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De la "découverte du monde" à la découverte de la complexité du monde

Novembre 2002

Si on veut parler, même seulement parler, de développement durable, on doit aussitôt s’extraire des logiques de rationalité et d’efficacité qui occultent la compréhension du monde, la réflexion et la projection à long terme.
Même si la connaissance scientifique tire des bénéfices de ces logiques ; même si l’homme profite d’une bonne part de ces progrès,c’est l’Humanité dans sa globalité, dans sa complexité et dans son environnement qui en fait les frais.Pour que nos enfants,ceux qu’on appelle les citoyens de demain, ne deviennent pas les observateurs résignés du temps qui passe, il faut leur permettre de prendre conscience de la complexité des situations plutôt que de raconter l’Histoire comme une suite d’évidences. Enseigner l’Histoire à l’école, c’est initier les enfants à interroger notre situation dans le Monde, notre condition humaine.
Mais notre condition humaine,a-t-elle un futur immuable, un horizon lointain, ou est-elle juste un rêve qui se dérobe ? Ni l’un, ni l’autre, c’est une réalité qui ne doit pas nous échapper ni excéder les ressources de notre réflexion. Les enfants, attentifs au monde qui vient, le sont également à celui qui fût, dans tous ses aspects, même les plus humbles. S’ils ressentent le Monde de demain comme une menace, le monde d’hier est celui sur lequel peuvent s’ancrer les identités et les forces vitales qui leur permettent de mieux appréhender leur propre vie,leur avenir et l’avenir de Monde.
A condition qu’ils soient eux-mêmes présents dans l’Histoire, que l’individu d’hier soit lié à celui d’aujourd’hui par un lien social, affectif, un lien sensible.
Chaque jour que nous passons avec les enfants, nous vérifions que leurs sensations inspirent leurs opinions. Notre monde d’adultes est fait d’arguments et de jugements (parfois extérieurs) et quand par hasard nous déraisonnons, ou quand notre raison devient provocatrice, nous retrouvons confusément ce qu’on a coutume d’appeler notre âme d’enfant, qui est tout simplement le monde des sensations.
L’enfant, ne l’oublions pas, entretient une familiarité certaine avec le doute, nous pouvons y trouver des points d’appui dans le travail de recherche car le doute n’est pas seulement source d’insécurité, mais aussi de questions et de curiosité. Le voyage dans l’Histoire comme la libre création, la divagation poétique, doit s’affranchir des apriori et des réponses uniquement livresques. L’Histoire, telle qu’elle est présentée dans le dossier que nous avons constitué ici, se découvre petit à petit et surprend l’enfant-chercheur, l’invite à aller à contre-sens des idées reçues, à construire un raisonnement propre, à expérimenter des parcours de recherches. Il apprend ainsi à négocier avec l’incertitude de la prochaine découverte,à laisser des voies ouvertes, au risque de se tromper. L’éducation doit prendre en compte ces incertitudes et stimuler la curiosité, la réflexion personnelle, qui sont autant de sécurités dans la construction de la personne que dans la construction des savoirs.
Car tout savoir, tout apprentissage est soumis au risque de l’erreur ou de l’illusion, et c’est en se confrontant à ce risque dans le cadre de son travail que l’enfant peut apprendre à l’identifier et à en faire un paramètre de recherche.
Aller vers l’esprit clair, c’est viser la confusion.
Aller vers la lumière, c’est viser l’obscurité.
Quand le choix est trop simple, c’est qu’on n’a plus le choix.
Quand le Monde perd le Nord, il faut jeter les boussoles.
 

Cat Ouvrard
Coordinatrice du Nouvel Éducateur
Institutrice à l’école ouverte Ange-Guépin
Nantes

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