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Vivre et apprendre ensemble : ou l'entraide du cours moyen à la maternelle

Dans :  Principes pédagogiques › coopération › 
Juin 1997

"C'est par le dialogue, par l'échange, par le doute, par le conflit, par l'argumentation - suscités grâce aux exemples - que les perceptions intuitives des uns et des autres peuvent commencer à s'accorder et à évoluer vers une compréhension commune." (1)

On pourrait reprendre au compte des enseignants de Chauriat (63), cette réflexion de Britt - Mari Barth, tant leur souci est grand de tout mettre en oeuvre, dans l'organisation coopérative de l'école, pour que les niveaux d'âge, de compétence, les ressources complémentaires des uns et des autres, enfants, adultes, enseignants et partenaires sociaux soient mis au service de l'épanouissement et de la construction de chacun.
Partant du désir des enfants du cours moyen de transmettre leurs savoir - faire aux plus petits de l'école, de leur faire pratiquer des activités variées en petits groupes...
Partant aussi du désir commun des enseignants de cours moyen et de la maternelle de renforcer les liens entre tous les enfants, d'accentuer l'entraide, d'affiner le connaissance réciproque, la compréhension mutuelle...
Partant également du désir de l'enseignante de petite et de moyenne section d'intégrer les enfants de la maternelle à la vie de l'école, à ses règles, ses projets, sa gestion afin de ne plus vivre "en vase clos"...
... Une expérience d'apprentissages mutuels par la coopération, ayant cependant une forte coloration de "tutorat" en raison de la prise en charge des activités par les "grands", a été mise en place.
Nous en présentons d'abord l'aspect pratique par la description du dispositif choisi et son fonctionnement.
Après avoir listé les compétences visées dans ce projet, ses objectifs, nous essaierons de voir en quoi ils ont été atteints en confrontant dialectiquement les remarques des enseignants à quelques analyses plus théoriques des apprentissages sous - jacents : apprentissages sociaux, socio - affectifs, socio - cognitifs.
 
1.Le dispositif et son fonctionnement
 
1.1. Des activités diversifiées :
 
- Jardinage (en pots - dans le jardin de l'école - entretien des parterres)
- Bricolage (bois - carton - papier - sel et craie)
- Peinture (tableaux - décoration d'objets)
- Modelage (terre - pâte à sel - pâte à bois)
- Théâtre (mime - jeux corporels)
- Danse (rondes, évolution sur des musiques variées)
- Cuisine (gâteaux - crêpes - brochettes de fruits)
- Jeux de ballon (initiation au foot - ball, jeux à règles... )
- Jeux sans ballon (avec ou sans matériel, par deux , en équipes...)
- Contes (écoute, langage, dessin, jeux avec marionnettes)
etc...
 
1.2.Les partenaires
 
- Les enseignants de l'école : Ils veillent à l'organisation et au bon déroulement des ateliers.
- Assistante Scolaire en Ecole Maternelle.
Un parent d'élève : il encadre les groupes d'enfants dans un atelier hors de la vue des enseignants ou nécessitant plus de vigilance.
 
1.3.L'organisation en ateliers
 
Chaque atelier est animé par un groupe de trois enfants du cours moyen, "spécialistes" dans une activité.
Localisation : Durée : 3/4 d'heure - Fréquence : une fois par semaine.
                           Lieux : Utilisation de la classe, du préau, de la cuisine, du gymnase.
                           Alternance : Les activités changent chaque semaine afin que chaque enfant de                                maternelle puisse participer à toutes ces activités au cours de l'année.
Un déroulement en quatre temps :
a) Quelques jours auparavant : Préparation organisée par les grands du C.M., supervisée par les enseignants : - recherche d'idée, de matériel nécessaire
                        - élaboration d'une fiche - guide.
b) En début d'après - midi : répartition des enfants de la maternelle dans les ateliers ; ils sont inscrits dans un tableau où des photos leur permettent l'identification des ateliers. Le choix est imposé les deux premiers trimestres puis libre au troisième trimestre.
c) Activités en ateliers.
d)    Après les ateliers : Compte - rendu oral en maternelle de chaque groupe , compte - rendu écrit individuel au cours moyen. (Voir encart 1 et encart 2)
 
