Engagement au SNUipp
Syndiqué depuis mon arrivée à l’éducation nationale ; depuis deux ans, date à laquelle j’ai pris une direction, comme on dit, je me pose beaucoup de questions sur nos revendications quant à la direction d’école. Plus de temps de décharge, c’est aussi diriger toujours plus seul, c’est encore se couper davantage des collègues qui sont en classe. La décharge c’est bien, mais que fait-on des réunions en mairie, à l’inspection, … à 16h30, 18h ou 20h30, le mercredi ? Que fait-on des présences non obligatoires mais souhaitées dans diverses manifestations ? Serait ce bien perçu si je restais au lit le jour où je suis déchargé de classe ?
Engagement aux CEMEA et à l’ICEM (école Freinet)
Tous les éléments mis en place autour de la direction correspondent à une image individuelle de la direction (indemnité, décharge, …). Depuis longtemps, de part mon engagement volontaire aux CEMEA (pour diriger de formations BAFA, BAFD), dans les centres de vacances (directions de colos), à l’ICEM (pour échanger et faire progresser nos pratiques de classe), j’ai la volonté politique d’ouvrir les jeunes, les collègues, les enfants sur d’autres formes de travail, d’autres formes d’échanges où je ne suis plus seul détenteur du pouvoir, où le pouvoir est partagé. La responsabilisation, l’autonomie des enfants comme des adultes ne doivent pas être de vains mots. Les mouvements éducatifs et pédagogiques, les syndicats (surtout le mien) doivent être porteurs d’un vrai projet, pour construire une société moins individualiste, plus solidaire et plus participative.
Diriger, oui mais comment ?
« Dirigeant » depuis deux ans une école, je n’ai pas envie de diriger seul ou d’être un secrétaire. J’ai, aujourd’hui, la chance d’être dans une équipe où la participation de chacun dans la mesure de ses possibilités est acquise. Le poids des différentes charges est de plus en plus partagé mais jusqu’à quand ? Sans retour de notre administration, sans prise de conscience personnelle des enseignants, cet investissement toujours plus important risque de s’essouffler. Diriger ensemble, la formule doit être reconnue officiellement si l’on veut promouvoir un véritable travail d’équipe et aller toujours plus loin dans cette voie.
S’engager vers une direction coopérative, mes revendications…
« Plus de maître que de classes »
Le partage des taches de direction passera par une décharge répartie sur l’ensemble de l’équipe ; pour animer l’équipe le directeur doit enseigner.
« Clarifier les responsabilités de la direction d’école »
L’école a besoin d’un référent, d’un animateur avec un rôle clairement établi. Elle n’a pas besoin d’un secrétaire, d’un agent de maintenance, d’un exécuteur des basses œuvres, …
« Former les directeurs »
Oui, mais former à quoi ? Qu’on ne nous fasse pas croire que nous dirigeons une entreprise. Apprenons à diriger ensemble à travailler en équipe, quoi ?
« Et l’indemnité de direction dans tout cela ? »
Garde-t-elle un sens ? Réclamons, exigeons plus pour tous, cela paraît bien plus conforme à la réalité et aux besoins.
Jean-Guy Lafaye
Membre du groupe départemental 91 de l’ICEM
Cahier de vie, journal de vie, album de vie, recueil de vie… traces de la vie de l’enfant dans la classe et hors de la classe, mémoire de vies. Ces vies qui dans une classe coopérative ne restent pas accrochées aux porte-manteaux, lorsque les enfants entrent à l’école, mais qui sont le plus souvent le point de départ des activités et des apprentissages.
Au départ, souvent l’intuition qu’il y a quelque chose à mettre en place pour « tisser du lien », pour établir de la cohérence entre la vie de l’école et l’ailleurs. Et puis, la réflexion, la mise en commun des pratiques dans un groupe de travail, pour aboutir à un outil que chacun s’approprie, enrichit de la personnalité de son groupe classe.
A travers la diversité des pratiques présentées dans ce dossier : cahiers de vie individuels, cahier collectif retraçant jour après jour la vie de la classe, feuille de vie collée dans le cahier de chaque enfant… on ressent toujours la même émotion à lire les textes, à regarder dessins et photos. On ne peut qu’être interpellé par les possibilités qu’offrent de tels outils pour structurer la mémoire collective et individuelle, favoriser la communication entre les enfants et avec leurs parents, valoriser les apports de chacun et montrer la richesse de ce qui fait la vie de chaque enfant et celle de la classe entière. Ce dossier est issu des travaux du groupe départemental de Meurthe et Moselle de l’ICEM, beaucoup dans leur groupe se sont lancés pour l’occasion, espérons que les pistes qu’ils ouvrent ici, vous donneront envie à votre tour d’essayer.
