CréAtions N° 111 – L'atelier de peinture

Avril 2004

 


CréAtions N° 111 - L'atelier de peinture

mars/avril 2004

Ont participé à l'élaboration de ce numéro: Nicole BIZIEAU ; Simone CIXOUS ; Ingrid DUFOUR ;  Yolande DUPUY ; Agnès JOYEUX ; Danielle MALTRET ; Hervé NUNEZ ; Jeannette ROUDIER ; Catherine TRICOCHE.

Photographies: Nicole BIZIEAU ; Michel CARLIN ; marinette CUECO ; Maria DESMEE ; Ingrid DUFOUR ; François FABRIZI ; Luc FAVRE ; Agnès JOYEUX ; Danielle MALTRET ;Corinne MARLOT ; Hervé NUNEZ.

 

 Sommaire
Titre et chapeau
Niveau classe
thème
Techniques utilisées
artiste
 
 

 Edito        

La petite peinture
- La petite peinture
- Collection de collections

Collège:
tous niveaux

Après la visite de l'exposition de Cueco

collage

Henri Cueco


Auprès de mon arbre Elémentaire: CP-CE1 Croquer les arbres du parc du regard et du crayon. peinture, écriture  


La quête de l'innommé

 artiste Corps à corps avec la toile - Capter l'insaisissable -   Maria Desmée

Couleur  Elémentaire Explorer les couleurs peinture  

Carte blanche  Elémentaire - CE1 à l'Ecole publique de Saint-Août peinture  


Autour de Poliakoff Maternelle-CP Sensibilisation à la peinture abstraite peinture S. Poliakoff


Le carnet de bord de Marie Elève de Terminale littéraire Théâtre   théâtre, écriture Gislaine Drahy


Peindre au quotidien Artiste  Point de vue   Michel Carlin, peintre

Atelier de peinture libre et classe coopérative: expression d'une synergie

Primaire:

GS/CP

Illustration de la pratique coopérative dans le cadre d'un atelier de peinture libre. peinture

 

Bibliographie

     


 

Edito

Avril 2004

 


 

CréAtions 111-  L'atelier de peinture - publié en mars-avril 2004
Edito 

Edito: Accéder au savoir laïque

Alors que l’activité artistique est inexistante dans la plupart des lycées, livrée de manière implicite à l’appréciation des enseignants du primaire (l’enseignant se sent concerné ou pas), voici qu’à partir de la rentrée prochaine elle s’éparpille en spécialités mises en concurrence en 3e de collège !

Or, à l’heure où de nombreuses pratiques artistiques s’éloignent des chapelles, de l’académisme et de la technicité pour fréquenter les territoires du métissage et/ou des pratiques globalisantes, on peut s’interroger sur les conséquences d’une telle volonté. N’aura-t-elle pas pour effet d’émietter encore plus la portée de cet enseignement, de l’envisager comme un simple sas de décompression, un divertissement destiné à mieux faire accepter les savoirs dits scolaires, ceux qui sont souvent perçus comme rébarbatifs, ceux dont il est trop admis aussi que l’apprentissage ne peut pas évoluer.

Mais “ Pas d’enseignants spécialisés en cirque, en bruitage, en théâtre, en cinéma… Qui viendra assurer ces heures ? ” s'interroge le collectif des enseignements artistiques. Des intervenants extérieurs, des animateurs choisis par les pouvoirs locaux, chefs d’établissement,etc. pour la plupart pas formés à l'enseignement de ces disciplines.

Et le collectif de rajouter : “ Qui opèrera ces choix ? Les élèves auront-ils réellement la possibilité de choisir et sur quels critères ? ”. Comment peut-on penser former à la liberté de penser, à la liberté de conscience, à l’esprit critique, bases de laïcité, en émiettant les domaines dans lesquels s’exercent et se confrontent les formes d’expression ?

Ne voit-on pas qu'il s'agit d'augmenter la part structurelle de travailleurs précaires dans l'éducation ? Ne voit-on pas, aussi, qu'il s'agit, d'externaliser une partie des enseignements ? Comment ne pas mettre en relation ces projets avec la préoccupation du gouvernement d'introduire la bivalence mais seulement à des fins d'économie, hors toute préoccupation éducative et d'exigence scientifique, bivalence qui permettrait de combler les horaires des enseignants en sous service dans leur discipline de base, voire, argument démagogique, de leur permettre de “ faire passer leur passion ” ?. Ne voit-on pas, enfin qu'il s'agit de diviser les personnels en multipliant les statuts afin de mieux affaiblir le système public laïque d'éducation ?

Les décideurs ne veulent pas du partage du savoir ni celui de la connaissance. Au contraire, ce sont les valeurs de compétitivité et de technicité que la République a préféré développer dans l'éducation. Comment s'étonner, dès lors, de ce qui se passe sur le versant de la laïcité réduite à une loi sur le voile islamique ? Qu’a t-on fait, toutes ces années, pour promouvoir les pratiques pédagogiques et les contenus d’un projet politique et philosophique émancipateur auquel notre jeunesse a droit pour lutter contre les endoctrinements, l’obscurantisme ?

En même temps que l’accentuation des disparités entre les établissements et entre les élèves que ces offres vont entraîner (on ne fera pas de tout partout), on continue à asséner des injonctions du genre “ l’école doit apprendre à lire, écrire et compter ”, injonctions dictées depuis le XIXe siècle, sans donner leur place à des savoirs importants aujourd’hui comme l’analyse des images, ces images dont on se plaît, avec fatalisme, à remarquer l’influence “néfaste”...

On note jusqu’à présent quelques réactions timides dans les syndicats hormis la montée au créneau, isolée, de collectifs d'enseignants spécialisés. Or l'enjeu n'est pas corporatiste et disciplinaire ! L'enjeu concerne la place de la création à l'école et dépasse, donc, la question de l'enseignement des arts. C'est une conception de l'éducation, de ses finalités, sur lesquelles il s'agit de se battre.

Corinne Marlot dans l’article “ l’atelier de peinture libre ” parle de l’atelier comme celui où s’opère la dynamique de diffusion d’idées, de connaissances et de savoirs dans la classe.