1.4.L'institution coopérative
 
Conditions : Deux délégués pour chaque classe , à la maternelle ce sont deux enfants qui le désirent.
Réunion d'une demi - heure par semaine dans une classe choisie à tour de rôle. Le maîtrede la classe dirige la réunion.
Déroulement : a) préparation de la réunion dans chaque classe - lecture du compte - rendu écrit de la semaine précédente. (Encart 3)
                                b) réunion de tous les délégués.
c)    compte - rendu oral de la réunion juste après celle - ci et compte - rendu écrit au cours moyen. (Encart 4)
 
2. Apprendre avec les autres, grâce aux autres et pour les autres
 
Le projet était porteur d'une visée large de l'entraide dans le sens où elle ne se réduisait pas à établir des fonctions de solidarité des grands envers les petits mais enclenchait une synergie capable de développer les aptitudes et de faire acquérir des compétences pour chacun.
 
2.1.Aptitudes et compétences visées...
 
2.1.1... d'ordre tranversal
- apprentissages sociaux :
                - communiquer avec des élèves plus âgés,
                - adapter son comportement aux activités proposées,
                - au sein des réunions de la coopérative : prendre des responsabilités au sein de l'école - accepter les règles de vie collective, les comprendre, en proposer.
- apprentissages socio - affectifs : apprendre la solidarité, le respect des autres, l'écoute...
construire des relations interpersonnelles nombreuses et diverses, l'appel de l'aîné et son rôle dans l'imitation, la sécurisation... participer à la création d'une ambiance... d'un climat amène...
- apprentissages socio - cognitifs c'est - à -dire de savoirs nouveaux, de méthodes de travail
                - savoir écouter et chercher à comprendre des consignes,
                - accepter des contraintes,
                - fixer son attention, se concentrer sur une tâche,
                - identifier, analyser et corriger ses erreurs avec l'aide d'un enfant plus grand,
                - soutenir un effort, rechercher le soin, la qualité de présentation d'un travail,
2.1.2... dans le domaine de la langue
Pratiques du langage en s'exprimant au moment du choix des ateliers puis du compte - rendu collectif, au cours des réunions coopératives : oser prendre la parole, s'exprimer de manière compréhensible...
Commencer à établir la correspondance entre l'écrit et l'oral au moyen de pictogrammes.
S'inscrire dans un tableau.
2.1.3... d'ordre disciplinaire, au sein des ateliers
- En science et technologie :
- utiliser des matériaux divers, des techniques de fabrication (bricolage, modelage, cuisine)
- reconnaître les manifestations de la vie végétale...(jardinage)
- En éducation physique :
- utiliser des actions élémentaires (courir, lancer...jeux de ballon)
- s'exprimer dans des mimes avec des comptines, en se déplaçant sur une musique (théâtre)
- jouer à des jeux à plusieurs (jeux sans ballon)
- oser prendre des risques ( parcours)
- En arts plastiques :
- éprouver les possibilité d'intervention sur les matériaux,
- tirer parti de trouvailles fortuites,
établir des relations sensorielles avec la matière (modelage, peinture, bricolage)
 
2.2.Un bilan ... Aptitudes développées et compétences acquises
 
C'est dans les échanges et les niveaux différents de confrontation, à l'occasion des réinvestissements, que les enseignants ont pu évaluer, d'une manière formative, les compétences acquises et les aptitudes qui se sont développées.
Ce bilan reflète globalement certains aspects de cette expérience jugés positifs par eux - mêmes.
 