Xavier Gaillon
Le cahier
collectif
de la classe
Démarrer un cahier
Ce cahier de vie, depuis qu’on en avait parlé... Je n’avais qu’une envie, c’était celle de le voir naître dans la classe, au service de la mémoire de cette classe qui chaque jour vivait et construisait une histoire qui finalement restait en suspend pour partie, sans laisser de trace pour le « plus tard », pour le jour où on a envie de se replonger dans le vécu, le passé du groupe, pour l’événement auquel on ne pense plus et qui, une fois retrouvé, fait revivre une émotion, relance une action... Et puis ce cahier qui peut sortir de la classe, se promener chez les parents, servir pour un soir de livre de chevet, de dialogue entre la vie de l’écolier et celle de l’enfant... Créer peut-être un petit lien de cohérence entre la vie de l’école et l’ailleurs...
Alors finalement, c’est moi qui l’ai commencé. J’ai repris les principaux événements et retrouvé les écrits qui en parlaient, et le cahier a pris forme. Je l’ai montré aux enfants, et c’est l’envie de l’emmener à la maison qui a vraiment fait son chemin et qui a lancé auprès des enfants la dynamique pour que peu à peu ce cahier soit le leur, leur appartienne... Alors de photos en textes, de dessins en pages découpées dans les travaux de classe, de pages sorties de l’ordinateur à la petite anecdote vite relatée sur un papier et vite rangée dans le cahier, ce dernier est devenu gros, et personne n’oublie son tour pour le prendre le soir... et le retour que les parents en font est très positif...
Pour le cahier de vie personnel... celui propre à chaque enfant, celui où sa vie personnelle, dans et hors de l’école peut venir trouver un endroit pour se raconter… on n’a toujours pas fait émerger de solution pour le faire naître.
Un cahier « Quoi de neuf ? », un cahier « libre » ? un cahier « jardin secret » ?
A nouveau se reposent toutes les questions : à quoi va-t-il servir ? Que va-t-il apporter de nouveau par rapport à ce qui existe dans la classe ? Que vont-ils y mettre ? Comment vais-je intervenir sur ce cahier ?
Magali
Notre album de vie
Dans notre album de vie, on écrit et on colle tout ce qu’on a envie de garder et qui peut intéresser les autres et en particulier nos parents.
Il sert à raconter les choses les plus marquantes de la vie de notre classe. En début d’année, on a tout d’abord commencé par y mettre nos anecdotes et nos lieux de vacances.
Il sert à enregistrer ce qui se dit à tous les « Quoi de neuf ? », à répertorier tous les titres des textes libres présentés, à collectionner les textes écrits puis choisis par les enfants, des articles de « Mon Quotidien », les croquis des expériences réalisées en sciences, les schémas des montages en Lego technique présentés aux autres, les exposés, les enquêtes, les compte-rendus d’interviews, les recherches effectuées sur Internet, la correspondance électronique et les fax reçus par la classe.
Il sert aussi de cahier de comptes coopé. Chaque fois que nous effectuons une entrée ou une sortie importante d’argent, nous calculons collectivement la somme encaissée ou versée.
Il sert également à expliquer aux parents certaines de mes démarches de correction de la langue. On y installe par exemple toutes les phrases (tirées des textes libres) à corriger collectivement, une fois par semaine et placées ensuite dans notre classeur de français. Les titres des disques présentés pendant l’année y figurent.
Il est illustré de photos prises dans ou hors de la classe, de cartes postales reçues, de dessins effectués en ateliers.
On l’emporte tous les jours à la maison à tour de rôle.
J’explique aux parents la fonction de cet outil lors de la réunion de début d’année et profite d’un édito du journal scolaire de la classe pour rappeler ses enjeux.
Cet album de vie constitue la mémoire du vécu journalier de la classe, là où l’on va chercher la preuve que nos correspondants ont écrit ce jour-là et que nous leur avons répondu.
