On discute, on échange… Et nous, pas besoin d’intervenir pour la discipline, nous passons dans les stands et nous apprenons quelques signes du langage des sourds, quelques mots arabes, allemand ou anglais (origine des enfants), des pliages….
Lorsque la deuxième période arrive, on installe les nouveaux stands pendant que les autres rangent. Les feux verts s’installent et c’est parti pour un deuxième tour !
Puis, c’est l’heure de ranger. Tout le monde coopère, et tout le matériel retrouve sa classe. C’est l’heure du repas. Mais le marché n’est pas encore totalement fini…
 
Le bilan
Après le repas, les deux classes se réunissent :
-          ce qui a marché ;
-          ce qui n’a pas marché ;
-          ce qu’on peut améliorer ;
-          ce qu’on aurait pu faire….
En voici quelques extraits :
« On n’avait pas assez de tables et de chaises. Il en faudrait plus pour recevoir plus d’enfants.
-   Certains ont quitté leur stand et on ne pouvait plus rien faire !
-   Il faudrait une table aussi pour les rollers pour remplir les feuilles.
-   Il faudrait plus de classes qui participent.
-   Au stand de la pâte Fimo, certains prenaient trop de pâte. On pourrait utiliser de la pâte à sel ?
-   A la cuisine, il faudra aussi des recettes froides, parce que l’on a qu’un seul four, on attend trop pour la cuisson.
-   Le stand du langage des sourds était trop à côté de la pâte Fimo, on ne le voyait pas. »
 
Ce moment festif était un moment de plus dans leurs habitudes d’échanges, d’entraide, de travail en autonomie qui leur permit aussi de tisser de nouveaux liens.
Nous avons fait ce marché deux ans de suite, mais cette année étant chacune dans un cycle différent ( cycle 2 et 3) nous allons pouvoir tenter un marché des connaissances intercycles.
Ce marché des connaissances peut aussi donner un nouveau souffle aux traditionnelles fêtes de fin d’année et motiver des comportements d’échanges et d’entraide au sein des classes.
Catherine Chabrun et Sylvie Clerc
 Juvisy sur Orge (Essonne)
ChabrunC[arobase]aol.com
clercs[arobase]aol.com
 
(1) MRERS. 3 bis, cours B. Pascal - BP 56 - 91002 Evry - mrers[arobase]wanadoo.fr
(2) "De l'entraide aux Arbres de connaissances" (98 p) N° Spécial de Freinésies (revue du Groupe lyonnais de l’École moderne), 30 francs.
 
Bibliographie :
Livres :
- Claire Héber-Suffrin, Les savoirs, la réciprocité et le citoyen, Édition Desclée de Brouwer, 1998.
- Pierre Lévy, l’intelligence collective, Édition La Découverte. 1994.
 
Dans les revues :
- Les arbres de connaissances, Nouvel Éducateur n°108, avril 1999.
- Le cahier de connaissances, Nouvel Éducateur n°108, avril 1999.
- Le marché des connaissances, un entre-soi informel, La feuille d’acacia, septembre 1999.