Danielle Maltret insiste sur le va-et-vient entre la pratique, l’échange et le questionnement garants de l’enrichissement de la production.

Pour Laurine Rousse , l’apprentissage du “ regard singulier ”, s’il passe par “ peindre à la manière de Poliakoff ”, n’a pas pour but l’uniformisation, l’imitation ou le ludique, mais la construction d’outils d’appropriation utilisables dans “ l’atelier d’expression libre ”.

Par ses fonctions opératoires “ représentation, transformation, association, isolation ” et par son “ faire ”, la pratique artistique est pratique de la critique, bien loin de la tradition scolaire d’accumulation et d’aveuglement, ce qui explique peut-être le peu de place que Jules Ferry lui a faite. Conçue comme pratique de la création elle est un des principes de rupture majeur de l’école nouvelle, son apprentissage consistant à prendre garde de ne pas figer l’objet d’expérimentation pour en préserver la qualité de transmutation, attitude caractéristique du tâtonnement expérimental.

Ainsi, la peinture est “ la quête de l’innommé ” et l’atelier de peinture le lieu de cette alchimie laïque où se questionne le monde et se construit le savoir. Se forgent ainsi des attitudes d'apprentissage où se lovent toutes ces promesses de l’expérimentation et de la recherche qui font les êtres libres.

CréAtions


    sommaire n° 111 - L'atelier de peinture  

                             

 


 

Collection de collections

Avril 2004

 


 

CréAtions 111- L'atelier de peinture - publié en mars-avril 2004

Collection de collections par le Collège K.Thoueilles, Monsempron Libos (Lot et Garonne) – Tous élèves – Enseignant : Hervé Nuňez

 

La petite peinture

- La petite peinture d'Henri Cueco

- Collection de collections

 

  
              lacets                                    visages                                     chevilles                           animaux mythologiques

lèvres 

onomatopées

bouteilles usagées

A l’exposition d’été du Château Prieural de Monsempron Libos, il y avait cette année là, des meutes, des foules, des bandes, des manifestations, des rangées, des murs… C’étaient des gymnastes, des baigneurs, des chiens, des briques, des pavés, des grillages, des vaches, des gens, des colonnes, des flèches (signes), des plis, etc. On peut dire qu’il y avait en nombre la même chose. C’est du moins ce que l’on croyait !
Car Cueco a le goût de l’inventaire, de la série, de l’exploration, de l’exploitation, de la déclinaison. Mais cette obsession qui semble annoncer indifférenciation et monotonie n’est qu’apparente, elle cache le militantisme résolu d’un “ vieux ” Corrézien qui refuse toujours l’uniformisation.
En regardant mieux les gymnastes, les baigneurs ou les chiens, on se rend compte en fait qu’aucun n’est semblable, que dans la manifestation tous les gens sont différents. Seul Marx dort sur un lit de pavés presque identiques, presque…
Ce refus est porté encore plus loin dans d’autres séries d’objets qui ne sont pas présentées dans l’expo. mais que l’on consultera à loisir dans la documentation de la classe. Ce sont des objets encore moins identifiables individuellement pour le quidam, tels que les élastiques, les bouts de ficelle, les morceaux de craie, les crayons usées, auxquels Cueco se plaît à rendre hommage. Cueco ne dit-il pas en substance des “ pommes de terre ”, qu’elles sont les seules à ne pas vouloir faire leur place en imposant leur forme à leur environnement ?
Après la visite, les élèves n’ont pas voulu imiter Cueco dans sa manière de peindre, ils ont eux aussi voulu faire des inventaires, leurs “ collections ” à eux avec un clin d’œil encore à Cueco qui va encore plus loin en collectionnant volontiers les collections des autres.
 

 

 mains

 

 costumes maghrébins

 

 sucettes


 codes barres

mèches de cheveux

 sucettes

 calligrammes

 

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Collage
Henri Cueco

 

Auprès de mon arbre

Avril 2004

 


 

CréAtions 111-  L'atelier de peinture - publié en mars-avril 2004

École Le Verger de Palluau (Vendée), Classe CP-CE1, Enseignante : Ingrid DUFOUR

 

 

Auprès de mon arbre

 

Un bel après-midi d’été dans le parc communal…
Frênes, érables, sorbiers resplendissent…
A leurs pieds, les enfants les regardent, les touchent, les sentent.
Ils les croquent du regard. et… du crayon.
Ils croquent leur silhouette.

 

… je peignais heureux

De retour en classe, pinceaux et peintures sont à la fête !
Les productions se ressemblent : un tronc marron couronné d’un arrondi vert!
Plusieurs enfants se découragent :
C’est trop dur de peindre un arbre. Avec le pinceau, j’y arrive pas.

 

Explorer la gestuelle

Avant d’envisager de nouvelles productions, je propose aux enfants une activité de recherche dans le but d’explorer diverses gestuelles possibles avec le pinceau.

Matériel : 3 pinceaux identiques, 3 couleurs choisies par l’enfant, une feuille Canson.

Consigne : Vous avez un pinceau par couleur et vous devez réaliser un seul geste par couleur. A partir de ces consignes, vous êtes libres de faire ce que vous voulez.

Les enfants essayent, se lancent.
Nous accrochons ensuite les résultats de leur recherche ; puis chacun explique sa démarche.

Avec le bleu, j’ai fait des ponts, puis j’ai pris le vert et j’ai fait des petits traits ; et avec le orange des grands traits penchés.


Geste et trace

 

Ils font l’inventaire des gestes en regard des traces qu’ils ont découvertes :
On peut faire des petits points, des gros points ; des traits : des longs, des courts, des gros, des fins… On peut faire des vagues, des virgules, des ponts …
Ce travail terminé, un enfant remarque : Il y en a, ils ont mélangé les couleurs. Il y en a, ça ne se touche pas.
Ils ont alors trié leurs productions selon les critères de juxtaposition et de superposition. Ils ont réalisé des séries.
Cette activité a permis à chaque élève de prendre la parole devant le groupe classe et de rendre compte d’une démarche personnelle, mais aussi de prendre conscience qu’une trace laissée est liée au geste effectué. Ce fut l’occasion pour quelques enfants inhibés de s’exprimer devant un grand groupe sans angoisse.

