Raccourci vers le contenu principal de la page

Barques de Péris Iérémiadis, peintre grec

Dans :  Arts › Arts plastiques › Principes pédagogiques › Techniques pédagogiques › 
Mai 2002

CréAtions, n° 102  - Voyages - mai-juin 2002 (Editions PEMF) 


par Marcel Durand, ancien directeur de l'Institut français d'Athènes (Annexe du Pirée)

 

Barques


Péris Iérémiadis, , peintre grec (1939-2007)
Exposition de Mars 1995
Institut Français d’Athènes, Annexe du Pirée.

            

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

   
  Barques. Disons que les dessins qui constituent le dernier travail de Péris Iérémiadis ont pour sujet les barques. Barques abandonnées sur le sable, couchées sur le flanc, encore mouillées des derniers embruns, prêtes pour un prochain départ, barques disloquées, agonisantes, ayant oublié jusqu’à leur passé de barques. Comme sur des planches d’une encyclopédie universelle, elles apparaissent sous différents angles qui en montrent les pièces, les ajustages, les courbes, les modelés. Mais elles ne se détachent pas sur le fond poétique d’une crique bleue, sur la frange colorée d’une côte découpée ou sur la ligne vaporeuse de l’horizon. Le paysage de ces barques, c’est la surface rugueuse d’un papier couleur de bois, ayant également du bois ses pores, ses noeuds, ses ondes.
Barque sans mer, sans vagues, sans marins. Epures. Rien d’idyllique. Rien de romantique. Rien de ce qu’ évoque généralement le nom ou la chose. L’artiste connaît en détails ces architectures subtiles, ces anatomies compliquées. Les crayons fouillent comme un scalpel dans le sang bleu des veines et le rouge des artères, le blanc des viscères, à la recherche de l’âme de ces animaux marins sortis des mains des hommes. Les crayons imitent les mouvements du rabot, de la vrille, de la varlope. Iérémiadis construit, manches retroussées, sur la terre ferme. La mer est seulement dans le regard.  

Les dessins de Péris Iérémiadis dénouent l’écheveau de la vie d’une barque, remontent à ce point zéro qu’est le passage à l’existence. Actes de naissance d’une barque, et acte de naissance de l’oeuvre. Les deux coïncident. Mouvement de déconstruction donc qui laisse l’oeuvre ouverte, et inachevée. Mais une oeuvre est-elle jamais achevée? L’art n’est-il pas dans le non dit, le silence de la toile, le vide laissé par les signes. Comme Bonnard qui un jour, dans un musée, à l’insu des gardiens, avait rajouté à l’une de ses toiles une touche de rouge, on peut imaginer Péris intervenir encore pour aller plus loin dans l’autopsie.

Dessins de barques donc. Mais les barques sont-elles au fond le sujet. Et d’abord y-a-t-il un sujet de la peinture? Flaubert a eu l’idée d’écrire “ Madame Bovary”, ce “roman sur rien” pour reprendre ses termes, en regardant la lumière jouer sur les marbres de l’Acropole. Je dirais, pour garder l’image que ces “ dessins sur rien” sont nés du miroitement de la lumière sur cette ligne qui sépare la terre de l’eau, là où viennent naître et mourir les baleines et les barques.

Marcel Durand
Ancien Directeur de l’Annexe
de l’Institut Français d’Athènes, au Pirée.

 

 


Nous remercions Monsieur Marcel Durand de nous avoir aimablement autorisé à publier ce texte.
Créations

 

Pour en savoir plus sur ce peintre:
Site de l'Association Péris Iérémiadis, fondée après sa disparition en 2007 (avec galeries à découvrir).


  sommaire CréAtions N° 102  

Pigments naturels, Dessin Péris Iérémiadis