Il est la preuve des progrès effectués par le groupe classe dans la prise de responsabilités et de confiance croissante et contribue sans aucun doute à l’épanouissement des enfants.
Gilles
L’album de vie est confié chaque jour à un enfant différent. Il en a la charge toute la journée et le ramène à la maison le soir afin de le montrer à ses parents. Le courrier qui leur est adressé en début d’album les informe sur le rôle de cet outil et ils ont à disposition des pages blanches pour réagir, donner leur avis. L’album de vie joue ainsi le rôle d’interface entre la famille et la classe.
L’enfant qui en a la charge n’écrit, ce jour là, que dans l’album de vie. Il est hors de question que la gestion de l’album soit un surcroît de travail, il doit s’intégrer dans une pratique quotidienne. Les découpages et les collages constituent également un gain de temps très appréciable. Le but n’étant pas de faire une belle photo, mais une vraie photo.
Je profite de l’heure de travail individualisé pour lui donner un petit coup de main. Car s’il s’appelle album de vie, il joue aussi le rôle de cahier journal de l’enseignant car tous les travaux y sont consignés, afin de faire de chaque journée la photographie la plus précise. Il peut être un support très utile pour le collègue qui vient nous remplacer, ainsi que pour tout visiteur de la classe.
Dominique
En janvier, j’expliquai aux parents, aux enfants ce qu’était ce nouveau cahier : une info par semaine d’un événement de la vie de la classe. Les textes, dessins, collages venaient de moi et chaque vendredi matin, par petits groupes, nous regardions la nouvelle page, au fil des semaines, je n’ai eu que des retours positifs des enfants qui s’appropriaient leur cahier et des parents qui pouvaient « interroger » leur enfant sur ce qui se passait dans la classe. Ma hardiesse toute mesurée et mon gain d’assurance dans cette nouvelle expérience m’ont permis un jour de proposer aux enfants : « Qu’est-ce qu’on met dans le cahier cette semaine ? » et aux parents « Si vous le désirez, vous et votre enfant, vous pouvez écrire, coller, dessiner des événements de votre famille. »
Le message est passé. En fin d’année, ce cahier ne ressemble plus à celui de janvier ; il n’est plus à sens unique et les idées sont impulsées par les enfants, même si je reste encore la productrice des textes.
Maryse
Page de garde du cahier de la classe de Dominique, destinée aux parents
Autrefois, l’école parfois appelée « petite soeur des pauvres » n’offrait aux enfants qu’un seul et unique cahier du jour. On y trouvait essentiellement les activités de français et de calcul, parfois un peu d’histoire et de géographie voire de science. Cet unique cahier possédait tout de même un avantage, renvoyé aux parents, il reflétait assez bien le quotidien d’uune classe.
Aujourd’hui, autres temps, autres moeurs, autres façons de travailler. D’autres disciplines sont venues se rajouter au même quota horaire : E.P.S., technologie, informatique, recherche documentaire, musique, arts plastiques, langues étrangères. Dans les casiers, on trouve maintenant parfois quatre, cinq, six, dix cahier, plus éventuellement un ou deux classeurs. Les traces écrites des enfants se sont disséminées dans la multiplicité des supports.
De plus, l’activité d’écriture n’est plus l’unique travail de l’enfant, on lui demande maintenant de s’exprimer oralement, d’échanger avec les autres, de questionner, de manipuler, d’observer, d’agir, de réagir, de s’interroger... Et si notre monde est celui de l’image, nos enfants explorent déjà le virtuel. Quoi de plus naturel alors, lorsqu’on est parent, d’avoir le sentiment de ne pas bien voir ce qui se passe dans la classe, d’avoir le sentiment que le travail de notre enfant nous échappe. La photo de classe a pris des couleurs mais elle est devenue floue.
C’est à cause de tout cela que nous avons décidé d’ouvrir un album de vie. Chaque jour, un enfant aura la responsabilité de raconter et d’illustrer notre journée, et chaque soir, il aura le droit de le ramener à la maison afin que vous, parents, puissiez le consulter et vous informer sur la vie de la classe. Mieux, les quelques pages blanches qui suivent vous sont destinées et vous donnent l’occasion de réagir sur cet album, afin de nous aider à le rendre un peu plus vivant chaque jour.
Merci et bonne lecture.
Dans une classe
de petits-moyens-grands.