 

Susciter l’imaginaire

Suite au travail de tri des productions, un enfant intervient :
C’est drôle ! Cette peinture, on dirait la tempête.
La séance suivante, les élèves ont observé leur production à travers ce nouveau regard.
Y a-t-il une peinture qui te fait penser à quelque chose ? Que vois-tu ou qu’imagines-tu dans ta tête ?

Je vois de l’herbe écrasée.
Je vois un feu d’artifices.
Je vois une tempête de neige.
Je vois des vagues avec de la boue qui vole.
Je vois des voitures dans un parking
.

Valoriser les recherches

Dans un premier temps, les productions sont accrochées en l’état pour les laisser sous leur regard.

Puis, je propose aux enfants de promener une fenêtre sur leur recherche – le même format pour tous.
Ils sélectionnent la partie qui leur plaît le plus, la découpent et la collent sur un fond beige. Certains la positionnent au centre de la surface, d’autres la placent de travers en dehors de l’espace.

  

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Peinture
Ecriture

 

La quête de l'innommé

Avril 2004

 


CréAtions 111 - La quête de l''innommé - publié en mars-avril 2004

Maria Desmée, peintre - Simone Cixous pour CréAtions

 

 

La quête de l'innommé

Dans la Somme, un novembre noyé de pluie, paysage de terre grasse et sombre où le temps s’emploie à masquer, recouvrir les traces de la violence sourde des guerres. Nous avons rendez-vous avec Maria Desmée, peintre : comme un révélateur et en contre point à cette violence, œuvre de mort, les toiles que Maria nous présente explosent d’une autre violence, combats, force de vie, jaillissements, flux, éclats, naissances, rouge triomphant aux bords de gouffres noirs, une aventure du regard dans la matière couleur en œuvre, qui nous jette hors des limites de la toile, hors de nos propres limites.


Corps à corps avec la toile

“ Dans son geste, son coup de pinceau, dans son attaque comme on dit d’un interprète, un feu semble vouloir donner sa chaleur, son élan, et même son insatiable appétit. Les toiles débordent, se veulent en expansion permanente, en extension acrobatique sur le vide. Elles s’entendent à prendre de l’espace la part sans fond, la nuit sans attaches, la course en avant – c'est-à-dire vers vous et qui vous saute au visage – de la lumière et du souffle d’une explosion ”.

Á ce regard du poète Werner Lambersy, peut être associé celui d’un autre poète, Gilbert Desmée :

“ La peinture de Maria Desmée est non figurative, mais loin d’une abstraction, elle nous parle de feu, d’air, de roche, de faille, de fusion, d’arrachement, de pénétration, de rencontre, d’émotion, de sentiments, d’infimes moments de vie et, tout naturellement, de l’être dans ce qu’il a de pénétrant, de sa faiblesse, de sa grandeur, de ses incohérences, de ses désirs et de ses jouissances ”.


Capter l’insaisissable


Maria écrit de sa peinture qu’elle est quête de l’innommé :

“ J’essaie de donner du souffle, de capter l’insaisissable, l’invisible, le fugitif ; cette parcelle d’étincelles qui donne une couleur forte à nos sentiments. Ma peinture s’attache à ce que l’être porte de plus profond en lui. Elle déborde du cadre strict du carré ou du rectangle de la toile au même titre que l’émotion déborde du corps.
Entre la matière et l’humain, il y a un corps à corps qui tantôt fusionne, tantôt se sépare, une force essentielle qui délimite et élargit l’espace, qui reflète le paysage intérieur dans ses émotions fortes. La matière est granuleuse comme des points d’encrage dans la mémoire, tactile et éphémère à la fois. La peinture essaie de mettre en espace soit des fragments d’intensité corporelle, émotionnelle, soit de larges traversées de mouvements vifs qui sont en rapport avec l’univers, et, traitées dans une gestuelle qui se prolonge au-delà des limites formelles, dans l’infini.
L’attachement que je porte à la gravure et au travail avec les poètes, vient du fait que la poésie me semble le mieux répondre au monde par son fondement métaphorique. Je fabrique des images lorsque mon imaginaire croise la force de l’imagination de l’autre qui se projette en moi. Le champ sémantique est un champ coloré de forces intérieures, il rejoint le champ de ma peinture dans des visions complémentaires, car le poète peint aussi mais avec des mots.
Habiller l’espace d’une vibration intense, dans un soulèvement d’images ponctuées d’un phrasé poétique, me semble répondre à un certain nombre d’interrogations qui traverseront toujours l’humanité comme elles le font depuis l’antiquité pour essayer d’élucider une part de mystère ”.

 

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Maria Desmée

 

Couleur

Avril 2004

 


 

CréAtions 111-  L'atelier de peinture - publié en mars-avril 2004

Ateliers décloisonnés, Ecole Célestin Freinet, Hérouville-Saint-Clair (Calvados) - Enseignante: Danielle Maltret

 

C o u l e u r

 

A l’école Freinet, il y a des ateliers décloisonnés le mardi après midi : durée 1 h 20, par cycle de trois séances. Cet atelier Couleur dure deux cycles contigus, pour que les enfants aient du temps pour explorer les couleurs.
Comme les enfants apprennent à lire des histoires de mots, je leur propose de lire des histoires de couleurs
.

 

Part du maître

Une installation matérielle de base

Des reproductions de peintures sont affichées tout autour de la salle, des bâches au sol, une palette de trois couleurs primaires pour deux élèves, un pot d’eau propre, des chiffons à disposition de chacun et une feuille en papier à grain épais pour pouvoir, par endroit, laver, essuyer, effacer, gratter éventuellement.

