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Motivation... Démotivation

Dans :  Formation et recherche › Formation et recherche › connaissance de l'enfant › 
Décembre 1997

"On ne fait point boire le cheval qui n'a pas soif..." (1)

Revenir sur ces concepts de motivation naturelle ou artificielle et de non - motivation nous paraît plus important que jamais. L'actualité montre, en effet, que beaucoup de problèmes concernant les apprentissages généraux et professionnels chez les jeunes adultes en formation qualifiante, chez les adolescents et même chez les enfants à l'école élémentaire, proviennent d'une "résignation apprise" face à des situations de contrainte, de surcharge mentale, d'absences d'objectifs ou de perspectives.
 
 
               
Nous croyons retrouver dans les analyses d'Alain Lieury sur "la motivation intrinsèque" et "la motivation extrinsèque" (3), un parallèle possible avec les réflexions de C. Freinet.
"La motivation "intrinsèque" est liée à la curiosité, à l'intérêt qu'on prend à faire une chose pour elle - même. On l'oppose à la motivation "extrinsèque" qui dépend des récompenses à obtenir ou des punitions à éviter." (3)
"Alain Lieury (2) et son équipe ont élaboré un modèle permettant d'expliquer le comportement de sujets en fonction de l'image qu'ils ont d'eux - mêmes et de la situation dans laquelle ils se trouvent.
Ce modèle est construit autour de deux axes (voir le schéma ci - contre) : un axe horizontal allant de la contrainte à l'autodétermination (sentiment de liberté dans l'action) ; un axe vertical allant d'une "forte compétence perçue" (image de soi dans une activité) à une compétence perçue nulle. En croisant les deux axes on crée quatre pôles." (2)
"... Selon cette approche, une forte motivation serait la résultante de deux besoins humains fondamentaux : la compétence perçue - ou estime de soi - et le sentiment d'autodétermination ou inversement de contrainte, c'est - à - dire de liberté dans l'action. Quand la compétence perçue et le sentiment d'autodétermination sont réunis, l'individu se trouve en motivation intrinsèque. Mais dès que l'un de ces deux facteurs baisse, il se dirige vers la motivation extrinsèque.
La non - motivation est le produit de l'association de l'incompétence perçue et du sentiment de containte. C'est le cas, par exemple, du mauvais élève : d'une part, il se sent nul, d'autre part, il perçoit l'école comme une pure contrainte." (3)
Il nous semble que pour renforcer "la motivation intrinsèque", la pédagogie Freinet apporte une réponse, parmi d'autres, en proposant des activités authentiques qui exaltent le travail vrai, la communication, la coopération, qui développent l'autonomie et redonnent à chacun l'estime de soi. C.Freinet, dans l'extrait ci- dessous (4), précise bien cette satisfaction interne qu'elles apportent naturellement.
"...Certaines activités sont spécifiques au petit d'homme, comme la course après la souris est spécifique au petit chat. Elles sont la satisfaction normale de nos besoins naturels les plus puissants : intelligence, union profonde avec la nature, adaptation aux possibilités physiques ou mentales, sentiment de puissance, de création et de domination, efficacité technique immédiatement sensible, utilité familiale et sociale manifeste, grande amplitude de sensations, peines, fatigues et souffrances incluses. Il ne s'agit pas ici d'une vulgaire joie, d'un superficiel plaisir, mais d'un processus fonctionnel : la satisfaction de ces besoins procure par elle - même la plus salutaire des jouissances, un bien - être, un sentiment de plénitude, au même titre que la satisfaction normale de nos autres besoins fonctionnels. Et cette satisfaction se suffit à elle - même. C'est pourquoi de telles activités sont en même temps des jeux, dont elles ont les caractéristiques générales, et qu'elles détrônent et remplacent le jeu..
... Si nous voulons ressouder puissamment la nature humaine, il nous faut, à cette profondeur, tâcher de réaliser une activité idéale que nous appellerons travail - jeu pour bien montrer qu'elle est les deux à la fois, répondant aux multiples exigences qui nous font d'ordinaire supporter l'un et rechercher l'autre. La chose n'est certainement pas impossible puisqu'elle se réalise spontanément en certains milieux, dans certaines circonstances. A nous de la généraliser et d'en étendre le bénéfice à notre effort scolaire..."(4)
"Toute méthode est regrettable qui prétend faire boire le cheval qui n'a pas soif. Toute méthode est bonne qui ouvre l'appétit de savoir et aiguise le besoin puissant de travail." (1)
                                                                                              Montage réalisé par Janou et Edmond Lèmery
 
(1) C. Freinet - Les dits de Mathieu : Donner soif à l'enfant - Oeuvres pédagogiques - Tome 2 - p.114 - Editions : Seuil.
(2) Jacques Lecomte, rédacteur de la revue Sciences Humaines N° 70 Mars 1997
(3) Alain Lieury* - propos recueillis dans ce numéro de Sciences Humaines par J. Lecomte
(4) C. Freinet - L'éducation du travail - Oeuvres pédagogiques - Tome 1 - p.167 - Editions : Seuil
* Professeur de psychologie, directeur du laboratoire de psychologie expérimentale à Rennes II