A l’école, il est le support de différents types d’écrits chaque semaine :
· Ceux crées par les enfants
· Sur la vie de la classe: création de nouveaux coins jeux, nouveaux jeux de l’école, sorties, projets (par exemple sur le bébé : évocation de leurs réactions et émotions devant leurs propres photographies de bébé), ateliers spécifiques (semaine du goût)
· Sur des impressions individuelles lors d’un écrit personnalisé, dictées à la maîtresse : réaction sur un spectacle (ce que j’ai aimé, pas aimé), mon déguisement de carnaval, choix d’une photographie, d’un évenement et réactions.
· Correspondances diverses : échange avec une autre classe, lettre au Père Noël, remerciements pour des intervenants extérieurs venus à l’école, donnant des phtographies ou de l’argent à l’école (mariages), réaction à une émission « Cache Cache Micro », lettre à la classe créatrice de l’émission, par exemple sur les peurs.
· Fiche technique suite à une réalisation manuelle
· Ceux apportés par l’extérieur : articles de journaux sur l’école, lettres des correspondants, supports d’un travail réalisé par l’enfant par exemple mise en couleur du dessin du bonhomme santé et de la pyramide alimentaire
· Ceux apportés par l’enseignant : signe de l’enfant, photos des enfants, annonce d’une sortie.
Anne
Le cahier
de vie
Individuel
« Le cahier, c’est important, parec que c’est un objet personnel, personnalisé qui fait que l’écriture, la lecture, sont l’affaire de la famille… Moments de partages entre enfants, vécus intensément lors des consultations spontanées des cahiers : « tu te souviens quand… »
Charlotte
En maternelle…
Dans ma classe de 2 ans, le cahier de vie faisait la navette entre la maison et l’école. Il permettait de faire un point de langage avec les enfants au retour de l’école, des moments pour parler, pour partager des choses. Tout ce qui venait de la maison était prétexte au déclenchement d’un dialogue. On y mettait tout ce qui résultait des différents moments de vie, des sorties... afin de fixer les choses, de dialoguer indirectement avec les parents qui souvent, avec des enfants de 2 ans, nous disent ne pas savoir ce qui se passe en classe, nous disent questionner leurs enfants sans avoir de réponse... Et d’ailleurs quoi de plus normal avec des enfants de cet âge ?
Magali
J’ai mis un cahier de vie en place quand j’avais des élèves de moyenne section. On avait un guide de cahier de vie où des pistes étaient proposées et j’ai eu envie de les suivre. Il contenait le mot d’explication pour les parents, précisant quelques idées de choses à y mettre.
C’était vraiment la vie de l’enfant. Chacun avait son cahier à lui. Ce qui importait le plus était le lien affectif qu’il permettait. Certains parents avaient du mal à s’y mettre. De toute façon, il y avait ce que la classe y mettait. Les cahiers étaient à la disposition de tout le monde dans le coin bibliothèque. Un gamin pouvait le lire à un autre.
Isabelle
...mais aussi en élémentaire
Les enfants de l’école (Ecole de Plein-Air à Saint Max) sont en échec scolaire, pour la plupart en rupture avec le système éducatif, en perte de repères.
Le cahier de vie avec toutes ses vertues, semble parfaitement convenir à ces enfants.
Allait-il être personnel, collectif, à quels besoins devait-il répondre, quel support devait-il représenter pour eux ?
Finalement, je suis arrivé un lundi matin avec 14 grands cahiers.
J’ai opté pour un cahier individuel car il existe déjà dans la classe un grand Cahier de Vie collectif dans lequel les enfants viennent coller tous leurs textes libres accompagnés de dessins. Ce choix répondait également à un besoin car il leur manquait un support fixe pour leurs recherches math ou documentaires et pour tous leurs écrits.
Je leur ai dit que c’était un cadeau, que j’offrais à chacun ce cahier, que ça devait devenir leur cahier, par conséquent qu’ils en feraient l’usage qu’ils voudraient et qu’il pourraient bien sûr lui donner un nom.
Les enfants ont été, pour la plupart, très enthousiastes et ont rapidement investi ce nouveau support. Et puis, naturellemnt, Patrick a dit : « Je l’appellerai : Mon cahier de vie » d’autres l’ont appelé « mon journal personnel » ou « mes textes » ou encore « mon cahier ». Pour deux ou trois, ce nouveau cahier finit rapidement dans le casier… aux oubliettes.