 

 

L’échange institutionnalisé

La première séance commence par une lecture “ libre ” et silencieuse des posters installés sur les murs. Suit un moment d’échanges sur ce que les enfants ont vu. Leurs remarques me permettent d’orienter leurs explorations. On peut repérer le rouge propre à chaque peintre, comparer l’usage d’un même bleu pour deux peintres distincts. Nous sommes naturellement appelés à parler de : profondeur, arrière-plan, mouvement, bruit, chaleur, humidité, vent, musique, courbes, lignes, espace, calme, douceur, silence, violence, bonheur…
C’est intéressant de discuter quand deux élèves n’éprouvent pas le même sentiment pour un même tableau. La difficulté, dans les échanges, est de trouver les mots outils qui font images pour les élèves.
Au fur et à mesure des séances, ces moments d’échanges s’enrichissent. Les remarques sur l’écriture comparée des tableaux conduisent les enfants à évoquer leurs sentiments, leurs sensations nées de la touche du peintre, de la forme, de la disposition des couleurs.


    Accéder à la diversité de la couleur

Je remplis d’eau à demi une petite carafe transparente et je la présente à contre-jour aux élèves. La partie en eau semble amplifier la lumière du jour qui traverse la carafe.
Donc l’eau donne une impression de lumière intrinsèque.

Ensuite, je verse quelques gouttes de lait dans la carafe, le liquide blanchâtre est imperméable à la lumière.

Retour aux couleurs. Je remplis d’eau des petites bouteilles transparentes, une jaune, une bleue, une rouge.

En superposant les couleurs de ces fioles deux par deux, devant la fenêtre, on obtient les couleurs secondaires et suivant l’ordre de superposition du bleu et du jaune on peut obtenir un vert plus ou moins jaune…
Quand les flacons sont juxtaposés, la couleur de l’un se reflète sur l’autre et réciproquement, de même, les bords du flacon jaune encadré du rouge et du bleu ne sont pas de la même couleur.

 

Exécuter des gestes

Je souhaite que les enfants osent prendre possession de la grande feuille à dessin avec des taches généreuses et qu’ils s’étonnent du résultat de leurs mélanges de couleur et de leur travail. Pour les inviter à tâtonner pleinement, je m’exécute : j’enroule une bandelette de tissus autour de mon index en guise de pinceau, je prends de l’eau, de la couleur sur la palette et je travaille en racontant ce que je fais : je pose ; je superpose ; je lave ; j’essuie ; je repose de la couleur ; je peux même racler ; j’équilibre les taches de couleurs sur la feuille.


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 Tâtonnement des enfants

Travail de Timothée et conclusion

Explorer les couleurs
Peinture

 

Carte blanche

Avril 2004

 

 

CréAtions 111-  L'atelier de peinture - publié en mars-avril 2004
à la classe de  CE1 de l'Ecole publique primaire de Saint-Août (Indre) - Enseignant: Luc Favre

   

   

 

La Méduse

Méduses, malheureuses têtes
Aux chevelures violettes
Vous vous plaisez dans les tempêtes,
Et je m’y plais comme vous faites.

Guillaume Apollinaire (1880-1918)
 

 La vague

Pour se faufiler
Dans l’étroit canal
Qui menait au port avant les bassins,

Elles se pressaient, tes vagues,
Lors de la marée,
Elles se bousculaient.

Elles avaient besoin
Que l’interminable
Soit fini pour elles.

Eugène Guillevic (1907-1997)

L'étoile de mer

L'étoile
quand on la rejette à la mer
disparaît en dansant
c'est un petit rat de l'Opéra
Toujours une tête
deux jambes
deux bras.

Jacques Prévert (1900-1977)
Fatras, Ed. Gallimard.

 

 

La mer s’est retirée

La mer s’est retirée,
Qui la ramènera ?
La mer s’est démontée,
Qui la remontera ?
La mer est emportée,
Qui la rapportera ?
La mer est déchaînée,
Qui la rattachera ?
Un enfant qui joue sur la plage
Avec un collier de coquillages
.

Jacques Charpentreau

 

 

Le pélican

Le capitaine Jonathan,
Étant âgé de dix-huit ans,
Capture un jour un pélican
Dans une île d’Extrême-Orient.

Le pélican de Jonathan,
Au matin, pond un œuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.

Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un œuf tout blanc
D’où sort, inévitablement
Un autre qui en fait autant.

Cela peut durer pendant très longtemps
Si l’on ne fait pas d’omelette avant.

Robert Desnos (1900-1945)
Chantefables et Chantefleurs


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Peinture

 

Autour de Poliakoff

Avril 2004

 


 

CréAtions 111-  L'atelier de peinture - publié en mars-avril 2004

Classe Maternelle-CP, Ecole de Moulins-Cherier (Loire) - Enseignante: Laurine Rousse. Avec la participation de Nicole Bizieau.

 

 

Autour de Poliakoff

 

Sensibilisation à la peinture abstraite

 

Beaucoup de gens disent que dans la peinture abstraite il n’y a rien. Quant à moi, je sais que si ma vie était trois fois plus longue, elle n’aurait pas suffi à dire tout ce que je vois .
S. Poliakoff.

 

Comment aborder l’art abstrait et sensibiliser aux compositions, aux lignes, aux formes, aux couleurs en se débarrassant du figuratif, où l’objet prend souvent le dessus et parasite la sensibilité artistique ?
Ce témoignages de pratiques offre quelques propositions.
On rencontre d’autres approches artistiques de cette classe dans Créations 104 de décembre 2002 : « Ouvrir des fenêtres sur ».
En effet, les enfants de cette petite école rurale vont chaque année au musée qui fait partie de leur environnement culturel.

 

 

Un premier contact

Avec les enfants nous allons découvrir l’exposition consacrée à Serge Poliakoff au musée des Beaux Arts de Roanne.
Ce sont des œuvres qui « parlent » bien aux enfants ; elles communiquent avec eux par le sensible.

 

Avant la visite au musée

Découverte et lecture de l’affiche de l’exposition par les enfants. Il s’agit de lire toutes les informations : l’image et le texte.

