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Réseau de communication

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Avril 1995

Réseau de communication : complexité et structure

 
 
Le réseau "TéléCOOPicem" s'est déve­loppé depuis 1985 et a succédé aux circuits de correspondance naturelle à bout de souffle.
Le but unique de ce réseau qui s'est complexifié au cours des ans a tou­jours été "la communication" sous quelque forme que ce soit.
L'épine dorsale en est le serveur té­lématique et plus particulièrement la messagerie qui permet de coordonner les actions en cours, d'accueillir tous ceux qui désirent s'immerger dans le flux de la communication tout en laissant à d'autres le choix de s'arrêter au bord du chemin pour souffler ou simplement regarder.
L'"aventure" décrite ci-dessous a été vécue entre une classe de Pollionnay (69) et une classe de Riec sur Belon (29).
 
Chaque jour voit arriver dans la classe un flot d'informations qui sont matière à débats, échanges et travaux divers et parfois font entrer une fantastique bouffée d'oxygène dans le quotidien. La dernière en date est la rencontre avec "Sam le casque bleu".
Cet exemple, outre le formidable in­térêt qu'il a succité chez les en­fants sur un dramatique sujet d'actualité permet aussi de mettre en évidence la multiplicité des liens qui unissent les différents noeuds du réseau et la diversité des supports d'échanges.
 
Sam le casque bleu : première époque.
 
Sur la messagerie classe, Gaëlle, élève de la classe de Riec sur Belon signale que son frère Sam est casque bleu en Bosnie.
Pas de réaction de la part des en­fants de ma classe. J'en profite juste pour situer le lieu de conflit sur la carte du monde. Par rapport à Riyadh (Arabie Saoudite) avec qui nous échangeons, cela semble diable­ment plus proche.
Quelques temps plus tard, nouveau message de Riec. La fillette annonce avec plaisir qu'elle est tata vu que son frère Sam (oui celui qui est .....) vient d'avoir un bébé.
Longs échanges en classe sur les oncles et tantes. Pas un mot sur le conflit de Bosnie, mais... Sam n'est plus un inconnu pour les enfants. Il y a place pour lui dans la mémoire du groupe.
 
Sam le casque bleu : deuxième époque.
 
Quelques échanges de messages plus tard, routine quotidienne pour les enfants, un nouvel élément du réseau rentre en action : le télécopieur. Riec annonce que Sam va venir en classe répondre aux questions que nous voudrons bien lui poser. Nos fax seront les bienvenus.
Toute l'imprégnation des messages té­lématiques antérieurs apparaît alors car la prise en compte de ce fax est immédiate. Les enfants ont des ques­tions à poser à Sam. Nous listons les interrogations, les traduisons par écrit et deux CE1 se chargent de ta­per la liste qui sera faxé pendant que Sam sera là-bas dans la classe de Riec.
Les hasards de l'emploi du temps font que par un apparent manque de chance, nous devons partir à la piscine au moment où Sam arrive dans la classe de Riec. Il y a comme un regret dans l'air de ne pouvoir participer à la fête.
Deux jours plus tard, nouveau fax de Riec et heureuse surprise. Nous ap­prenons que l'entretien avec sam a été enregistré et que nous pouvons soit attendre que les enfants aient décripté la cassette, soit recevoir une copie de l'enregistrement (apparition d'un nouveau support ma­gnétique qui va transiter par le cir­cuit postal traditionnel).
Les enfants ont aussitôt faxé qu'ils attendaient la cassette avec un en­thousiasme nourri par un autre échange du réseau : les émissions ra­dio de l'école Martinon de Gradi­gnan.avec un feuilleton sur la ma­chine à voyager dans le temps digne des plus belles heures de Zappi Max, émission qu'ils ne se lasse pas d'écouter.
 
Sam le casque bleu : troisième époque.
 
Malgré le délai postal, l'intérêt n'est pas tombé. Dès l'arrivée du pa­quet sur le bureau, la cassette a été introduite dans le lecteur et nous avons commencé à écouter les ques­tions des enfants de Riec et les ré­ponses claires et bien à la portée des enfants de Sam.
 
Premier émoi : tout à coup on entend en fond sonore la sonnerie du télé­phone suivie quelques secondes après du bip caractéristique de fin de ré­ception d'un fax... "C'est notre fax qui arrive "s'écrit Clémence la res­ponsable des expéditions. Pas de chance, c'était celui de l'école de Trégain (ville de Rennes). J'ai senti à ce moment là un peu de décep­tion.mêlée au secret espoir que peut-être, bientôt, c'est certain, cela allait être notre tour.
Nous avons continué à écouter la cas­sette par petites séquences de 5 à 10 mn selon l'attention des enfants. Chaque jour, l'audition était deman­dée dès le "quoi de neuf" du matin. D'autres fax sont arrivés, toujours pas celui de Pollionnay et puis presque à la fin de la bande magné­tique, nouvelle sonnerie suivie à son tour par le signal de fin de récep­tion. L'attente était à son comble dans l'auditoire. Soudain le bonheur a jailli sur les visages. "C'est un fax de Pollionnay" a dit une voix en­fantine et aussitôt Sam a commencé à répondre à nos questions.
J'ai eu le sentiment qu'à cet instant là, le temps et l'espace étaient abo­lis. Nous étions là-bas dans l'autre classe et Sam était là devant nous et c'était chaque enfant de Pollionnay qui posait la question.et c'était à chaque enfant que l'adulte répondait. Bref, c'était encore plus magique que du direct.
 