Sébastien
La présentation des cahiers
En plus des moments prévus (regroupement du matin, parce qu’ils veulent montrer leur cahier, pendant le passage aux toilettes qui est très echelonné) le cahier m’a aussi servi à faire baisser la tension lors de moments très électriques. La présentation dure parfois jusqu’au jeudi : oubli de cahier, resté chez la nounou ou les grands parents, enfant malade, absent. Finalement, cela revient un peu au quoi de neuf. Souvent en grand groupe, on présente quatre ou cinq cahiers à la suite, pas plus. L’après-midi, les enfants continuent à présenter à un groupe plus restreint, et si une trace me paraît importante, l’enfant ou moi en reparlons le lendemain en regroupement.
Joëlle
Pratique
Prendre un grand cahier (24X32) pour ne pas avoir à découper les feuilles avant de les coller.
Prévoir une protection du cahier (ils voyagent beaucoup) et peut-être un sac spécial ; un bac de rangement des cahiers dans la classe, près de la porte si on souhaite que les parents les consultent.
On peut (presque) tout coller dans le cahier : papiers de toutes sortes, feuiiles, fleurs, plumes, dents, poux, graines, tissus, trésors...
En débat
Indiscret ?
Certains parents pourraient avoir des réticences à « étaler leur vie privée ». Mais bien sûr ce n’est pas ce que nous demandons. Ce sont eux qui tiennent la plume et ils ne racontent que ce qu’ils veulent bien (à eux de négocier avec leur enfant… C’est quelquefois l’occasion de discussion intéressantes). De toute façon, les enfants racontent beaucoup, au copain ou à la maîtresse, avec ou sans cahier.
Creuser les différences ?
Ayant l’impression de creuser la différence entre les enfants qui reviennent de la maison avec leur cahier beau et bien rempli de choses intéressantes et ceux qui reviennent sans rien à montrer aux copains, j’ai envie de mettre des objectifs différents pour ce cahier.
Il serait avant tout un cahier de mémoire de la vie dans la classe, moyen d’information aux parents, support au langage oral et écrit.
Je n’attends donc plus de traces de la maison, s’il y en a c’est bien, mais ce n’est pas l’objectif essentiel ; l’essentiel est de raconter la classe aux autres : parents, correspondants…
Comment aider les enfants dont les parents n’écrivent pas dans le cahier ?
Il faut avoir de la patience, c’est quelquefois très long. On peut coller et écrire des choses plus personnelles avec l’enfant (il pourra ainsi les montrer aux copains et cela finit par donner des idées aux parents). Pour les parents qui ne parlent pas le français ou qui ne sont pas à l’aise avec l’écriture, demander l’aide d’un grand frère ou sœur, mais ils trouvent souvent d’autres manières de raconter, comme ce papa turc qui avait collé des plumes dessinant des oiseaux pour raconter une promenade ou cette maman qui avait décoré le cahier de paillettes dorées qui avaient fait l’admiration de tous.
Pour contacter le groupe départemental 54 de l’ICEM
Magali Wenz
14, rue de la Mairie
54170 BAGNEUX
m.wenzac-nancy-metz.fr
Site internet du groupe :
http://www.ac-nancy-metz.fr/ia54/site/icem/icem_som.htm
Le journal est devenu une institution de notre vie quotidienne, il se fabrique naturellement. Il est devenu un outil de communication avec notre entourage, parents, amis, communes, correspondants. C’est l’outil de diffusion de nos écrits.
La production écrite corrigée peut alors être tapée sur un des dix ordinateurs installés dans la classe. Un réseau localtalk de Macintosh (Plus, LC, FX, Performa…) donnés ou achetés d’occasion est installé le long d’un mur de la classe. Ils sont suffisants pour le traitement de texte. Nous utilisons ClarisWorks 3. Nous n’avons reçu à ce jour aucune dotation en matériel.
Le document du jour
Des annonces pour le site
J’écris mon expression du matin sur une petite feuille. Hervé la corrige. J’écris à l’ordinateur. Je fais le travail individuel.
Pour faire le journal de Bizu, on tape nos phrases du matin. Une fois qu’on en a assez, on met tout sur une page avec la date et le nom du journal. On imprime le tout sur une feuille et tout le monde l’a. On le fait pour que tout le monde puisse lire les phrases des autres. On fait aussi des documents comme celui sur Thomas Edison. On le fait pour nous ainsi que pour nos amis d’internet comme Akari, Stéphane Méliade ou Marie Mélisou. On a beaucoup trop de correspondants pour leur écrire à tous.
