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LE CREUX DE LA F.I.M.E.M.

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Mars 1977

Revue trimestrielle du Centre de Recherches et d’Echanges Universitaires techniques Freinet n°2

Mars 77 édité par la CEL à Cannes
 
Maria Inez Cabral
 
La F.I.M.E.M. est la Fédération Internationale des Mouvements d'Ecole Moderne. Elle organise chaque année une R.I.D.E.F. "Rencontre Internationale des Educateurs Freinet". Le mouvement de l'Ecole Moderne, au Brésil, est né de la collaboration de quelques universitaires français et brésiliens, et de plusieurs missions de militants Freinet, parmi lesquels Roger Ueberschlag, Président de la F.I.M.E.M., Claudine Capoul et Michel­-Edouard Bertrand. Cette coopération franco-brésilienne et cette coopération de tous les niveaux de l'enseigne­ment et de la recherche au Brésil, de la maternelle à l'Université, se traduit par une correspondance entre Maria Inez Cabral de Sâo Paulo qui anime à Cannes le "coin du Brésil" dans le local du CREU, et Maria Aparecida Medrado, qui anime à Belo Horizonte un groupe d'enseignants "Freinet".
Voici comment Maria Inez a résumé, pour le CREU et pour ses camarades du Brésil, la brochure "Estamos aqui" (Nous sommes ici), compte rendu de la "Rencontre des enseignants Freinet, Belo Horizonte, Centre de Formation Joao Pinheiro, 1976" (polycopié de 46 pages) que nous a envoyé Maria Aparecida.
 
Le 24, 25 et 30 novembre 1976 un groupe d'enseignants brésiliens a réalisé une première "rencontre d'éduca­teurs Freinet" à Belo Horizonte, dans l'Etat de Minas Gerais: quinze personnes, venues tantôt des villages voisins, tantôt de villes distantes de 600 à 1 000 km sont arrivées à Belo Horizonte avec beaucoup de bonne volonté et d'animation.
Ils se réclament de Freinet. Il ne faut pourtant pas croire qu'un mouvement d'Ecole Moderne au Brésil  serait une simple adaptation ou transplantation du modèle I.C.E.M. français au climat tropical... Avant même de connaître la restructuration par laquelle passe en ce moment le mouvement français, les Brésiliens ont commencé par essayer de trouver leur propre chemin. Et ils ont attaqué le concret: "Comment faire de la pédagogie Freinet une réalité dans nos classes ? " Tout en utilisant des techniques de "solution créative de problèmes" ils sont arrivés à la question suivante, résultat de la synthèse de toutes leurs autres questions et propositions :
"Comrnent faire face aux barrières de l'école traditionnelle (programmes rigides, espace physique, organisation de l'école, point de vue des parents, collègues non "freinétistes", élèves bloqués et conditionnés, image autoritaire et omnisciente du maître, manque de ressources) et éviter des conflits quand nous appliquons les techniques Freinet et que nous voulons gagner, par la compréhension et la coopération, dans notre tra­vail, les élèves, les enseignants, l'administration et les parents ? ".
A partir de cette longue question qui englobe toutes les questions du groupe, toujours à travers les techniques du "brainstorming" (agitation des cervelles) ils ont fait une récolte des données de la réalité et ont proposé comme solutions 31 points. Par manque de temps, ils n'ont pas pu en tirer une synthèse, ce qu'ils comptent faire à leur prochaine rencontre, toujours à travers un "brainstorming".
Les 31 points, qui en sont encore un peu au stade brut, sont les suivants :
1. Sensibiliser les enseignants
2. Sensibiliser tout le monde dans l'école à partir du travail qu'on leur montrera
3. Utiliser le bon sens
4. Travailler avec les parents
5. Divulguer le travail réalisé
6. Préciser le premier pas à faire
7. En ce qui concerne les programmes, faire des compromis
8. Gagner la confiance des élèves
 9. Former des groupes Freinet dans les écoles
10. Etre idéaliste et ferme
11. Résister aux difficultés
12. Créer un mouvement Freinet brésilien
13. Ne pas se laisser décourager face aux difficultés que nous rencontrons avec les élèves
14. Résister aux obstacles venant des collègues
15. Montrer sa productivité
16. Affronter les critiques externes
17. Fa ire état des résultats obtenus
18. Accepter toute critique
19 Favoriser la liberté d'action
20. Aider les élèves à prendre conscience qu'ils peuvent faire partie du mouvement
21. Insister sur le fait que le maître doit avoir une assez bonne culture générale
22. Essayer de comprendre les gens pour éviter les conflits et changer la situation
23. Inviter d'autres écoles et d'autres enseignants à venir nous voir travailler
24. Se renouveler du point de vue des techniques
25. Savoir s'adapter au rythme de chacun des élèves
26. Attendre que les choses mûrissent
27. Savoir respecter chaque élève comme un être humain unique
28. Travailler avec l'élève à même la réalité
29. Savoir improviser
30. Savoir respecter l'intérêt de l'élève
31. Sentir intuitivement l'élève".
Si toutes ces discussions ont eu comme point de départ les idées de Freinet et les réalisations de 1'(.C.E.M., et comme but une rénovation de l'enseignement brésilien par les techniques Freinet, la dynamique dans la­quelle elles se sont déroulées est nettement inspirée des modèles nord-américains : "T -groupe", "dynamique de groupe", "brainstorming"...
Ce qu'il faudra au groupe brésilien, c'est de trouver un équilibre entre l'humanisme français et les "créativi­tés" du technicisme nord-américain. J'espère qu'on pourra encore une fois faire preuve de notre esprit créa­teur.
 
Conscients de l'impossibilité d'échapper aux influences étrangères, nos poètes innovateurs et contestataires des années 20, appelés les "modernistes" , ont proposé une appropriation consciente des modèles étrangers pour en tirer quelque chose de personnel, de caractéristique, de nouveau. Ils ont proposé et pratiqué eux-mêmes "l'anthropophagie". C'est cela, l'esprit créateur dont je parle.
De ce mélange d'humanisme, voire d'idéalisme du Mouvement de l'Ecole Moderne français et de la technicité d'origine nord-américaine avant-gardiste mais souvent aliénante, il nous faudra tirer une pédagogie Freinet autonome et vigoureuse, à la brésilienne.
 
Maria Inez Cavalieri Cabral