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logo ressource btn Souvenirs d'un enfant du Canet : la libération de Marseille 1944

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Mars 2024

 

"Fin août 1944, j'allais avoir 8 ans et je ne savais pas que je vivais un moment historique. Les enfants de ma rue du quartier du Canet étaient aussi ignorants que moi. Nous n'avions ni journal, ni radio et bien sûr ni téléphone, ni télé. Ni les enseignants de notre petite école, ni les parents ne nous informaient." Maurice André, 2024

L'auteur

Maurice André est un ancien instituteur Freinet ; il a travaillé deux ans avec celui-ci, a participé au congrès de l’ICEM de Tours en 1967.

Il est auteur de la BT 767 : Marseille retrouve son port grec, publiée en 1973.

Il souhaite partager ses souvenirs d’enfant, vivant ce moment historique, avec des enfants d’aujourd’hui tout en leur donnant connaissance des événements qu’il a côtoyés sans en discerner l’importance.

 

contacter : btj@icem-freinet.org

 


 

Ma famille

Mes parents avaient cinq garçons.

Ma mère bien occupée, elle « faisait tout » et s’occupait de mes quatre frères et de moi-même.

Mon père travaillait à l’usine à gaz1 du Canet et aussi il était chargé de couper le gaz aux gens qui ne payaient pas leurs factures.

 

 

 


La maison familiale se trouvait au 6 boulevard de Manosque au Canet qui à cette époque était un village avec quelques commerces, la boulangerie, la quincaillerie, le café.

 Ma mère faisait la cuisine sur la cuisinière à charbon.

 

 

 Très peu de personnes possédaient un réfrigérateur, mais nous dispositions d'une glacière dans laquelle on mettait des pains de glace qu'on remplaçait régulièrement.

 

 

La boulangerie cuisait le pain dans un four à bois, c’était un pain bis savoureux. En rentrant de l’école, on le frottait d’ail et ça faisait un goûter délicieux. Quand les Américains ont débarqué, avec les libertyships2 ils ont distribué de la farine très blanche qui faisait un pain beaucoup moins bon.

Il y avait une ferme pas loin avec quelques vaches. On allait y chercher le lait avec le pot à lait en aluminium.

On ne sortait pas de ces quelques rues du quartier où se déroulait notre vie.

 

Personne ne nous parlait de guerre : ni nos parents, ni nos instituteurs, ni entre nous, les enfants de la rue. Cependant, nous subissions des changements du fait de la guerre. Nous étions mal nourris. La nourriture était rationnée, soumise à des tickets3 que l’on remettait au commerçant. Peu d’huile et de pain, les vêtements sont rares et chers.

Mon père séchait des feuilles de cerisier pour fumer, ma mère grillait de l’orge pour remplacer le café. Elle utilisait un moulin à café à manivelle pour le réduire en poudre. Nous obtenons l'usage d'un jardin de plus, situé à un bon kilomètre de la maison, dans un terrain rempli d’escarbilles et qu’on appelait « le jardin du Maréchal ».   

 

Devant la maison, il y avait un petit jardin qui permettait d’améliorer l’ordinaire.

 

 

L'école

L’école a été détruite depuis.Il s’agissait d’une petite école de cinq classes, non loin de la voie ferrée et de la petite gare du Canet. Pendant la guerre, c’étaient des remplaçants qui assuraient les cours et le plus âgé servait de directeur. On avait creusé une tranchée dans la cour de l’école mais on n’aurait jamais pu y mettre tous les élèves.

Il n’y avait pas assez de charbon pour chauffer les classes, on manquait de matériel et la cour n’était pas goudronnée.

Les enfants apprenaient à chanter :  « Maréchal, nous voilà ! »

 

 

Ce quartier a été tout chamboulé depuis. 

Une rue proche de la maison de Maurice a été renommée Impasse des frères ROMANETTI , Maurice les a connus,

Un des deux frères, Joseph, né à Marseille en 1924, adjudant-chef au 7e régiment des travailleurs algériens, fait partie du corps expéditionnaire français d’Italie. Il est tué en mai 1944 durant la bataille de Monte Cassino. l'autre frère Henri, né en 1909 est mort lors de la bataille de Normandie en août 1944.

 

 

1944

 

A cause des bombardements alliés visant à gêner les communications allemandes, mon père et deux voisins creusent une tranchée dans la champ derrière les jardins, à l'arrière des maisons. Ils coupent les grillages entre les jardins pour permettre un accès plus rapide à l’abri. Des poutres et des planches posées sur la tranchée formaient un toit. (résistance passive4).

Une nuit, les sirènes d’alarme nous obligent à aller nous abriter dans la tranchée. Nous voyons des centaines de lumières dans le ciel et nous entendons les explosions des bombardements.

Le 27 mai 1944, en plein jour, sept vagues de bombardiers américains visent la gare Saint Charles sans la toucher. Mais les bombes sont tombées sur le quartier voisin et notamment le tunnel qui servait d’abri anti aérien. Il y a eu 2900 morts civils, 200 soldats allemands tués et d’importants dégâts matériels. Le lendemain matin ma mère m’envoie prendre des nouvelles de son frère. En passant, je remarque les trous des bombes dans le cimetière du Canet. La population est choquée.