Commençons par l’image pour laquelle je propose une démarche, «le cache puzzle», qui est une technique de découverte active pour déclencher l’expression, les diverses investigations. Une feuille unie recouvre l’image ; elle est découpée en plusieurs secteurs judicieusement choisis et juxtaposés pour tout cacher.
Un enfant volontaire vient soulever un élément, il découvre un secteur de l’image et s’exprime sur ce qu’il voit puis les autres s’expriment à leur tour. Plusieurs idées se confrontent.
Un deuxième enfant vient découvrir une autre partie de son choix et s’exprime à son tour sur l’ensemble ainsi découvert …et ainsi de suite. Ils argumentent le renfort, la révision ou le réajustement des idées émises précédemment selon la découverte et les sensibilités des uns et des autres. Les enfants sont amenés à exprimer leurs investigations*, anticipations et à défendre ou abandonner leur point de vue.

Petit à petit, de proposition en proposition, on découvre le tout. Les enfants interrogent l’œuvre progressivement et dégagent du sens.

Ce qu’ils en ont retenu : il y a de la couleur et des formes. Que signifie ce document ? L’image reproduit une œuvre d’artiste.
Les repères de forme permettent aux enfants de dire qu’il s’agit d’une affiche. Le mot Roanne (la ville la plus proche) est reconnu. « C’est une affiche pour aller au Musée ».

Après lecture de toutes les informations on ira donc au Musée en visiteur averti et sensibilisé. On est en projet.


Une heure au Musée.

 

Dans un premier temps, on fait une visite globale de l’expo, c’est la découverte libre par tous les enfants. On regarde et certains commentent et se questionnent.

Dans un deuxième temps, chacun dispose d’une feuille et de feutres ou craies grasses (au choix) pour s’approprier et fixer une œuvre choisie. Au cours de ce travail, la verbalisation spontanée des remarques s’organise plus ou moins individuellement avec la maîtresse ou en petits groupes.

Ces images fixées vont permettre d’avoir un support concret, une expérience de l’exposition, rapportée en classe pour prolonger le travail. Ici, les enfants qui ne disposent pas du langage écrit, utilisent une trace qui exprime et sera lue : le croquis mémoire. Un langage qui prend toute sa place parmi les autres.

 

 

L’art abstrait.
(Petite encyclopédie de l’art p. 164)

Né au début du xxème siècle, l’art abstrait s’oppose, par définition, à l’art figuratif qui régnait jusqu’alors. Les arts plastiques se devaient d’être représentatifs, d’imiter la nature. Il était inconcevable qu’un peintre ou un sculpteur s’aventure à créer une œuvre dont on ne puisse, au premier regard, reconnaître le sujet.
N’oublions pas que la photographie, depuis le siècle précédent, permettait d’obtenir des images parfaitement conformes à la réalité. Mais jamais l’abandon total du sujet n’avait été tenté.
L’abstraction se livre à quantité d’expériences créatives, prouvant en cela la richesse infinie des possibilités.
Kandinsky, Mondrian, Delaunay, Malevitch en sont les 1ers acteurs.

  

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Peinture
S. Poliakoff

 

Une pratique un outil: le carnet de bord - boîtes à sourires, boîtes à soupir

 

 Stage avec Gislaine Drahy

Le matin fut le temps de la discussion : ‘’débat de chaleur intime’’ très appréciée par tout notre groupe. Gislaine nous parle de sa compagnie et de sa vision du théâtre. Pour elle, l’art se différencie de la culture. N’importe qui peut y avoir accès, c’est pourquoi il s’emploie à toucher un public multiple. Petits, grands, intellectuels, incultes : Gislaine n’en a que faire, tout être humain a accès à l’art, sous n’importe quelle forme, en l’occurrence ici le théâtre. Tout son travail consiste à mettre en scène des textes (connus ou non peu importe, Gislaine fonctionne à l’émotion) et dans certains cas, à faire participer le public. Elle aime travailler avec des apprentis comédiens, sans expérience ni talent reconnu. Pleine de joie et de sagesse, elle me fait comprendre à quel point le sentiment d’être sur le bon chemin est important.

 

 

 

Elle nous pose en retour une première question :
C’est quoi pour vous le théâtre ?
Pour moi le théâtre c’est la vie cachée derrière un masque, on la relate sans cesse en la maquillant d’imaginaire et de rêves. J’ai particulièrement aimé la réponse de D : « Pour moi c’est un confessionnal de vérité et de sincérité ; sans ça cela gâcherait tout. »
C’était vrai, paradoxalement.

Une deuxième question :
Qu’aimerait-on voir au théâtre ?
Je réfléchis longtemps et déclare que j’apprécierais particulièrement de voir la mort représentée, sans peine, comme une fin obligée et normale, rendre sa beauté à la tristesse et à la souffrance de ce moment…
E. nous fait franchement rire en répondant qu’elle aimerait tout y voir représenté.


Et encore une question :
Quelle pièce a-t-on appréciée ?

Pour ma part c’est ‘’Noces de sang’’ De Garcia Lorca montée par Omar Porral et sa compagnie du Teatro Malendro. C’est festif, explosif, énergique et remuant, tonitruant à l’extrême. Je sors de là époustouflée.
Gislaine nous laisse sur la scène certains textes travaillés, aimés, lus.

L’après-midi continue par un questionnement sur nos émotions individuelles. Elle nous demande s’il y a quelque chose dans notre ville qui nous a touché, ému.
Il y a une semaine, en me baladant dans la vielle ville, j’ai vu un sans logis fou. Il s’était créé un monde imaginaire autour de lui, s’inventant des rencontres, les laissant passer, leur cédant le passage, leur parlant. Une personne vraie passe, ils se bousculent fortement. J’en suis toute gaie voyant ce fou créé un monde de rêve sans s’accrocher, s’amarrer au réel, comme fuyant ce monde là qui ne voulait pas de lui.
« Et dans l’actualité du moment, il y a quelque chose qui vous touche ? »
Le soir précédent, au milieu d’un conflit planétaire, d’une chute économique et du discours d‘un quelconque politicien un sujet magnifique et redonnant confiance apparaît. C’est l’histoire d’une petite fille sourde-muette et dont le village a appris le langage des signes car comme le dit un garçon « On ne pouvait même pas lui dire bonjour. »
Une image d’espoir dans ce monde cruel.