2.2.1. Ce "tutorat" a permis aux enfants de la maternelle
 
des apprentissages cognitifs :
Les petits apprécient la richesse et la variété des activités en ateliers grâce à l'éventail de savoir - faire des enfants du cours moyen. Ils se sont approprié des techniques qu'ils ont réinvesties librement au cours d'autres activités (exemple Encart 5)
des apprentissages socio - affectifs :
Les enfants de la maternelle apprennent à mieux connaître "les grands" de l'école, à communiquer avec eux. En effet, le contact rapproché est facilité par le petit effectif des groupes en ateliers. Ils apprennent les prénoms des grands, ils peuvent ensuite les interpeler dans la cour, leur demander de l'aide quand ils ont une difficulté et jouer avec eux en dehors des ateliers. Il s'instaure ainsi, une certaine complicité entre les grands et les petits, des amitiés se créent même parfois.
des apprentissages sociaux :
Pouvoir participer à la vie de l'école, avoir leur place au sein de celle - ci, et élaborer ensemble des projets : l'arborétum, le spectacle de fin d'année ... mais aussi comprendre contraintes, règles imposées par la coopérative, critiques, prises de décisions, responsabilités partagées, représentativité par délégués, c'est aussi le début de l'apprentissage de la citoyenneté.
Ce "tutorat" a permis aux enfants du cours moyen, d'une part, de mieux connaître les petits, d'être plus à l'écoute, plus attentifs à leurs demandes, de prendreen compte leurs besoins, leurs désirs, leurs possibilités aussi en dehors des ateliers (cour, réunions coopératives).
D'autre part, cela leur a donné un sens de l'organisation, de l'autonomie, de la responsabilisation.                   Ils évaluent les limites de leur action ; ils voudraient plus de réussite. Ils ont pris conscience qu'ils devaient préparer leur intervention, ce qu'ils ont mieux fait après quelques séances. Maintenant, pour tous les ateliers, les enfants pensent à préparer le matériel, expérimentent, essaient avant.                            
Cette activité leur plait et tous sont volontaires ; s'ils n'ont pas eu le temps de se préparer, ils reportent leur intervention.
Ils tentent de s'adapter aux petits en essayant de leur parler en réclamant de l'attention, en expliquant, en montrant, en reformulant leur explication. Ils apprennent à raconter une histoire, à bien la lire. Certains enfants du cours moyen qui ont quelques difficultés en lecture n'hésitent pas à prendre l'atelier "Lecture" et font l'effort de bien le préparer. Ils ont pu, par ailleurs, mettre en valeur d'autres compétences que celles d'ordre strictement scolaire.(Encart 6)
Cependant, on perçoit, au travers de cette animation coopérative par les enfants du cours moyen, que se poursuivent, pour eux aussi, des apprentissages fonctionnels fondamentaux. Citons - en quelques aspects :
- développement et maîtrise d'outils et techniques tels : lecture - écriture - dessin - informatique ...
- manipulation de la langue : adaptation du langage - reformulation ... mais aussi opérations mentales dans la conception, l'analyse des situations et connaissances qu'il faut expliciter, enrichir, affiner ... Bref, penser l'action, l'évaluer donc affermir et développer l'esprit critique.
 
2.2.2. Autres bénéfices de cette expérience :
- Possibilité de travail en petits groupes (6 enfants) ce qui a permis d'affiner des gestes, d'aider à la réussite de chacun dans l'exercice proposé,
- Bonne ambiance dans l'école, la cour de récréation, esprit d'entraide, moins d'accidents.
On pourrait envisager, au cours d'expériences semblables, pour mieux cerner les diverses compétences acquises, d'établir une grille à partir des compétences et aptitudes visées. Encore faudrait -il la faire pour chaque enfant, comme on réalise l'évaluation dans un plan de travail personnel, par exemple, à l'aide d' un tableau imprimé, avec trois colonnes : acquis, en voie d'acquisition, non acquis.
 