 

Vers cette période, je l'ai appris plus tard, mon père avait dû aller dans la plaine de la Crau5 pour créer des monticules de pierre qui devaient empêcher l’atterrissage de planeurs. Mon oncle devait surveiller la nuit la voie ferrée pour éviter les sabotages par la Résistance.

 

Fin août 1944

J’allais avoir huit ans et je ne savais pas que je vivais un moment historique. Les enfants de ma rue du quartier du Canet étaient aussi ignorants que moi. Nous n’avions ni journal ni radio et bien sûr, ni téléphone, ni télé. Ni les enseignants de notre petite école, ni les parents ne nous informaient. Nous connaissions seulement les sirènes d’alerte et les bombardements. Je n’avais jamais vu de soldat, ni français, ni allemand.

Le 21 août deux chevaux qui tiraient un canon sont passés devant notre maison avec quelques Allemands.

 

Après le débarquement, je me souviens d’avoir joué à la guerre avec des "carabines" fabriquées avec des bouts de bois.

 


 

Note des rédactrices

Etre enfant aujourd’hui est bien différent d’être enfant dans l’entre deux guerres.

Les enfants jouent en bandes d’enfants dans la rue, les adultes y jettent un œil.

Les adultes ne parlent pas des affaires d’adultes devant les enfants ni aux enfants.

Les enfants sont dans un univers qui leur est propre : l’école, les devoirs, et tout le reste du temps est consacré au jeu soit à la maison mais le plus souvent dans la rue entre enfants. Les plus petits apprennent des plus grands.

A table les enfants ne parlent que si on leur pose une question et les adultes n’abordent pas tous les sujets devant eux : l’actualité, la politique, les commérages … Si bien qu’il y a des quantités de choses que les enfants de l’époque ignoraient alors qu’aujourd’hui ils sont au courant de nombreux sujets qu’abordent les adultes, comme par exemple, la guerre en Ukraine ou le bouleversement climatique et il devient nécessaire d’en parler avec eux.

  


 

L’histoire de France  versus l'histoire de Marseille

 

Le début de la guerre

 

 

la défaite

l’occupation

cas de la zone sud

carte zone libre zone occupée 

(demander les droits à info[arobase]mont-valerien.fr)

 

 

11 novembre 1942 : les Allemands occupent toute la France

La Résistance

 

 

23 janvier 1943

Destruction du quartier Saint-Jean au nord du Vieux Port

C’était un quartier populaire pauvre, où vivent les petites gens et qui accueille les vagues successives de nouveaux migrants dont des Juifs persécutés dans les pays de l’est, des Arméniens rescapés du génocide, des Italiens fuyant Mussolini etc. Ce quartier est propice pour cacher les Résistants et d’autres opposants comme certains syndicalistes.

Les habitants de ce quartier sont tout ce que les Nazis détestent : mélange de populations méditerranéennes, souvent pauvres voire marginaux. Ce quartier est incontrôlable et Himmler en organise la destruction à la demande d’Hitler. Il s’agit de faire un exemple pour terroriser la population.

Le matin du 23 janvier 1943, des policiers et gendarmes français ainsi que des soldats allemands encerclent le quartier. Ils en expulsent les 20 000 habitants, dont 782 Juifs, adultes et enfants qui sont dirigés vers les camps d’extermination, ils sont emmenés en train depuis la gare d’Arenc dans des wagons de marchandises.

Puis les Allemands minent 1500 immeubles pour les réduire en ruines, les destructions commencent le 1er février et durent deux semaines.

Cette destruction a été reconnue comme crime contre l’humanité en 2019.

Image IGN quartier Saint Jean Avant destruction

Image policiers français et soldats allemands lors de l’expulsion du Vieux Port

 

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bundesarchiv_Bild_101I-027-1474-26A,_Marseille,_Hafenviertel._Razzia.jpg#mw-jump-to-license

 

 

Maurice a 6 ans, on ne lui a pas parlé de ces événements, qui sont un traumatisme dans l’histoire de Marseille. Il en a eu connaissance plus tard.

 

 

Histoire de France

Les deux débarquements

Normandie

 

Histoire de Marseille

débarquement en Provence

Les combats à Marseille

la libération de Marseille

L’après-guerre à Marseille

 

 

 

 

 

 

 

1Usine à gaz : usine qui transformait le charbon en gaz de ville.

2Libertyship : en anglais, bateau de la liberté. Le terme désigne les 2 710 cargos construits aux États-Unis au cours de la Seconde Guerre mondiale, pour ravitailler les forces alliées.

3Ticket de rationnement : ticket distribué à la population et qui limitait la quantité de produit qu’on avait le droit d’acheter, en matière d’alimentation, d’habillement, chaussures etc.

4Résistance Passive

5Plaine de la Crau : grande plaine caillouteuse et aride laissée par le Rhône à l’est du delta

 

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3-pour_cuire_et_chauffer_cuisiniere.1.jpg67.28 Ko