Les encarts présentent des dessins et des textes tirés du journal et des photos des enfants en activité.
Coopérative de l’école Bizu
Cela s’est passé soudainement dans ma grande section, en milieu d’année. Des enfants sont venus se plaindre, de camarades qui avaient «dit des gros mots». Il s’agissait parfois de propos tenus avec la volonté évidente de blesser, mais aussi de paroles échappées par inadvertance. Malgré ma protestation, ces cas isolés ouvraient la porte à leur emploi dans la classe. Ce problème, médiatisé par le conseil, devait forcément trouver une solution collective. La règle n°5 «on parle correctement» a été alors élaborée par la classe dans ce but. A partir de ce jour, les "gros mots" devenaient donc interdits dans la classe.
Lors de la discussion sur les "gros mots" qui suivit, il m’est apparu, que les enfants avaient beaucoup plus de mal à définir ce qui n’est pas un gros mot, plutôt que ce qui en est un. Comme nous ne prenons généralement pas la peine d’expliquer aux enfants ce qu’est un mot grossier (agir de manière contraire aux bienséances), ils se forgent une opinion par rapport aux situations de leur univers quotidien. La "baffe" reçue à la suite d’un tel propos, leur fait très vite comprendre, ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas !
Ils vont ainsi comprendre progressivement les 6 règles régissant la "bienséance" :
-Il existe un âge où il est permis de dire des mots grossiers.
-Il existe des lieux où on ne peut les exprimer
-Il existe des catégories de personnes à qui on n’a pas le droit de les dire
-Le ton peut transformer des mots ordinaires en gros mots
-Il existe un contexte influant sur ce qui est entendu
-Un gros mot dit à un ami dans des circonstances normales n’est plus un gros mot.
Ils vont comprendre également qu’il existe au-delà de l’interdit, une hypocrisie très grande à ce sujet : les adultes qui n’en permettent pas l’emploi aux enfants, se l’autorisent bien souvent pour eux même.
Côtoyant quotidiennement (à la maison parfois, dans la rue, à l’école...) ces mots qui font mal, ils vont très vite en comprendre l’intérêt. C’est avec leur vécu et leur propre bagage (de gros mots), qu’ils nous arrivent à l’école.
Comme, les problèmes liés à ce type de vocabulaire débordent dans la vie ordinaire d’une école et notamment en récréation, il nous devient difficile de ne pas y réagir. Généralement, les "gros mots" sont purement et simplement interdits à l’intérieur des établissements scolaires, ce qui permet :
-l’obligation pour l’enfant d’adopter un registre de langage adapté aux situations.
-la protection de ceux qui ne connaissent pas ces mots.
Cet interdit n’est pas sans intérêt, mais ne considère pas les enfants avec leur histoire propre. Surtout, il ne répond pas à la question que se pose l’enfant : pourquoi quand lui, est en colère, n’a t il pas le droit de se «défouler» par les mots ? Il est capable de le comprendre si on lui explique que l’on n'a pas le droit de blesser les autres, y compris avec des mots, à condition qu’il existe dans l’école, des lieux où la parole à une valeur, et où régler des conflits.
Peut être est-il utile de mettre en place, à titre transitoire, un lieu où on pourrait exprimer sa colère, sans pour autant blesser les autres.
En fait, dans ma classe, la règle n°5 ne pouvait prendre son sens qu’à partir du moment où le conseil permettait de résoudre les conflits et que je permettais, à ceux qui ne pouvaient plus maîtriser leur violence, de se «défouler » dans un endroit «protégé ». J’ai donc autorisé au sein même de la classe l’existence d’un tel lieu : la boite à gros mots.
Il s’agit d’une boite en bois, pourvue d’une porte fermée par un cadenas, et sur laquelle sont disposés des trous (à la manière d’un hygiaphone). On peut y dire tout ce que l’on veut, à la seule condition que ces paroles ne puissent parvenir à l’oreille de personne d’autre.
Quand je la leur ai présentée, je ne leur ai pas montré l’intérieur qui gardait ainsi tout son mystère. Le premier jour, le coin de la classe, où était disposé la boite, ne désemplissait pas (même d’enfants qui d’ordinaire ne disaient jamais de gros mots).
