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 En maternelle, le problème, c'est la problématisation

Le monde est une merveille,

il y a le jour et la nuit

Y'a la lune et le soleil

Les étoiles et les bruits

Et des moulins à vent, il y en a aussi

Le monde est une merveille

Il y a le jour et la nuit

Y'a la mer qui est profonde

Y'a la Terre qui est toute ronde !

                       Jacques Prévert Le Roi et l'Oiseau (1980)

Et si en petite et moyenne section (PS-MS), la science était prématurée comme apport extérieur d'un maître ayant préparé sa « séquence » même à la manière de la main à la pâte. Spontanément confronté au monde, à leur être-même, les enfants rencontrent mille phénomènes inconnus et  incompréhensibles. Ici aussi, le maître devrait  être à l'écoute des questions et des attitudes, pointer pour amener à réfléchir et à dire.

 

Que sont les sciences à l'école primaire ?

Une idée de rationalité, d'encyclopédie des Lumières, une démarche de tâtonnement et de problématisation.

On l'oublie trop souvent, l'enfant qui entre à l'école maternelle est né depuis peu. Sans parler de la Très Petite Section, un enfant de Petite Section a entre 32 et 36 mois, en début d'année. Des maîtres plein de certitudes se glorifient dans les « workshop »  de circo des Maternelles  d'exposer la « problématisation-modèle» ayant conduit  une classe entière à adopter une posture scientifique. Cette quête absolue de panoplie scientifique est un exemple concret du désastre scolastique. Ici, l'enseignant évacue les sujets réels, les enfants. Il fixe toute son attention sur un « contenu » à transmettre, encadré par des objectifs bien trop subjectifs. Mais quels critères retient ce maître de l’évaluation, pour juger la pertinence de sa démarche pédagogique et pour tirer fierté de sa contribution à l'accroissement de la conscience scientifique d'une classe ? Peut-être a-t-il raison pour une infime minorité de ses élèves, ceux qui n'auraient pas eu besoin de l'école pour les amener à cette avancée scientifique. Et les autres, alors ? La plupart sont ailleurs. J'en suis sûr. Je le sais. Je le vis. Je le vois. Je l'ai vécu. J'en témoigne.

La stimulation intellectuelle hors l'école, le mois de naissance, le degré de maturité, l'intérêt porté à l'objet d'étude, la disponibilité psychologique, le sentiment de sécurité affective dans les relations aux proches et dans l'univers scolaire, la sécurité sociale, la satisfaction des besoins élémentaires (manger, dormir, se vêtir), l'état de santé général concourent à la réussite des apprentissages. Ignorer le sujet, c'est se priver de penser la globalité en jeu dans l'élaboration humaine. Et si l’on questionnait le fantasme pédagogique de la précocité ?  En quoi le précoce serait-il vertueux ? Pourquoi faire si peu cas de ceux qui ne sont pas prêts ? Pourquoi passer si tôt au gavage de matières ?  Ne faut-il pas, une fois de plus, déceler dans ce mythe du précoce un attachement au principe libéral de domination : les premiers seront les mieux servis et tant pis pour ceux qui ne suivent pas. Pourquoi ne pas se contenter des trains qui arrivent à l'heure ? Pourquoi ne pas tendre la main à ceux qui peinent dans la montée ? Notre système scolaire est-il définitivement condamné à la culture de l'élitisme par écrasement de la multitude ?

L'enfant de PS-MS « normalement » constitué aura un développement « normal » même s'il refuse de parler pendant de longs  mois à l'école, s'il zézaie, s'il bute sur les dentales, s'il préfère jouer aux autos plutôt que répondre à une énième consigne photocopiée, si chaque matin, il pleurniche  en voyant maman partir, s'il mord quelques camarades, s'il a besoin, jusqu'à cinq ans, de faire la sieste, s'il fait, parfois, d'énormes colères démonstratives, s'il oublie d'aller aux toilettes, de temps en temps. Toutes ces situations où l'enseignant décrétera que l'élève n'est pas encore entré dans les apprentissages. Ce maître refuse de voir que l'apprentissage du moment de tel ou tel enfant, c'est justement de se confronter aux lois du groupe, d'aller jusqu'au bout de l'exploration du déplacement d'un véhicule ou de maîtriser ses sphincters et ses pulsions agressives.

La question de la démarche scientifique en amenant l'enfant à problématiser une situation n'est pas d'actualité en PS-MS, ou plutôt, elle ne doit pas l'être comme objectif pédagogique spécifique. La problématisation a sa place, pour cette classe d'âge, au même titre que chacun des sujets surgissant de  l'immensité des cultures humaines. En PS-MS, les sciences sont bien plus simples et complexes. Elles consisteront à proposer des situations ou à saisir au vol celles des enfants, à l'occasion d'un  objet, d'un livre ou d'un sac plastique emporté par le Mistral.

Elles peuvent prendre l'aspect de :

-        Un aquarium, un vivarium.

-        Des fruits et légumes comme de belles coloquintes.

-        Des dents, des bouts d'os, des crânes de renards, de moutons ou de marmottes.

-        Des radiographies, des moulages.

-         Des mues de cigales et de couleuvres.

-        Des nids d'oiseaux, de guêpes et de frelons.

-        Tâter son propre corps et le décrire (membres, muscles, articulations...).

-        Se regarder dans un miroir.

-        Sentir, goûter, deviner au toucher.

-        Rechercher des réponses aux questions sur les dents, l'alimentation, le sommeil et le rêve.

-        Faire pousser des graines. Observer et décrire les plantes, les arbres en se baladant dans les rues.

-        Feuilleter des Encyclopédies animalières, identifier, nommer les animaux, dire leur milieu.

-        Faire voler des avions en papier.

-        Placer un engrenage dans un coin de la classe.

-        Donner des tubes pour faire rouler des balles et des petites voitures.

-        Distribuer des ballons de baudruche.

-        Passer du blé à la farine et à la galette.

 

Pour les enfants de 32 à 48 mois (PS-MS), contempler le vaste monde vaut leçon de chose. Ils ont d'autres chats à (fouetter) observer sans passer obligatoirement à la question et être forcés d'établir une problématique car apprivoisés, soumis, ils se laisseraient tirer les vers du nez. Qu'on leur fiche la paix. Il faut beaucoup de temps pour regarder « gratuitement » tout ce qui se passe autour de soi. A chaque instant, inconsciemment, involontairement, d'indispensables  découvertes et expériences sont accumulées et engrangées dans les souvenirs où le sujet puisera, le temps venu, ses hypothèses de vie scientifique, poétique ou sociale.