Raccourci vers le contenu principal de la page
Novembre 2001
Jacques BENS nous a quittés le 26 juillet. Il avait 70 ans.
C’était le gendre de Freinet.
 
C’est par la littérature que je l’avais rencontré dans les années 55-60, à Paris, alors que nous fréquentions tous deux les bancs virtuels d’un tout nouveau collège, bien spécial, le Collège de « Pataphysique », sous l’invocation d’Alfred Jarry. Les publications étranges de cette savante institution excitaient beaucoup notre jeune curiosité.
 
A cette époque, il travaillait dans un petit bureau chez Gallimard : il aidait Raymond Queneau à gérer l’énorme Encyclopédie de La Pléiade, en particulier le volume consacré à la Biologie.
 
C’est par la poésie qu’il se fit connaître, avec Chanson vécue (1958), puis, plus tard, 41 sonnets irrationnels (1962), le Retour au pays (1966), des romans comme Valentin (1958), La Plume et l’ange (1959), Adieu Sidonie (1969). C’était aussi un excellent conteur  (Sept jours de liberté, 1961, Nouvelles des enchanteurs, Nouvelles désenchantées), et un cruciverbiste réputé (dans l’Express, dans Lire). Il est également l’auteur de plusieurs études : sur Queneau (Gallimard, 1962), sur Boris Vian (Bordas, 1976), sur Marcel Pagnol (Seuil, 1989). Il fut le parfait secrétaire de l’OULIPO (Ouvroir de Littérature Potentielle) créé en 1960 à l’initiative de Raymond Queneau. Il fut également secrétaire général de la Société des Gens de lettres.
 
Nos chemins se croisèrent à nouveau, de façon inattendue pour moi, à mon premier congrès de l’Ecole Moderne, à Grenoble, en 1969. Mais, par convention tacite, nous parlions très peu de pédagogie. Il m’a plusieurs fois gentiment assuré qu’il appréciait nos BT2. Je savais qu‘il était loin du mouvement Freinet, mais très attaché à la personne de Freinet et à son œuvre, dont il a préparé, entre autres, une réédition ( Editions du Seuil).
 
Et puis, ces dernières années, ce furent des retrouvailles fortuites dans un petit village du Vaucluse, où il s’était retiré « entre les chênes truffiers et le bon vin ». Je garde un grand souvenir de ces rencontres chaleureuses et animées, où s’exerçaient pleinement son humour et sa générosité.
                                                                                 
                                                           Jacques Brunet
 
-- Parlons clair : tu adoptes quoi comme système ?
Si tu préfères : tu mets quoi dans un poème ?
Ta philosophie ? Mmm ? Ton modus vivendi ?
 
-- Des bruits, des sons, des mots, des pieds, des vers, des phrases.
 
-- Oui, je sais. Mais ce n’est pas ça que je te dis.
Je parle des idées, comment dire ? Du thème,
Du…Ou plutôt, voici : dis-moi ce que tu aimes
Dans les vers honorés, méconnus ou maudits ?
 
-- Les bruits, les sons, les mots. Parfois, une ou deux phrases.
 
Un sourire pincé, un cri, mais pas l’emphase,
Une fleur oubliée, un rire démentiel,
Une chanson, par-ci par-là, qui vient, qui jase,
Quatre regrets, mon cœur, et peut-être Pégase,
Ma jeunesse partie,
            Mer,
Terre,
Soleil,
Ciel.
                                                  41 sonnets irrationnels
                                                 ( Gallimard 1965)