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Le Nouvel éducateur n°246 : Faire vivre les Droits des enfants

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Comment la discussion dans le groupe régional Sud-Ouest a permis à Florence Albin de réfléchir sur ses interventions en classe et d'accompagner ses élèves dans une recherche collective.

Le serpent de cubes : comment mesurer ?

Florence Albin

Sylvie Pralong

 

Une recherche collective en maternelle : quelles interventions de l’adulte ? Un article écrit coopérativement pendant une rencontre régionale du Sud-Ouest.

 

Lors d’un temps d’accueil, le matin, les enfants, en petit groupe, ont construit des segments de cubes puis les ont mis bout à bout pour en faire un long serpent. Il était de forme arrondie et faisait pratiquement le tour d’une table et d’un banc.

Les enfants créateurs ont demandé à le présenter. Lors de la présentation, des remarques ont jailli, notamment : « Oh, comme c’est grand ! » J’ai rebondi sur cette remarque et ai demandé : « Comment peut-on savoir que c’est grand ? » Un enfant a rétorqué qu’il fallait le mesurer. J’ai proposé au groupe créateur de le faire l’après-midi en l’installant en long dans le couloir.

 

Ils l’ont installé, il était vraiment très long ! Quand un enfant a dit : « Ça, c’est la fin », j’ai demandé de préciser ce qu’était l’autre extrémité. Sont apparus les mots « début » et « fin ». Nous avons marqué ces extrémités par un trait de couleur différencié à la craie : le début à la craie verte et la fin à la craie rouge. Ensuite, le serpent a été démonté en segments et rangé dans une boîte.

 

D’autres séances ont suivi. La fois suivante, les enfants ont reconstruit le serpent dans le couloir et un enfant a marqué le début et la fin à la craie. Je leur ai demandé avec quoi on pouvait mesurer le serpent. Une idée est apparue : avec les coquillettes. La fillette est allée chercher la boîte des coquillettes et l’a posée à côté de la ligne de départ. J’ai alors demandé si c’était suffisant pour mesurer le serpent. Ils ont trouvé que non et sont allés chercher d’autres éléments. Ils ont pris les rails du train en bois et les ont installés à la suite de la boîte. Ils ont constaté que tous les éléments avaient des tailles différentes, ce qui rendait la mesure difficile. J’ai confirmé que c’était compliqué de mesurer comme cela.

 

Ils se sont rendu compte qu’il était fastidieux de remonter le serpent chaque jour et je leur ai demandé comment remplacer le serpent pour continuer. Ils ont proposé un élastique, puis une corde, mais on n’en avait pas. J’ai alors proposé le papier adhésif.

 

A la séance suivante, un enfant a fait remarquer qu’il fallait des morceaux de même taille. Ils ont cherché dans la salle de jeux du matériel qui pourrait convenir. Ils ont eu l’idée de mesurer avec les tiges en plastique de la salle de motricité. Avant de commencer la mesure, je leur ai demandé de vérifier si tous les éléments avaient la même taille. Ils en ont trouvé une plus petite, qu’ils ont changée.

Ils ont posé les éléments près du papier adhésif et, heureux hasard, à quelques millimètres près, les éléments posés correspondaient à la longueur du serpent. Notre serpent mesurait neuf tiges. Certains verbalisaient « Il mesure neuf mètres ! »

 

L’écriture de cet article a permis d’échanger sur la complexité de la part du maître en pédagogie Freinet. Comment laisser suffisamment de temps aux enfants pour construire les apprentissages nécessaires ? Comment ne pas donner trop rapidement des pistes, en avance sur la construction de leur propre pensée ?

La discussion avec Sylvie m’a donné de nouvelles pistes à proposer au groupe classe, pour continue : j’ai continué à travailler avec le même groupe d’enfants et leur ai proposé de mesurer le serpent avec des kaplas. Au fur et à mesure des séances, leur pensée s’est affinée. Ils ont vu que 72 kaplas ce n’était pas assez, mais que 73 kaplas c’était trop. Instinctivement, ils ont tourné le sens des kaplas et les ont mis sur la largeur (j’étais éloignée au moment où ça s’est fait). Puis, après verbalisation des observations, ils sont allés chercher d’eux-mêmes des objets plus courts. Ils ont essayé avec un cube, des pions (dans deux sens différents. On a discuté, expérimenté. Les pions ont été rapidement éliminés. Mais on a dû comparer le cube et le dé, qui nous a finalement paru se rapprocher le plus de la mesure du serpent. 

Les enfants ont dit qu’il fallait seulement 9 tiges en plastique car elles étaient longues, mais plus de 72 kaplas car ils étaient courts. On en a conclu que notre serpent mesurait 9 tiges en plastique ou 72 kaplas sur la longueur, 3 kaplas sur la largeur et 1 dé. La recherche pourrait continuer : Combien de dés fait un kapla ?...