En Chantier n°10 : L'histoire au présent : rendre hommage à un "désobéissant" de la guerre d'Algérie
L’histoire au présent
Rendre hommage à un «désobéissant»
de la guerre d’Algérie :
un projet mené par Laurent Priou, professeur de Français et d’histoire-géographie
au lycée Louis Jacques Goussier à Rézé (Loire-Atlantique)
avec une classe de BEP
Laurent Priou : Récapitulatif et genèse du projet «rue du général de Bollardière»
J’ai été amené, l'année dernière, à aborder avec mes élèves de seconde BEP métiers de l'électrotechnique (que je suis cette année en terminale), la Guerre d’Algérie en privilégiant une entrée relative à la responsabilité de chaque homme dans ce type de circonstances et en particulier face à la pratique de la torture. Cette entrée se situe dans le droit fil de notre mission de formation de futurs citoyens, en visant à les amener à s’interroger sur la portée de leurs actes, en référence à un système de valeurs donné.
J’ajoute que parallèlement à cette séquence d’histoire, un travail à été réalisé en français, à partir de la nouvelle de Marguerite Duras intitulée «le coupeur d’eau», sur le thème de la responsabilité individuelle au regard des conséquences des actes posés, dans des situations plus quotidiennes.
J’ai donc choisi de mettre en avant les différentes attitudes et responsabilités des acteurs de l’époque en la matière. C’est dans ce cadre que j’ai fait connaître à mes élèves l’existence, le rôle et le parcours du Général de BOLLARDIERE, seul officier supérieur de l’armée française à avoir, en 1957, dénoncé publiquement le recours à la torture et à avoir, pour ces motifs, demandé à être relevé de ses fonctions, ce qui lui valut 60 jours de forteresse et une marginalisation définitive en attendant sa démission au moment du «putsch des généraux». Dès lors, celui qui par son geste avait su placer ses valeurs humanistes au-dessus du climat de haine dans lequel d’aucuns avaient sombré, est devenu le véritable héros de cette classe.
Par la même occasion, mes élèves ont appris avec surprise que, bien qu’ayant ainsi agi pour sauver l’honneur de notre République et de son armée, il aura fallu attendre novembre 2007, soit 50 ans après les faits, pour qu’une grande ville, en l’occurrence Paris, décide de donner son nom à une rue.
C’est à ce moment que l’un d’entre eux, se souvenant que le Général était né dans notre département, s’enquit de l’existence d’une telle reconnaissance dans l’agglomération nantaise, chef-lieu de son département de naissance, ce à quoi je répondis que si notre héros avait été honoré de la sorte par sa ville natale de Châteaubriant et encore assez récemment, il n’en était rien dans aucune des villes de notre agglomération.
Face à ce constat, l’idée est alors apparue de réparer ce que mes élèves ont considéré comme une injustice, en écrivant aux maires de l’agglomération afin que le nom du Général de BOLLARDIERE sorte de l'oubli et soit attribué à une composante de la voirie publique de leur commune.
J’ai bien évidemment avant toute chose, recueilli l’assentiment de la famille du général, laquelle, par la voix de son épouse, s’est empressée avec enthousiasme de m’encourager dans cette démarche, demandant à rencontrer mes élèves et se déclarant prête, le cas échéant à participer à des réunions publiques associant divers partenaires intéressés par le sujet.
Ce projet me paraît pertinent à plus d’un titre :
Au plan pédagogique, il met les élèves en situation d’écrire et d’argumenter dans une situation de communication réelle, avec à la clé, un enjeu palpable.
En termes de connaissance des institutions locales, il offre l’opportunité d’étudier le cheminement d’une décision municipale.
Par ailleurs, il permet aux élèves de réaliser un projet dont l’aboutissement s’inscrira de manière visible dans l’espace public et dans la longue durée
Ensuite, dans un contexte où nos jeunes parmi les plus démunis adoptent des comportements de plus en plus marquées par l’agressivité, le repli sur une identité mal définie et la haine de l’autre, la promotion d’un homme qui a su précisément voir ses semblables là où d’autres ne voyaient que des ennemis, me paraît de nature à leur fournir une référence positive forte.
En outre, alors que les blessures mémorielles de cette guerre sont loin d’être toutes cicatrisées, une telle initiative montrerait aux uns que si effectivement, la torture a été largement pratiquée par l’armée française, il s’est aussi trouvé des militaires tout aussi français pour dénoncer cette pratique, qui du coup ne saurait en rien justifier un quelconque ressentiment de type communautariste, et aux autres, qu’il est possible de regarder en face cette page de notre histoire sans culpabiliser indistinctement l’ensemble des combattants, puisqu’un militaire, et non des moindres, a su adopter cette posture. À cet égard, le travail mené par Madame Simone de BOLLARDIERE, veuve du général, tant auprès des anciens combattants français que de ceux qui, vivant en France, se sentent culturellement associés aux souffrances du peuple algérien, à travers les nombreuses conférences qu’elle à tenues, montre le possible dépassement des douleurs mémorielles nées de cette tragédie.
Aussi, à la suite de l’adoption de délibérations par les conseils municipaux des communes visées, une conférence-débat sera organisée au sein du lycée, sur le thème de la torture en Algérie, avec la participation de Mme de Bollardière, d’historiens à la fois spécialistes du sujet et accessibles à notre public, d’une association d’anciens appelés français opposés à la torture, et si possible, de partenaires algériens (cf. le jumelage de Rezé avec la ville algérienne d’Aïn Defla). Y assisteront bien évidemment les classes du LP associées au projet, mais aussi plusieurs classes du LG J. Perrin dont les professeurs d’histoire se sont montrés intéressés. Un travail de préparation à l’intervention orale dans ce type de débat sera réalisé au préalable.
Document I. Premier courrier des élèves aux maires de l'agglomération nantaise
À l’intention de Mesdames et Messieurs les Maires de l'agglomération nantaise
Objet : Dénomination de la voie publique Madame, Monsieur le Maire, Nous avons étudié la guerre d'Algérie en Histoire et avons particulièrement approfondi la question de la torture. Au nom de la classe de Terminale ME |
Document II. Coupure de presse : déclaration des élèves lors de la réunion du Conseil municipal de Rézé |
Document III. Plaque de rue au nom du général de Bollardière à Paris
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Ce travail a été réalisé par le groupe Doc2d (Recherche documentaire au second degré)
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