2.2.3. Cependant, des difficultés existent ...
Celles que nous avons rencontrées sont parfois d'ordre général comme la préparation insuffisante des ateliers par les grands ou des exercices proposés mal adaptés au niveau de la maternelle, mais, le plus souvent, elles relèvent de cas particuliers d'adaptation chez les petits :
- certains, plus agités que d'autres, profitent du fait qu'il ne sont pas en face d'un adulte pour créer du désordre et cela désatabilise les grands,
- à l'opposé, d'autres petits très timides, n'osent pas aller avec les enfants du cours moyen et participent peu aux activités proposées.
Malgré tout, depuis que nous avons mis en place ces ateliers, nous avons pu constater de meilleures relations entre les enfants. Ce qui nous paraît essentiel, c'est que tous les enfants des différents niveaux, apprennent à se connaître, à s'entraider, à vivre et apprendre ensemble.
 
3. Quelques réflexions plus théoriques concernant ces apprentissages mutuels
 
Tout le monde est bien conscient que les apprentissages mutuels, de type coopératif, sont d'une extrême richesse et jouent un rôle capital dans la construction des savoirs.
Nombreuses sont les diverses recherches de ces deux dernières décennies sur cette interactivité sociale et les processus qu'elle enclenche chez les individus. Mais nous ne sommes par toujours suffisamment informés, en profondeur, de certains de ces processus qui peuvent éclairer et nous permettre d'affiner nos pratiques ou, inversement, nous révéler leur validité.
Il nous a semblé que l'expérience vécue à Chauriat est susceptible de développer certains de ces processus comme :
- les trois modes d'apprentissage, définis par Frank Smith (2),
- la zone proximale de développement caractérisée par Vygotski et reprise par Britt - Mari Barth (1),
- les trois niveaux de confrontation analysés encore pat Britt - Mari Barth (1),
- la pluralité des intelligences dont l'intelligence interpersonnelle selon Gardner (3).
 
3.1.Les trois modes d'apprentissage
 
"Si on y pense bien, il n'y a, pour les humains, que trois façons d'apprendre quoi que ce soit sur le monde, par comparaison avec les autres animaux qui n'en ont qu'une ou deux. Nous pouvons apprendre en faisant réellement quelque chose, mode universel de développement dans l'évolution et que j'appellerai l'apprentissage par l'action ou par l'expérience. Certains animaux, notamment les hommes, peuvent aussi apprendre en regardant faire, mode que j'appelerai l'apprentissage par l'observation ou par démonstration. Seuls les humains peuvent aussi apprendre en écoutant. Les trois modes semblent souvent avantageux...
Parfois, une forme d'apprentissage semblera plus appropriée qu'une autre ... La compréhension des trois modes d'apprentissage est tellement importante que je vais d'abord les répéter méthodiquement:
a) apprendre par l'action ou par expérience ;
b) apprendre par observation ou par démonstration ;
c) apprendre en se faisant dire ou par le langage." (2)
Il est certain, que lorsque "les grands" vont à la maternelle, ces trois modes interfèrent constamment dans la communication et ce type d'activité ne peut que les favoriser.
 
3.2.La zone proximale de développement
 
"Ces théories* conçoivent le développement cognitif comme un processus social d'intériorisation de concepts, d'outils intellectuels - langage, modes de pensée, "technologies", comme par exemple la lecture, l'écriture - , d'attitudes et de valeurs. Cette intériorisation est rendue possible par l'interaction avec des adultes (ou d'autres membres de notreculture, plus expérimentés) qui les pratiquent avec nous et nous en donnent ainsi une expérience explicite qui nous permet par la suite de l'intérioriser...
... Ce processus d'intériorisation est rendu possible grâce à "la culture" : si la potentialité est là, elle a besoin d'assistance pour se développer au bon moment. Le lien entre développement et apprentissage est exprimé par Vygotski par la notion de " zone proximale de développement" : (1)
                "... la distance entre le niveau de développement actuel tel qu'on peut le déterminer
                à travers la façon dont l'enfant résout des problèmes seul, et le niveau de
                développement potentiel tel qu'on peut le déterminer à travers la façon dont l'enfant
                résout des problèmes lorsqu'il est assisté par l'adulte ou collabore avec d'autres enfants plus         avancés ".*
C'est une évidence pour nous ! Comme dans les "bandes d'enfants", les plus jeunes bénéficient ainsi, souvent, de ce phénomène et réalisent dans les groupes, ce qu'ils n'auraient pu faire seuls : ils franchissent alors la distance entre leur niveau actuel de connaissance ou d'action et un niveau supérieur potentiel.
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* Britt - Mari Barth commente et se réfère à Vygotski - Citation extraite de Pensée et langage
                Editions sociales - Paris - 1985 (version originale 1934)
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3.3.Les niveaux de confrontation
 