 

Nous avons alors commencé la pratique. Elle nous donne à chacun un texte : Nous commençons d’abord par lire une phrase à tour de rôle, à la mémoriser, puis M. commence. Face à nous et tout en reculant, elle doit nous lire le texte. Plus elle s’éloigne et plus elle doit hausser la voix. Ce travail consiste à évaluer la distance à travers notre propre voix. Puis nous laissons de côté le texte pour mieux nous attacher au corps. Avec D. Je commence l’échauffement : il s’agit de réveiller notre corps en le massant de bas en haut. Face à face (de dix à quinze mettre de distance) nous marchons l’une vers l’autre. Arrivées à la même hauteur, sans prévenir, l’une d’entre nous s’effondre, l’autre l’accompagnant alors dans sa chute.
Gislaine trouve notre travail : « magnifique, empli d’une rare grâce », je m’en souviens bien ! Etonnées, nous recommençons à sa demande, même approbation.
Deux corps se rapprochent, attirés l’un vers l’autre dans un même désir. Soudain, c’est la chute, l’un d’eux ne veut plus vivre : amicalement l’autre l’aide à mourir à disparaître. C’est un passage chaleureux ; les corps se détendent, fondent ensemble, deviennent presque liquides. Instant émouvant...
Ensuite nous lisons « Le prologue ».
Chacun choisit un morceau qui lui plaît, qui lui convient, qui le touche, puis nous nous déplaçons dans l’espace, avec notre bout de phrase en tête. A un moment voulu, on le dit, on le déverse à l’autre. J’ai choisi la phrase : « Je sais cette histoire là par cœur.  Je la savais avant de te connaître », que je dis murmurée, susurrée, criée, hurlée, joyeuse, triste, amorphe, émue, déçue, rageuse… Puis, seule devant tout le monde, je devais la crier désespérée. Gislaine nous montre comment donner plus de force à notre volonté. Deux personnes me tirent vers le fond et moi, me débattant, je hurle ma phrase, passionnée : surprise générale, le ton était juste, vrai, sincère. Pour conclure cette brève journée, Gislaine nous interroge : ça va ou non ? Tout le monde répond affirmativement. Nous sommes enchantés. J’ai apprécié la relation de cet apprentissage entre le corps et l a voix, relation intense, crée aujourd’hui. Je me sentais bien, tellement moi-même. Gislaine était sincère et vraie.
Je reviendrai, juste pour terminer, sur la question posée au matin de ce stage.
Nous sommes toujours ensemble, mais pour combien de temps encore ?
( rouge dans le texte d’origine)
Question fondamentale ;

Tout simplement merci.


 
Travail personnel : reportage du festival d’Aurillac

On entend des bruits, « les Animanimalis » arrivent. D’étonnantes créatures colorées déploient leurs membres articulés au milieu et au dessus du public. Elles sont conduites par deux drôles de zigotos qui éparpillent confetti et bonnes humeur en interprétant avec truculence et facétie, chansons,histoires et sornettes sur les animaux.
C’est une tour de plan carré. Sur ses quatre cotés, elle se dévoile avec grande élégance et laisse apparaître ses habitants dans leur vie quotidienne et fantastique.

Combat « futuresque » où s’affrontent deux échassiers de lumière.

Zigomart fait des siennes. Il essaye de terroriser tout le monde, tel un diable capricieux. En réalité, il procure étonnement et joie.

 

Un ballon vogue d’une main à une épaule, une rose apparaît ; notre clown est triste, il a perdu le soleil. On comprendra vite que c’est la femme qu’il aime.

Les échappés des oubliettes ?
Une troupe réunissant cirque et percussions. Vêtus de hardes, la dent pourrie et l’œil coquin, ces gueux mal dégrossis évoluent dans un monde qui n’appartient qu’à eux, entre Moyen-âge et vingt et unième siècle.

Marie Savitri Go

 

  

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Théâtre
Ecriture
Gislaine Drahy

 

Peindre au quotidien

Avril 2004

 


CréAtions 111 - L'atelier de peinture - publié en mars-avril 2004

Point de vue de Michel Carlin

 

Point de vue de Michel Carlin

 

