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Un congrès... et après ?

Septembre 2002

Le 46 e congrès international de l’ICEM-Pédagogie Freinet a donc vécu et bien vécu. Du 19 au 23 août, près de 500 participants, réunis à Talence (33), ont revisité nos « pratiques éducatives pour une école populaire aujourd’hui ». Nous tenons d’abord à remercier vivement le groupe organisateur qui s’est employé depuis plus d’un an à faire de cette nouvelle rencontre une réussite. Le nombre de nouvelles têtes croisées tout au long de cette semaine témoigne de l’intérêt bien actuel suscité par notre pédagogie et du réel dynamisme de notre Mouvement.
A l’heure du bilan et des perspectives, trois grands chantiers se dessinent devant nous.
Tout d’abord creuser le sillon tracé à Talence, en poursuivant avec ténacité la réflexion pratico-théorique sur les grands axes de notre pédagogie. Il nous reste par exemple à approfondir collectivement les pistes prometteuses réouvertes sur le tâtonnement expérimental, dans les champs cognitif et social. Partir de la culture première des enfants, en s’appuyant sur l’expression-création, pour les accompagner pas à pas, en acceptant les détours balisés par une coopération forte et réfléchie jusqu’à la culture, demeure une approche révolutionnaire. L’option centrale de notre pédagogie fondée sur le travail coopératif, créatif, émancipateur doit d’autant plus être réaffirmée que se profile une véritable révolution conservatrice dans le champ scolaire.
Ce premier chantier en entraîne un second. Il nécessite un renforcement de la dynamique coopérative au sein du Mouvement,à l’échelle internationale.Il demande la mobilisation et l’implication de chacun(e) des pédagogues Freinet, à son niveau et selon ses moyens. Notre arbre de connaissances a pris racine à Talence. Support à la mutualisation de nos ressources et compétences, il peut rendre visible la
richesse évolutive et complexe du Mouvement Freinet.
Ce congrès a confirmé par ailleurs le besoin de rencontres d’envergure, en parallèle avec le travail constitutif et régulier de nos groupes départementaux. Pour que la marmite coopérative bouillonne pleinement, une nouvelle périodicité de nos rencontres nationales est peut-être à envisager. Fait nouveau et stimulant, trois groupes sont d’ores et déjà sur les rangs pour l’organisation du prochain
congrès.
Enfin, et ce n’est pas le moindre de nos chantiers, un débat s’avère nécessaire sur le positionnement de notre association. Ce débat devra prendre en compte les évolutions sociales et politiques qui pèsent lourdement sur l’école.
Quelles sont les implications de la sociologie émergente au sein de notre Mouvement dans le rapport aux enfants, et notamment aux publics distants culturellement de l’école, mais aussi dans les rapports au savoir et au travail militant ?
Ce congrès nous a rappelé à plusieurs reprises notre héritage historique et politique. Le pédagogisme est un leurre qui nous guette toujours. Devons-nous limiter nos ambitions à la seule sphère scolaire ou faire en sorte que nos pratiques, sans cesse retravaillées, diffusent dans le champ social ? Notre action politique peut-elle, doit-elle rester cantonnée aux murs de la classe ? Mais alors quelles
alliances nous faut-il nouer ? Quel type d’engagement militant sur le terrain ?
Plus globalement, nous ne pouvons faire abstraction des menaces que l’économie libérale fait peser sur l’école. Ne nous faut-il pas anticiper sur les effets de décisions macropolitiques afin de ne pas nous retrouver, à notre corps défendant, cautions d’un système que nous récusons ?
En attendant, forts des apports de ce congrès, travaillons de suite à concrétiser sur le terrain l’école populaire d’aujourd’hui.
Pierrick Descottes
Conseil d’animation de l’ICEM