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Annik Sterkendries, "Chercheuse de rêves"

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Mars 2006

Les monotypes

 

 

 

La photographie, en ce qu’elle accompagne habituellement le Land art, a une mission de constat. Elle doit rendre compte d’une action passée, loin des yeux du public, une action dissoute dans le temps. La photographie est alors certificat : pour cette raison, son attrait artistique reste secondaire.
 
Avec Annick Sterkendries, la photographie prend le dessus. Bien sûr, l’artiste a arpenté les plages, déniché les objets au rebut, colorisé la nature…
Bien sûr, elle a cette sensibilité humaniste et militante qui ne s’accommode du réel que pour le jeu, pour les souvenirs. Bien sûr, elle a fabriqué des sculptures, des grilles évidées, plantées sur les grèves. Ceci est vrai. Il n’en demeure pas moins qu’en photographe, il faut la juger et qu’indépendamment du contexte d’élaboration de ses clichés, elle donne à voir un monde personnel. Demande-t-on à Nils Udo comment il s’acoquine avec la nature ?
 
Les photographies naissent de la générosité dans les rapports humains, dans l’empathie que l’artiste trouvera dans la fréquentation des forêts, des marais ou des bords de mer. Ainsi une expérience telle que la construction d’une cabane est à la fois intime et décisive. L’image témoigne de l’étrangeté rassurante de cette chrysalide de bois, de liens, de terre glaise.

Avec les
Figures de proue
, on pourrait évoquer l’art du portrait, si l’idée majeure de cette série n’était cette fierté d’un peuple adossé au ciel bleu, coupant de Guadeloupe, face au soleil.

Annick Sterkendries photographie en idéaliste quand le jeu en vaut la chandelle : en 2003, dans le cadre d’une opération d’architecte, elle étend du linge dans le passage Pommeraye à Nantes. Accrochés aux nombreux fils tendus en travers du passage, les vêtements, les draps, les serviettes, le tout bariolé, évoquent le linge à laver, celui du passé négrier de Nantes la bourgeoise. Qui du linge, des passants éberlués, de l’architecture tient la vedette ! Sans aucun doute, la force de l’image nous a dépouillé de nos repères. Nous contemplons une composition.

L’idée princeps, celle qui précède toute installation, tout acte culturel, trouve son domicile ultime dans les photographies d’Annick Sterkendries. La somme d’expériences en garantit la pertinence et l’unicité. A l’heure où on s’interroge si la photographie doit être plasticienne ou non, elle rend la question sans objet.
 

 
Benoît Decron, conservateur du Musée de l’Abbaye St-Croix, Les Sables d’Olonne.

 

Humilité de l’artiste qui, contre tout élitisme, intègre les passants à sa création. Les enfants, les vieux, les artistes avertis ou les ignorants. Il y a de l’amour de l’Autre dans la démarche d’Annick Sterkendries, la recherche du contact, le goût de l’échange. Il y a de l’attention. Du sourire.

Le travail d’Annick Sterkendries constitue un voyage dans la dimension hypersensible du réel. Et paradoxalement, on aimerait qu’il dure, ce voyage. Qu’il échappe pour une fois à l’éphémère.


Julie Fillonneau

 

   

 

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