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Pour une pédagogie du partage des connaissances

Dans :  Techniques pédagogiques › 
Novembre 2005

« Personne ne sait tout, mais tout le monde sait quelque chose. Chacun s’enrichit des connaissances des autres. »
La pédagogie Freinet reprend facilement à son compte cet aphorisme emprunté à la mouvance des Échanges de Savoirs Réciproques et des Arbres de Connaissance. La tradition scolaire est ici profondément questionnée.Une tradition centrée sur l’autorité unique du maître sur un groupe d’enfants ou de jeunes, mais aussi sur l’autorité exclusive de savoirs académiques à transmettre dans un ordre bien défini et mettant au second plan, voire fermant la porte aux multiples connaissances extra-scolaires. Or, cette centration sur l’enseignant et les seuls savoirs scolaires ne se
retrouve-t-elle pas mise sur le devant de scène avec la nouvelle loi d’orientation entrant actuellement en vigueur ?
La transmission de savoirs encyclopédiques empilés, cloisonnés, émiettés, a encore de beaux jours devant elle. Nous ne dirons jamais assez que l’école doit être le lieu de construction de chaque enfant, de chaque jeune, afin qu’il devienne acteur et auteur de la société de demain.Si l’école reste le lieu privilégié d’accès de chacun à la Culture universelle, la prise en compte des cultures premières, la valorisation de celles-ci dans leur pluralité constituent à nos yeux la source vitale des apprentissages. Les modes de transmission des savoirs et le type de rapports humains
qu’ils génèrent s’avèrent décisifs.
Les pratiques d’échanges réciproques de savoirs ou de partages des connaissances viennent en ce sens bousculer l’ordre dominant gangrené par le consumérisme, la compétition et l’immédiateté. L’autre n’y est plus vécu comme un rival ou, pire, comme un objet « exploitable ». Le mode de transmission des connaissances n’y est plus conçu à sens unique, du maître à l’élève. Le partage, le don, la réciprocité, valeurs des échanges de savoirs, s’inscrivent dans une logique d’accueil,de parité,de coopération et de mutualisation.
Chacun est à son tour, enseignant et enseigné. Cette reconnaissance de la personne et de ses réseaux de savoirs est en rupture avec la
traditionnelle transmission verticale... Elle apporte un élargissement des connaissances loin du découpage disciplinaire et inscrit l’école dans le réseau social complexe dans lequel vivent les apprenants.
Pourquoi ignorer,négliger, refuser,mépriser les connaissances acquises hors de l’école ? Ne sont-elles pas pour tous,et particulièrement pour les enfants en décalage avec les exigences du système scolaire, le signe d’une capacité à apprendre, ce que l’école néglige trop souvent ? Les échanges de savoirs tissent le lien entre le milieu de vie et l’école et ouvrent, entre autres, les portes des apprentissages scolaires à ceux qui en sont écartés. Ils permettent à chaque apprenant d’analyser ses propres démarches et de réfléchir à l’acte d’apprendre. Le hiatus entre cultures du pauvre et du riche demeure ici l’objet d’une véritable lutte sociale et politique. Plus qu’une ambition, c’est un impératif catégorique d’oeuvrer à la reconnaissance de la dignité égale de toutes les cultures,en gardant toutefois à l’oeil ce qui pourrait habiliter des communautarismes étroits, malheureusement pleins de vigueur aujourd’hui.
Pour nous, praticiens de la pédagogie Freinet, l’affirmation de pratiques ouvrant à une meilleure prise en compte de chaque enfant,de chaque jeune dans sa globalité, va de pair avec la revendication constante d’une école publique et laïque offrant un véritable brassage social et culturel.
 

http://www.icem-freinet.fr/archives/ne/ne/173/173-3.pdf