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Le Contrat éducatif local, cheval de Troie de la municipalisation

Mai 1999

Complémentaires de la Charte pour bâtir l’école du XXI e siècle, les Contrats éducatifs locaux (CEL) commencent à être mis en oeuvre.Les CEL sont un curieux avatar des directives ministérielles impulsées par Claude Allègre. Contrairement au discours centré désormais autour de : « L’école doit être son propre recours », la circulaire interministérielle concernée (1) donne, en effet, au maire un rôle d’animateur dans l’élaboration du projet au plan local. « Afin de pouvoir mettre en place les collaborations nécessaires sur le territoire retenu, un groupe local de pilotage est formé, composé des partenaires locaux et animé par le ou les maire(s) et des représentants des services déconcentrés (2) ». On peut facilement imaginer comment certaines municipalités, vers Toulon ou Vitrolles par exemple, aimeraient «animer» « la manière dont un enfant met à profit son temps en dehors des heures de classe (3) ». Sans aller jusqu’à des cas aussi extrêmes, il est clair que c’est une occasion de plus pour que chaque école se voie dotée de moyens différents en fonction des possibilités
financières et des choix des élus municipaux.
Une fois de plus, les bonnes intentions affichées par nos ministres qui déclarent : « Les activités proposées aux enfants et aux jeunes visent, en particulier, à compenser les inégalités qui subsistent encore dans l’accès à la culture et aux savoirs et qui se creusent souvent pendant les temps où ils ne sont pris en charge ni par l’école, ni par leur famille (4) » se trouvent en contradiction avec la réalité.Autant de municipalités,autant de quartiers,autant de moyens différents (matériel, financement, personnel) mis à disposition en fonction des projets. Que devient alors la notion de service public ?
Est-ce ainsi qu’on peut réellement « promouvoir la réussite et l’épanouissement des enfants et des jeunes, en particulier des plus défavorisés d’entre eux, et (...) franchir une étape supplémentaire dans la cohérence de l’action publique (5) » ? Il est permis d’en douter !
Heureusement, la solution est, là encore, toute trouvée pour rétablir l’égalité puisque « le ministère de l’Éducation nationale offrira le concours des personnels enseignants volontaires, ainsi que des aides éducateurs employés dans les écoles et les collèges (6) ». Taillables et corvéables à merci, les aides éducateurs seront ainsi une main-d’oeuvre gratuite, offerte par le ministère de l’Éducation nationale aux collectivités locales qui ne demandent évidemment pas mieux.
Bien sûr, « l’aménagement des temps et des activités de l’enfant constitue un enjeu de société important (7) ». Organiser l’ensemble des activités périscolaires et extrascolaires, puisque telle est la vocation des CEL, peut être un moyen d’éducation formidable ouvrant à tous l’accès à différentes formes de cultures. Ce peut être aussi la pire des choses suivant ceux qui en seront chargés. Il ne manque pas d’associations (associations confessionnelles,voire intégristes,mouvements de jeunesse, clubs sportifs) dont les objectifs éducatifs sont aux antipodes des nôtres. Elles ne manqueront pas de saisir l’opportunité offerte.
Le rapprochement entre la circulaire sur les CEL et le texte Lutte contre la violence en milieu scolaire et renforcement des partenariats (8) est instructif.Il conduit à penser que les CEL sont un des instruments destinés à maintenir la paix sociale dans les zones sensibles et en difficultés.
A nous d’être particulièrement vigilants lors de la mise en place de ces projets pour en éviter le dévoiement. A nous de dénoncer l’inadmissible exploitation des aides éducateurs. A nous de lutter pour que,dans le domaine éducatif péri et post scolaire également,soient privilégiées les démarches favorisant la coopération,l’entraide et la solidarité plutôt que l’individualisme, la compétition et la rivalité.
L’éducation ne se limite pas à l’institution scolaire, ses enjeux idéologiques et politiques non plus.

Jean-Marie Fouquer
Président de l’ICEM

(1) Circulaire du 9 juillet 1998.
(2) Circulaire op. cit.
(3) Circulaire op. cit.
(4) Circulaire op. cit.
(5) Circulaire op. cit.
(6) Circulaire op. cit.
(7) Circulaire op. cit.
(8) Lutte contre la violence en milieu scolaire et renforcement des partenariats, BOEN Hors Série, n° 11, 15 octobre 1998.