J'affirme que l'on ne peint pas de la même manière si la veille on a lu les différents textes du Picasso érotique ou le Paul Cézanne d'Eugenio d'Ors, à moins d'avoir regardé un match de boxe à la télévision ou bien visionné une cassette vidéo sur le retable d'Issenheim de Mathias Grünewald. On ne peint pas non plus de la même façon lorsque le matin aux informations, on apprend que la “ busherie ” a commencé en Irak, on ne peint plus de la même façon quelques Jours après en découvrant que les cadavres sont dévorés par des chiens affamés. Alors on ne peut plus peindre comme avant.
Et pourtant, c'est ainsi que l'histoire de la peinture se fait et continue à exister, en charriant ses “ morceaux de bravoure ” (1) et ses scories.
J'ai vu de nombreuses expositions et beaucoup de toiles de peintres mais il en est une qui, plus que les autres, a réussi à m’émouvoir profondément au point d'être restée gravée a tout jamais dans ma mémoire. Il s'agit d'une peinture pas très grande (0,56 x 0,46 cm), juste ébauchée, de Géricault en 1818/1819, ayant pour titre “ Dos de nègre ”, une étude préparatoire pour la célèbre peinture du Radeau de la méduse. Il est impensable de voir comment Géricault, sur si peu de surface, a su arracher à Michel-Ange un incroyable morceau de peinture.
Un jour, l'image du Dos de nègre est arrivée jusqu'à moi en apparaissant vivant sur l'écran de la télévision. Je m'en souviens, c'était le dos du boxeur Tyson face à… J'ai oublié le nom de l'adversaire. J'avais là, en face de moi, dans l'écran de lumière bleue le même dos qu'avait peint Géricault presque deux cents ans avant. J'étais fasciné par cette musculature en mouvement, par ces veines gonflées par l'effort. J'ai voulu savoir comment cela fonctionnait. J'ai ouvert des livres d'anatomie et je me suis mis à dessiner quotidiennement toutes les parties du corps en partant de leur squelette. Sans cesse, je me suis répété la phrase de mon ami, le peintre Jean Villeri: “ Il ne faut pas peindre !es plumes du coq mais son sang ”.
La veille du 20 mars, je lisais L'éloge de l'infini de Philippe Sollers. Dans le chapitre réservé à Cézanne, il décrivait la peinture du
Jeune homme à la tête de mort (1895/1898). L'image de cette peinture revenait subitement dans ma mémoire, nette et précise. Au matin, j'apprenais avec consternation le début de la guerre en Irak. Mon premier réflexe, dans mon atelier, a été de peindre une tête de mort signée du 20 mars 2003. J'allais, à partir de ce jour, peindre avec la couleur du sable de Ninive. J'ai empâté. sur des supports de différentes dimensions des corps de déesses-mères sumériennes : Ningal, Ishara, Aruru, Ishtar, Inanna, Nintu... Je les ai couchés comme cette déesse énigmatique du lIIème siècle avant Jésus-Christ de 16 cm sur 9 cm. Elle repose sur son bras gauche qui est cassé, la main droite posée sur sa cuisse droite. Ses yeux étaient originairement incrustés de pierres précieuses, et ses cheveux rapportés. Elle se trouvait au musée de Bagdad… qu'est-elle devenue aujourd'hui ?
Lorsque j'avais vingt ans, je faisais des tableaux pour une peinture dont je n'avais pas réellement conscience. Toute ma vie, j'ai peint, me semble t-il le même tableau. Peut-être était-ce les différentes études pour le grand et ultime tableau ? A mon âge, il me faut trouver, car je n'ai plus le temps de tout recommencer. Il me faut donc chercher pour aboutir. J'ai essayé d'arracher quelques repères à la peinture en m'imprégnant des détails de ce bon dieu de plafond de la Sixtine, de tourner autour de la Suzanne (2) du Tintoret, d'interroger Ingres, Delacroix, Géricault et aussi les Bacon, Picasso, Baselitz... Mais chaque fois, je me suis retrouvé dans mon atelier, solitaire, tentant d'approfondir ma propre peinture : celle où l'on oublie les références de l'histoire de l'art pour se plonger à fond dans notre “ espèce de réalité ”. Peindre les images aperçues ou entr'aperçues, des images volées, des corps aimés, des corps désirés mais aussi des corps des ténèbres et tous ceux inscrits dans la mémoire.
Tant qu'une peinture portera les traces d'une cicatrice laissée par notre civilisation, elle restera éternellement dans l'histoire de la peinture.
Si peindre aujourd'hui est un acte conservateur et réactionnaire, comme certains le prétendent, je prétends bien au contraire : peindre aujourd'hui est un acte où l'on prend des risques extrêmes, plastiquement, intellectuellement, économiquement et politiquement dans une société où nous vivons au quotidien.

(1) Le Radeau de la Méduse de Géricault, 1819 - Guernica de Picasso, 1930
(2) Suzanne et les vieillards, 1556/1558. Musée de Vienne.

 

Œuvres de Michel Carlin à la Galerie Entre-temps

Œuvres  de Michel Carlin à la Galerie Bogéna

Exposition de 2001

Exposition de 2007

Bibliographie sur Michel Carlin

 

  

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Michel Carlin, peintre

 

Atelier de peinture libre et classe coopérative

Avril 2004

 


CréAtions 111 - L'atelier de peinture - publié en mars-avril 2004

Classe de GS/CP, Ecole F. Mireur, Draguignan (Var) - Enseignante: Corinne Marlot

 

Atelier de peinture libre et classe coopérative: expression d'une synergie

 

L’organisation coopérative de la classe sollicite et développe tout un réseau de communication entre les différents acteurs. Ce réseau, permet la circulation et l’échange des connaissances et des savoirs dont la teneur dépend de l’organisation et des enjeux de la situation . Ce travail propose une illustration de la pratique coopérative dans le cadre d’un atelier de peinture libre d’octobre à janvier.

Le cadre général

Un des fondements de la classe coopérative concerne l’accueil qui est fait à la parole de chaque enfant.
Cet accueil se formalise au sein des institutions de la classe que sont les moments du “ quoi de neuf ” et du “ conseil de coopérative ”. Les moments de présentation de travaux ainsi que l’organisation de la classe autour de projets fédérateurs contribuent à la mise en place de situations d’échange entre les élèves.
Cependant, il est du ressort du maître d’organiser la classe dans le temps et dans l’espace pour que ces échanges puissent être opérants en terme d’apprentissage et contribuer à une meilleure expression des qualités et de la singularité de chacun.

 

Espace et temps

Dès le début de l’année un espace est dévolu à l’atelier “ peinture libre ”. Il s’agit d’un panneau en contre-plaqué incliné couvrant tout un pan de mur et installé pendant les vacances d’été, par la municipalité, à ma demande.
Ce plan de travail vertical peut accueillir 5 élèves.

Au démarrage de l’atelier, je propose différents outils, laissés librement à la disposition des élèves : pinceaux, brosses, rouleaux, éponges de tailles et formes différentes, bouchons, peignes, clous, plumes, brosses à dent… Peu à peu, au fil du temps, les enfants enrichiront l’atelier : tissus, formes/pochoirs, gabarits, pailles, ficelles, etc.
Pour ce qui est de la matériau, nous utilisons uniquement la peinture dans les trois couleurs primaires ainsi que le noir et le blanc.
Une seule consigne est donnée: ne pas mélanger les couleurs dans les pots mais sur les palettes. Si la couleur obtenue doit être conservée on la “ fabrique ” alors en quantité dans un nouveau pot.

Pour ce qui est du temps l’atelier est doublement inscrit:
- d’abord au niveau collectif, puisque dans l’emploi du temps de la journée un temps est réservé tous les matins de 8h20 à 9h aux ateliers libres et dans l’emploi du temps hebdomadaire, le vendredi après midi, la classe s’organise en ateliers d’arts plastiques dont celui de “ peinture libre ”.
- ensuite, au niveau personnel, puisque chaque enfant inscrit sa participation à l’atelier, d’abord sur un tableau, puis, l’année avançant, sur son plan de travail (travail libre, travail personnalisé et responsabilités).