Qu'il s'agisse des moments d'activités dans les divers ateliers ou des moments de gestion coopérative dans les réunions, dans toutes ces formes d'échanges, les enfants des deux niveaux se trouvent en situation de confrontation des connaissances.
L'analyse de Britt - Mari Barth de ces niveaux de confrontation nous révèle, en profondeur, toute la richesse insoupçonnée de ces "dialogues cognitifs"dans une ambiance coopérative.
- A un premier niveau de confrontation
"Les apprenants prennent conscience de la variété d'interprétations qu'on peut faire à partir d'une même source d'information. Mettre les apprenants "en direct" avec le savoir en question (dans sa forme concrète) permet une première analyse de ce qu'ils sont à même de percevoir." (1)
- Un second niveau de confrontation est ensuite créé par l'argumentation.
"... Pour réfuter l'argumentation de l'autre, il faut opérer un déplacement : on est amené à voir les choses sous un autre angle. C'est en s'opposant à l'autre qu'on fait un premier pas vers lui... Cela va éventuellement amener à une tranformation ou une confirmation de son propre point de vue. Comprendre veut dire créer une signification dans la multitude d'impressions qui s'impose à nos sens. Comprendre veut également dire pouvoir adhérer à une norme commune sur laquelle il faut pouvoir se mettre d'accord. C'est dans la relation à autrui et dans l'échange que cette signification se crée..." (1)
- Le troisième niveau de confrontation se poursuit en parallèle avec les deux autres.
"... créé par les questions que le médiateur ne manquera pas de susciter à tout moment approprié. Elles accompagnent la réflexion commune, incitent à l'analyse et au jugement critique ainsi qu'à la recherche de mots justes....
... Le but est, à tout moment, de stimuler la réflexion des apprenants..." (1)
Et, ajoute - t - elle, pour l'adulte médiateur :
penser à haute voix avec les apprenants, comme le font naturellement les parents, implique une certaine complicité avec eux, implique aussi de se mettre sur un plan d'égalité dans la participation à la réflexion commune, afin que la procédure soit authentique.
Mais ce compagnonnage n'est - il pas, justement, notre part du maître habituelle ?
 
3.4.L'intelligence interpersonnelle
 
Enfin, terminons "nos confrontations" avec les théories sur les apprentissages par ce concept qui semble s'imposer de plus en plus actuellement dans le débat sur l'intelligence et "sa mesure par le Q.I" : la pluralité des intelligences.
H. Gardner (3), à partir des diverses recherches de psychologie cognitives, a dressé une typologie, non exhaustive bien sûr, de sept formes d'intelligence :
- intelligence musicale - intelligence corporelle et kinesthésique - intelligence logico - mathématique - intelligence linguistique - intelligence spatiale - intelligence interpersonnelle - intelligence intrapersonnelle.
Nous pensons que cette vie coopérative, ces échanges de savoirs, ces apprentissages mutuels, créent ,sans aucun doute, un environnement physique, intellectuel et social susceptible de favoriser le développement de ces diverses formes d'intelligence. L'une d'elles retient ici toute notre attention : l'intelligence interpersonnelle.
"... Il s'agit là d'une intelligence d'ordre social, mal comprise mais extrêmement importante. Elle inclut la capacité de coopérer avec les autres et de les comprendre, de distinguer leurs humeurs, caractères, tempéraments, motivations, intentions...
...Mais comme toutes les intelligences, il ne s'agit que d'une dominante...
... Chaque intelligence peut être considérée comme un mode d'acquisition de capacités spécifiques, pouvant s'exprimer dans une variété de domaines. Un mode de vie qui exige ou favorise telle forme d'intelligence, influence son développement...
... Le rôle de "l'environnement" devient,dans cette perspective,essentiel pour permettre à la variété des potentialités existantes de s'exprimer et de se développer." (1)
 
Pour conclure...
 
