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Méthode naturelle de peinture et dessein politique

  

 

Méthode naturelle de peinture et dessein politique - suite

 

 

 Ce jour-là se joue un échange coopératif intense entre Judith et Maeva.

Je crois me souvenir, à la seconde série de points, d'avoir proposé de superposer un découpage puisqu'un atelier de découpage-collage était ouvert à proximité. Il me semblait nécessaire d'intervenir pour provoquer une petite impulsion dans une nouvelle direction. Les œuvres sont variées : juxtaposition de masses de couleurs, personnages en vert à cheveux blonds, points de couleur.

Voilà bien le résultat d'une équipe au travail.

 

Jusqu'où ne pas aller trop loin

Naomi, 3 ans 8 mois, ne faisant pas la sieste cette après-midi-là, sait magnifiquement représenter des personnages. Je me souviens l'observant en train de peindre avec assurance cette série de personnage à perfection. Un moment d'inattention de ma part et l'harmonie disparut, alourdie par la tentative de fond bleu. Serais-je intervenu pour lui suggérer vivement d'arrêter avant que son dessin ne se dégrade à mes yeux ? Peut-être. Dans certains cas, une intervention aidante est nécessaire à l'enfant pour entretenir son amour-propre à travers une réussite esthétique achevée. Voilà, à nouveau, la grave question de la subjectivité de l'évaluation et de ses conséquences...

 

Notre hypothèse éducative

La voici résumée par Bernard Collot(2) :

L'enfant doit se construire les langages qui donnent accès aux savoirs et aux faire. Qu'entendre par « langages » ? Dès sa vie intra-utérine, l'appareil neurocognitif du bébé se complexifie à travers la perception d'informations. Si l'on prend l'exemple du bébé passant du liquide amniotique à l'atmosphère terrestre, les connexions neuronales, qui lui auront permis d'interpréter les informations et de les incorporer dans son schéma corporel, ne seront plus valables «dans la pesanteur de l'air libre ». Son outil est devenu inopérant, l'enfant va devoir tâtonner pour que ses circuits neuronaux créent de nouvelles ramifications qui lui permettent d'interpréter et d'intégrer ces nouvelles informations et de s'en servir. C'est ainsi que se construisent les langages, des outils neuronaux. Le langage oral est de même nature que le langage de la motricité. L'appareil neurocognitif du bébé crée un nouveau langage capable d'interpréter, de donner un sens aux « sons », d'en produire à son tour, de créer des représentations. De nouveaux circuits neuronaux se constituent. Les langages ne sont pas préexistants. Ils se créent par confrontation à un environnement. L'interaction consiste pour l'enfant à percevoir des informations et à réagir à ces informations à travers essais et tâtonnements dans l'environnement où le déposent, l'encadrent, l'aident, le soutiennent, l'orientent, l'élèvent des adultes tutélaires.
Plus l'enfant va s'essayer à la marche, plus il va tomber et plus son langage de la motricité va se développer. Et plus son langage se développe, plus il va pouvoir en faire. Et plus il en fait, plus son langage va se développer. Les adultes vont l'aider en aménageant l'environnement. Tout au long de cette conquête, on remarquera le plaisir de l'enfant à jouir de la nouvelle puissance qu'il acquiert au fur et à mesure. Tous les langages donnent de nouveaux pouvoirs et l'envie de s'en servir. Le plaisir est lié à tous les apprentissages.
Les langages sont d'abord des outils neurocognitifs qui permettent de percevoir des informations, de les interpréter, de les transformer, de les intégrer pour pouvoir ensuite les utiliser et agir. Tous les langages sont de ce type et ont pour fonction de permettre aux êtres vivants de vivre et d'évoluer dans les différents mondes dans lesquels ils vont se trouver.


2 - Bernard Collot, Chronique d'une école du 3ème type, CREPS, 2012

"Peindre à la manière de soi-même"   

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