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Voici le discours que j'ai prononcé lors de mon pot de départ après treize ans de direction de l'école des Moulins dans le quartier du Panier adossé au Vieux Port de Marseille.

 

Déclaration

 

Bonjour et merci à tous pour votre présence. Je regrette vivement l’absence de ma collègue Lucienne De Ona avec laquelle j’ai travaillé une dizaine d’années sans que jamais aucun nuage ne vienne assombrir notre relation professionnelle et amicale. Je lui souhaite beaucoup de force dans le combat qu’elle livre contre la maladie.

Je voudrais dire quelques mots pour éclairer rétrospectivement ma posture comme enseignant et comme directeur dans l’ensemble des écoles où j’ai exercé.

Pour commencer, je justifierais mon comportement comme le font les enfants :  « je l’ai pas fait exprès !»

On éduque selon sa personnalité. J’ai eu la chance d’avoir été élevé sans perversion majeure. J’ai essayé de faire en sorte d’être suffisamment accueillant envers les enfants et avenant envers leurs parents.

J’ai opté pour le métier d’enseignant en école publique comme un engagement. J’ai toujours apprécié d’être fonctionnaire. Cela m’a permis de travailler l’esprit tranquille, de me consacrer entièrement au métier. Je n’ai jamais eu à compter mes heures.

Avec diplomatie et discrétion, j’ai pu profiter d’une réelle liberté pédagogique dans ma classe et d’une appréciable marge de manœuvre dans ma mission de service public à la direction d’école.

Dans la classe, autant que possible, j’ai favorisé l’apprentissage de la liberté de mes élèves. Cette éducation est centrale en école maternelle où l’enfant prend conscience qu’être libre, c’est être libre ensemble. La liberté a de valeur seulement si chacun en profite également. Si l’on suit ce raisonnement, alors, l’école est un lieu où l’on apprend la démocratie en la vivant avec les autres.

J’ai aussi toujours souhaité donner une ligne culturelle aux écoles et aux classes dont j’ai eu la gestion. J’ai voulu favoriser l’accueil de toutes les cultures sans exclusive. Celles dont les enfants étaient porteurs et celles auxquelles nous avions les moyens d’accéder grâce aux parents, à la littérature, à la technologie, aux partenaires, à la texture associative et aux espaces culturels.

L’école est un espace d’émancipations. Pour que cela ne reste pas un vain mot, je m’en suis tenu à une posture et des méthodes éducatives émancipatrices. Sans les détailler, je dirais qu’il s’agit de techniques favorisant la motivation des enfants grâce à l’expression personnelle, à la création, au tâtonnement expérimental et à la coopération. Ces pratiques, je ne les ai pas inventées, je les ai observées et étudiées dans les classes et les ouvrages de mes camarades et de mes pères penseurs et acteurs de ce que l’on appelle la pédagogie Freinet. Je salue, au passage, ceux qui ont eu la gentillesse de se joindre à nous aujourd’hui.

Ceci dit, et mes collègues des Moulins peuvent en témoigner, je n’ai jamais pratiqué de prosélytisme forcé. Il n’empêche que ma posture et ma pédagogie ont pu déteindre par l’exemple, si cela a dû avoir lieu. La liberté est un droit pour les adultes aussi. Il est de notre devoir de l’entretenir.

L’un des axes essentiels de ma conduite comme directeur a toujours consisté à me protéger moi-même et à protéger les enfants, mes collègues de travail et les parents du poids de la bureaucratie. L’administration doit contribuer seulement au bon fonctionnement du service public.

C’est une révélation pour personne, la gestion de la société et de ses écoles a pris une tournure managériale ces dernières années et lui résister a nécessité toujours plus d’énergie. Il faut être fort pour maintenir une ligne humaniste à l’école. C’est ce combat qu’il faut sans cesse mener.
L’école n’est pas un sanctuaire. Elle est confrontée quotidiennement aux contradictions de ce monde. Si ce discours a une dimension testamentaire, je ne puis qu’enjoindre les meuniers qui restent aux Moulins, leurs usagers, enfants et adultes, ceux qui gravitent autour ou agissent ailleurs, de rester vigilants car rien n’est jamais acquis, l’humanité est une incessante élaboration. Alors continuons de défier, de refuser, de tenir tête pour contrecarrer, de faire front, de nous rebeller, de désobéir, de nous révolter, de nous mutiner et de nous organiser pour partager le désir de vivre et le goût de travailler ensemble.

 

Merci pour votre attention et vos attentions.
Bonnes vacances à tous.