Ces analyses, ces réflexions théoriques renforcent en nous la conception freinétienne de la coopérative. En effet, en pédagogie Freinet, la coopérative n'est pas seulement l'institution démocratique qui gère la vie de la classe, la vie de l'école, mais elle est aussi l'institution qui co - gère avec l'enseignant, les apprentissages personnalisés pour chacun, c'est - à - dire l'interactivité permanente entre la voie heuristique et la voie didactique, entre le travail individualisé et les activités collectives.
A l'échelle de la classe ou de l'école, pour cette micro - société, l'organisation coopérative est un exemple vivant de la contingence du paradigme social symbiosynergique et du paradigme éducatif inventif, tels qu'ils ont été conçus par les chercheurs (4).
En effet, ne favorise - t - elle pas l'épanouissement de la personne par les autres ?
 
Ce dossier a été réalisé par Janou et Edmond LEMERY (Comité de rédaction)
avec la participation et les documents d'Evelyne GARRIER (Ecole maternelle), Michel MAUBERT (Cours moyen et direction de l'école élémentaire), Ecole de Chauriat (Puy de Dôme).
 
 
 
 
 
 
Encart 7 : Nous avons reçu de la part des enfants d'Aizenay (Vendée)...
Nous allons souvent à la maternelle
- soit pour chercher des petits et les emmener à la bibliothèque pour leur lire des livres (tous les après - midi deux CM2 y vont)
- soit pour animer un atelier le vendredi après - midi (2 enfants de CM2 et 2 enfants de CM1)
- soit pour aider à coucher les petits tous les jours de midi à 12h30(deux CM2)
- soit pour aider à l'atelier théâtre le lundi après - midi (un enfant de CM2)
"Nous sommes allés plusieurs fois animer les ateliers en maternelle le vendredi après - midi dans la classe d'Isabelle pendant nos ateliers. (C'est notre atelier : Maternelle).
Au début les petits vont sur les sièges et s'assoient en forme de conseil de classe. Et normalement Isabelle commence par leur raconter une histoire puis ils se répartissent en ateliers.
Nous on aide les petits à faire les ateliers petit bricolage. On les aide à découper, à coller, à construire leurs objets et puis parfois on en fait pour nous !
Les petits sont très gentils dans la cour et dans la classe, mais parfois ils s'énervent, on se demande pourquoi." Allan et Julien C.M.2
"Moi je vais aider Marie - Noëlle à faire du théâtre en grande section, c'est très bien. Je l'aide à faire de petits ateliers et à voir si les petits font bien les exercices que Marie - Noëlle leur propose pour travailler leur corps. Mon exercice préféré c'est le travail avec les cordes."  Magali C.M.1
"Le midi on va à la maternelle aider les femmes de service et les institutrices à coucher les tout petits car ils mangent dès 11h30. On les aide à enlever leurs chaussures, à se déshabiller un peu, puis on les accompagne au lit et on leur raconte ou on leur lit une histoire. Des fois on aurait envie de s'endormir avec eux. C'est rigolo !    Angélique, Magali,Fabien, Mélanie C.M.2
 