 


La part du maître

L’observation des productions des enfants montre qu’il y a influence mutuelle et diffusion de propositions selon une logique de “ séries” qui se croisent, s’enrichissent et évoluent au fil du temps. Cette “progression” s’inscrit directement dans le temps de l’élève, au gré de ses découvertes.

Cependant l’enrichissement de ce milieu est “ outillée ” par le maître et ce, de différentes manières :

- par l’inventaire et le classement : je constitue les “séries” en regroupant et en affichant au coin “peinture” les productions proches.

- par la diffusion aux autres: une fois par mois, nous procédons à l’analyse critique de toutes les productions plastiques de la classe et nous en tirons des “régularités” et dégageons des pistes pour aller plus loin.

- par l’apport culturel : les ateliers "arts plastiques" du vendredi après-midi permettent à la fois de mettre en parallèle les productions des enfants avec celles des artistes, et de proposer de nouvelles pistes sous forme de découverte de parcours d’artistes ou d’apport de techniques plastiques.

Il faut dire, à ce niveau, qu’au fur et à mesure que l’année avance, il y a de plus en plus d’interactions, et ce, dans les deux sens, entre les propositions de l’atelier de peinture libre et celles des ateliers fondés sur les apports culturels. Par exemple, une production de l’atelier de peinture libre va nous conduire vers un artiste ou vers une technique particulière qui sera alors explorée. A l’inverse, une proposition de technique (opération plastique, outil, matière) faîte par un élève ou par le maître (liée à un projet) comme la découverte d’œuvres vont, à leur tour, nourrir l’atelier de peinture libre.

La qualité et la quantité de diffusion d’idées, de connaissances et de savoir à l’intérieur de la classe témoigne de la dynamique de fonctionnement de la classe coopérative.
L’atelier de peinture libre permet la mise en œuvre, très simplement, de cette dynamique, en renforçant l’établissement et le fonctionnement au quotidien de réseaux de communication.
Une des valeurs de l’atelier de peinture libre est de permettre aux enfants de prendre la mesure “ en acte ” de l’échange. En ce sens, cet échange se concrétise par des productions plastiques, visibles par tous, au delà de tout discours.

 

 

 

Analyse des productions

 

 La pratique de cet atelier avec les enfants m’a enseigné que c’est sans doute dans la simplicité basique de la communication: “ faire ensemble dans la proximité ” que l’expression personnelle trouve son enrichissement.
Je ne peux alors m’empêcher de convoquer notre ami Jean Foucambert à qui je donne le mot de la fin: “C’est (bien) ensemble qu’on apprend tout seul”.

 

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peinture

 

Bibliographie

Avril 2004

 


CréAtions 111-  L'atelier de peinture - publié en mars-avril 2004

Bibliographie

Bibliographie


Du noir au blanc, les couleurs dans la peinture, Dora Valier, Éd. L'Échoppe,1989
Voies d'approche originale de la couleur, initiées par le Carré blanc sur fond blanc de Malévitch. Dora Valier assimile message poétique et peinture, distinguant les couleurs à forte teneur lumineuse des couleurs sonores comme les voyelles, des couleurs sourdes comme les consonnes, les premières étant les couleurs fondamentales ,le rouge, le bleu et le jaune dont les mélanges produisent toutes les autres couleurs, les secondes étant le noir et le blanc, ainsi que leur résultante unique le gris . Ces deux systèmes d'unités chromatiques assurent le fonctionnement de la peinture, réunissant le principe de spatialisation assuré par le clair-obscur (dégradé de gris) et le principe de chromatisation (combinatoire des trois couleurs).

L'homme qui marchait dans la couleur, Georges Didi-Huberman, éd. de Minuit, 2001
Comment l'artiste James Turrell sculpte ses "Chambres à voir" et donne consistance "à la couleur, l'espacement, la limite, le ciel, l'horizon, la nuit, l'immensité du désert."

La Lumière et la Couleur, K. Malévitch, Éd. L'Âge d'Homme, 1993
Recherche d'une science picturale par le créateur du Suprématisme.

T'en fais pas la Marie, Ecrits sur la peinture 1945-1964, Bissière, Éd. Le temps qu'il fait, 1994
"Je voudrais pouvoir écrire un traité de la peinture qui ressemblerait à un précis de mécanique". "Je n'ai pas voulu faire des tableaux au sens pompeux du mot, mais seulement des images colorées où chacun peut accrocher ses propres rêves."

Bleu, Histoire d'une couleur, Michel Pastoureau, Éd. du Seuil, 2002
Sur les pratiques sociales de la couleur et sur sa place dans la création littéraire et artistique.

La petite peinture, Cueco, Éd. Cercle d'Art, collection autoportrait
"La petite peinture-haïku, c'est juste une petite fenêtre saisie d'un seul regard émerveillé et amusé. C'est une peinture blague sérieuse."

L'inventaire des queues de cerises, Cueco, Éd. du Seuil, 2000
Où Cueco joue, se joue de la répétition, de la série, des variations, de l'identité…

Peindre, revue "Créations" N° 83, septembre-octobre 1998
Exposés de pratiques, individuelles ou en groupe, qui ouvrent des pistes à l'expression et à la création, non comme activités scolaires, mais comme mode de vie.

Où est passée la peinture ? revue Artpress, numéro spécial, 1995
Ce numéro hors-série a été conçu comme une enquête : celle-ci dément le thème de la mort toujours d'autres pratiques, confirmant le principe énoncé par Gropius au début du siècle,"
d'une peinture qui annoncée de la peinture, montrant qu'elle se manifeste en de nombreux lieux. Elle est la référence par les révolutions formelles qu'elle avait accomplies était le modèle de tous les autres arts".

Apprendre aux enfants à explorer les arts plastiques, Nicole Bizieau, Ed. ICEM n°19

Qu’est-ce que l’art abstrait ?, Georges Roques, Ed. Gallimard, Coll. Folio Essais

 

CréAtions


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