Sam le casque bleu : quatrième époque.
 
Retour au concret et au rationnel : le lendemain, quand même, Yoann a voulu retrouver dans nos archives le fax de nos questions pour vérifier si Sam avait bien répondu à chacune d'elles. Comme quoi, il n'avait pas laissé la technique lui faire perdre de vue l'essentiel.et nous avons re­parlé de la guerre là-bas, sans ou­blier d'écrire à sam pour le remer­cier de nous avoir informés. Il faut noter que pour les enfants, les ma­chines n'ont été QUE des moyens de communiquer. Plus je les regarde se comporter vis à vis d'elles, plus je me rends compte que seuls les adultes éprouvent des sentiments d'inquiétude et de rejet parce qu'ils ordonnent les moyens de communication suivant une hiérarchie subjective que n'utilisent pas les enfants.
 
Et maintenant.
D'abord, les discussions sur le conflit en Bosnie éclairées par les réponses de Sam qui ne s'est jamais dérobé devant les questions mais qui a su y répondre avec beaucoup de re­cul dans un langage très accessible (même pour mes CP) ont largement dé­passées le stade de l'évocation d'un fait divers.
Ensuite, Sam fait partie de leur uni­vers, il est un point référent pour eux maintenant. Notre environnement a donc été modifié.
 
Mais où est le ré­seau dans tout cela ?
 
Il est dans les lectures quotidiennes de messages, dans les discussions qui en découlent, dans les désirs de ré­pondre des enfants, dans la cassette vidéo sur les Mérovingiens (autre exemple d'interaction entre message­rie, télécopie, courrier et film vi­déo), dans l'émission radio de Marti­non, dans les fax de St Bonnet, de Givors et dans le Bi-hebdomadaire de La Bergerie.
Beaucoup de mouvements d'info qui font qu'à certains moments l'étincelle de l'exceptionnel jaillit et chasse la grisaille. Il y a eu les messages à la mer (qui voguent tou­jours), l'observation des chevreuils dans les bois (certaines classes, un an après réalisent ce projet), Yoann qui a pu parler de la mort de son pe­tit frère avec d'autres enfants de tous âges du réseau, etc...
 
Chaque année, il y a un ou deux (trois c'est exceptionnel) moments où les énergies convergent soudain et permettent de déclencher une ouver­ture nouvelle dans l'enthousiasme et le plaisir de travailler et de commu­niquer.
 
Un seule règle pour obtenir cela :
 
Organiser et structurer la classe pour faire de la communication avec les autres l'objectif primordial, ce­lui qui fera que l'on aura le désir de savoir lire et écrire. Tout l'environnement technique (fax, mini­tel, ordinateurs etc...) est néces­saire certe mais non pas suffisant. Il nous permet seulement de raccoucir le temps, de distordre les distances et de multiplier les contacts.
Un seul moyen pour obtenir cela : lire chaque jour les messages conte­nus dans la boîte aux lettres. Les lires aux enfants d'abord, les lais­ser lire plus tard, ne rien brusquer, attendre, et ne pas se décourager (voir encadré sur le travail au quo­tidien).
Le serveur télématique est le seul outil qui permette à la fois de dif­fuser des infos très largement et de les lire sans obligation de répondre. Chacun vit dans le réseau à son rythme. C'est pourquoi il est facile de s'y glisser ou de s'en sortir sans gêner personne. Chacun peut s'y es­sayer sans coûter du temps militant, sans créer des surcharges de travail, sans mettre en péril l'activité des autres.
Mais la messagerie seule ne serait qu'un artifice si elle ne pouvait être relayée dès que nécessaire par d'autres supports choisis en fonction du type de communication en cours.
"Je ne pratique pas la télématique (ou l'informatique), je communique".
Dès que le contact est établi, nous utilisons le ou les moyens les plus adaptés au travail en cours. La ri­chesse et la diversité de chaque classe, noeuds du réseau, font que nous avons une infinité de possibles permettant d'envisager l'avenir avec une certaine confiance pour peu que le serveur reste opérationnel et amé­liore ses performances.
 
Roger Beaumont
 
 
Courrier émis le 15-11 à 09:13
POLLIONNAY 69
 
Emett. RIEC
Objet Drapeau
 
Page n° 1/1 Original
 
Mon frère m'a envoyé un drapeau de
l'O.N.U ce qui veut dire : Organisation
des Nations Unies. Ce drapeau est
bleu ciel. Au centre du drapeau,
il y a la carte du monde vu du
pôle nord entourée de deux rameaux
d'olivier.
         Gaëlle
 
 
Courrier émis le 21-02 à 11:53
Emett. RIEC
Objet SAM
 
Bonjour à tous
Sam, le frère de Gaëlle qui était
casque bleu, va venir mardi dans
notre classe. On lui a organisé une
petite fête.
Si vous voulez lui poser des
questions, vous pouvez les faxer.
Il sera là à partir de 14 h.