Encart 8 : ... et quelques notes rapides de Joël Blanchard (Groupe scolaire L.Buton à Aizenay)
 Quelques caractéristiques de l'apprentissage mutuel
L'esprit de coopération : "Je t'aide à comprendre, tu m'aides à apprendre"
"Apprendre est un acte individuel à condition de le replacer dans un contexte coopératif"
                                                                                                              Michel Develay
Permettre le respect de chacun au travers d'une vie collective gérée coopérativement. Mais aussi que chacun puisse s'enrichir des richesses des autres.
Le co - apprentissage ou l'éco - apprentissage... , l'entraide, l'entre - aide
L'apprentissage mutuel ou entre enfants nécessite la confiance du maître mais aussi qu'il sache rester à distance sans être trop interventionniste.
"Pourquoi tu m'interroges, j'ai pas levé la main ?"
A contrario du "syndrome de la cheftaine" : vouloir entraîner tout le monde sur la même activité au même moment.
Le droit au "copiage, au co - pillage, à l'éco - pillage", à l'aide, à l'entre - aide, à l'entraide...
Le parrainage : "Ton filleul tu aideras"
Parrainage librement consenti, librement négocié (non imposé), reconnu par le groupe.
Le parrainage est à différencier du tutorat (le parrain est un pair).
Le filleul d'aujourd'hui peut être mon parrain de demain.
L'écoute : "Tes copains tu écouteras"
La qualité de l'écoute est liée à la qualité du silence.
La co - responsabilité : les ateliers auto - gérés ou co - gérés, l'autodiscipline ou la discipline consentie.
...
 
Notes bibliographiques et documentaires
 
(1) Britt - Mari BARTH - Le savoir en construction - Edit : Retz - Paris - 1993
(2) Frank SMITH - La compréhension et l'apprentissage - Edit : HRW Montréal -1980
                               (L'éditeur n'existe plus - ouvrage à chercher dans les bibliothèques )
(3) H. GARDNER - Interview in Revue Sciences Humaines n° 69 - Février 1997
                                        Cité aussi par B.M Barth (1)
(4) Yves BERTRAND et Paul VALOIS - Ecole et sociétés - Edit : Editions Agence d'Arc Laval (Québec)- 1992 . Un extrait des caractéritiques du paradigme inventif est paru dans le Nouvel Educateur n° 81 - Encart 1 - p.6
Pour éviter toute redite et en raison du volume limité de ce dossier nous citons ci-dessous d'autres informations et analyses, émanant de l'I.C.E.M., sur la personnalisation des apprentissages qui se fonde sur le mutualisme coopératif .
D'une part  : "L'entraide en classe coopérative" de Jenny Desbois
dans un dossier réalisé par Jean le Gal - n°225 - supplément au Nouvel Educateur n°28 - Avril 1991
On peut se le procurer en s'adressant au dépôt de chaque groupe départemental I.C.E.M.
D'autre part : les interventions de Francine BEST, André de PERETTI, Hubert MONTAGNER,
                         et Jean BERBAUM aux salons des apprentissages individualisés et personnalisés de                                      Nantes parues dans les actes du salon, sous le titre :
                         Réussir par l'école. Comment ?
                         apportent aussi beaucoup d'informations sur les apprentissages mutuels.                                           L'ouvrage est édité par l'I.C.E.M.62 Bd Van Iseghem 44000 Nantes
Rappelons le dossier paru dans le Nouvel Educateur n° 75 - Janvier 1996 - Un témoignage analysé de la construction sociale du savoir : le fer à repasser. (A.M. Mislin)
Signalons l'existence d'une cassette vidéo produite par l'Office de la Coopération à l'Ecole de Vendée (300 F + Frais de port) : " C'est à plusieurs qu'on apprend tout seul"
                                                               Coopérer pour apprendre
Film de 27 mn réalisé à l'école L.Buton Aizenay Vendée (Joël Blanchard) qui montre comment s'organisent, au sein de la classe, des réseaux d'apprentissage par les échanges multiformes etn la coopération. (Commandes à adresser à O.C.E de Vendée - Impasse J.Bart 85000 La ROCHE/YON)
Mentionnons encore que nous avons aperçu, au travers des bulletins départementaux, de nombreuses expériences de même nature : l'entraide des grands vers les petits, expériences diverses concernant la lecture, des ateliers d'activités, de la documentation... mais aussi des tâches matérielles. Le volumme de ce dossier ne nous permet pas, et nous le regrettons, de les insérer.
Remarquons aussi qu'on peut se reporter aux autres rubriques de ce numéro de la revue : échanges de savoirs - arbres de la connaissance, concepts qui peuvent aider à mieux saisir ou compléter notre conception de ce paradigme symbiotique que représente l'organisation coopérative en pédagogie Freinet et des perspectives qui s'ouvrent ainsi sur la construction sociale des savoirs.
 
Encart 1 : En maternelle, comptes - rendus oraux des activités
 
Clémence : "J'ai aimé parce qu'on pouvait passer sous un pont avec la moto, les grands avaient mis                une planche."
Marion :     "J'aurais préféré le parcours, ça durait longtemps la peinture."
Carine :      "Moi, j'ai aimé peindre les arbres, j'ai tapoté avec un gros pinceau."
Dorian :      "Adrien faisait Superman, il nous portait."
Camille :     "Avec Alban, on a joué au jeu de la tomate, c'était bien."
Joris :         "Au théâtre, j'étais le loup, Léo le chien, je l'attrapais."
Jonathan :   "Oui, et puis après on a fait un jeu, on était tous les enfants de Jeanne."
 
Encart 2 : Au cours moyen, comptes - rendus écrits des activités en atelier.
 
Encart 3 : En maternelle, préparation de la réunion coopérative : l'aide mémoire des délégués
 
Encart 4 : Au cours moyen, le compte - rendu rédigé et tapé par les enfants
Réunion des délégués du 29 Mars 1996
Classe CM 11h30
Etaient présents : Coralie Debaker, Stéphanie Paraire, Romain Devillers, Vincent Pollin, Marlène Hugon, Nicolas Bouffon, Jonathan Martins, Robin Vergnol, Matthieu Hugon, Jonathan Shoenenberg
Ordre du jour
1) Règlement (respect, cour, salle, horaire)
2) Les lettres (cage à poule, dinosaure...)
3) Les aménagements
1 Rappel du règlement :
Les lieux de jeux : basket sur le terrain de basket, foot sur le mur à balle
Les porteurs dans la descente vers le portail et vers le dinosaure
Respecter la cour de récréation (ne pas cracher, ne pas jeter de papiers, respecter les plantes, ne pas bousculer et ne pas voler le goûter des autres.
Les enfants ne doivent pas arriver à l'école avant 13h20.
Il est interdit d'utiliser les bicyclettes pendant la récréation sauf s'il y a un adulte.
Rappel des règlements de rangement des salles (respecter les affiches)
2 Les lettres à la mairie pour le dinosaure ont été faites et nous avons eu la réponse.
Il faut en refaire une (classe CE2) car le dinosaure n'est pas réparé.
3 Les aménagements
Matthieu Hugon a proposé d'aménager la cour avec un jeu qui aurait une petite cabane, un trapèze, un toboggan, une balançoire, comme celui qui est près du terrain de foot.
Les petits voudraient aussi un parcours pour les petites motos (à faire en atelier avec Erik, Isabelle, Laetitia.
Il faut décorer le préau avec des dessins. Repeindre la cage à poule en arc en ciel.
Il faudrait planter des fleurs dans la cour.
 
Encart 5 : J'ai appris (réflexions des petits)
"A l'ordinateur, j'ai appris à appuyer avec une flêcheet à faire un trou avec la barre" (Nicolas)
"J'ai appris à faire un lapin en pâte à sel mais Yannis était timide, il n'a pas voulu faire un lapin" (Clémence)
"Au foot on a fait les fous, les grands ont dit qu'il fallait s'asseoir sur le banc." (Quentin)
"C'était difficile mais j'ai retrouvé deux képis (Nathan au jeu de société)
 
Encart 6 : On leur a appris (réflexions des grands)
"Dans l'atelier FOOT, on leur apprend les règles du jeu.
Il faut leur montrer les limites du terrain, ne pas toucher le ballon avec la main, tirer dans le bon sens,apprendre une tactique ! " (Thomas)
"Quand on écrit un texte sur l'ordinateur, il faut leur montrer les lettres et comme ça ils les apprennent." (Clémence)
"Pour les bricolages, il faut souvent les aider car ils ne peuvent pas couper, clouer."