Par la suite, la nouveauté ayant fait son chemin, la boite prit ses marques. De temps en temps, un enfant arrêtait ce qu’il était en train de faire, se levait, se dirigeait vers la boite, prononçait quelques mots, puis revenait s’asseoir.
Les gros mots ont disparu de la classe aussi rapidement qu’ils étaient apparus.
Jérôme Tcherniatinsky
Institut Parisien de l’Ecole Moderne
jerometcheifrance.com
La pédagogie Freinet est bien vivante au Québec. Elle s'y pratique depuis déjà plusieurs années. Marc Audet*, nous en présente l’historique et fait le point sur son actualité.
Avant les années 60, elle était le fait de très peu de personnes, notamment à l'école Noël, de Beloeil ; le milieu scolaire était en effet très fermé, à cette époque, replié sur lui-même. Le ministère de l'Éducation du Québec songeant à y provoquer des changements, on a fait venir des militants du mouvement français afin d'animer des ateliers d'été et de mettre en route des pratiques plus ouvertes dans les classes des participants.
Doucement, les pratiques se sont ouvertes, et un premier mouvement regroupant des participants à ces stages a vu le jour, Les Chantiers pédagogiques du Québec. L'élan était donné. Même si ce mouvement n'a pas vécu très longtemps, les gens qui y ont participé n'ont jamais abandonné leurs pratiques, et ont favorisé une diffusion lente mais efficiente des pratiques de la pédagogie Freinet
C'est ainsi qu'un autre mouvement, celui-là identifié à la pédagogie Freinet, le « Collectif québécois de l'École Moderne », a vu le jour en 1982. Nous avons eu plusieurs rencontres d'été, au long des années ; nous avons publié une revue, Chantiers. Depuis les dernières années, il est plus difficile de maintenir en vie notre mouvement, car la relève n'y est pas, comme cela semble être le cas de plusieurs mouvements frères dans le monde. C'est d’autant plus vrai qu'il n'y a jamais eu chez nous beaucoup de membres actifs. Mais nous maintenons notre mouvement en vie, un secrétariat répond aux rares demandes, et prépare un renouveau, nous l'espérons, par le biais des nouvelles technologies de la communication. Nous préparons en effet la publication d'un site web, où nous voudrions diffuser tout ce que nous avons fait et qui est toujours d'actualité et utilisable.Nous pensons qu'il sera plus facile de cette manière de mettre au service de qui est intéressé tout ce que chacun de nous a contribué à créer, à mettre au point, toutes nos réflexions qui dorment présentement dans des caisses où elles sont entreposées, faute de personnes pour les proposer à l'occasion de stages, de congrès, d'ateliers… Il s'agit de mettre le temps de donner une forme à tout ce que nous avons. Ce n'est pas une tâche aisée, car les personnes impliquées sont toutes très occupées par ailleurs dans leurs tâches quotidiennes. Car les praticiens québécois de la pédagogie Freinet sont tous actifs dans leur classe. Et le travail ne manque pas. Plusieurs d'entre nous, à titre individuel surtout, font beaucoup d'animation un peu partout, dans les écoles, et contribuent à rendre le milieu plus réceptif pour une renaissance du mouvement. Par ailleurs, plusieurs expériences intéressantes se font autour des pratiques de la pédagogie Freinet : des écoles ont adopté officiellement la pédagogie Freinet et en ont fait leur projet éducatif. Ce sont la plupart du temps des écoles alternatives, mais elles font tout de même partie du système public d'enseignement, et leur influence s'étend progressivement.
C'est ainsi qu’existent à Montréal et Québec des écoles à pédagogie Freinet, où tous les participants, parents, enfants et enseignants, ont choisi nos valeurs, nos pratiques, nos techniques de travail. Elles sont maintenant dans la ligne de mire de tout le milieu de l'enseignement.
Le milieu scolaire québécois tout entier est en effet effervescent depuis quelques années. Une vaste réforme est en cours, qui affectera l'essentiel de l'acte éducatif, et la tendance favorise beaucoup notre pédagogie. Nous y avons quelque chose à dire et à faire. C'est pourquoi nous croyons que la publication de notre site relancera le mouvement québécois, et le replacera au centre des mouvements éducatifs du Québec. En attendant que nous soyons en mesure de publier notre site, nous pouvons recevoir des messages et tenter de répondre aux demandes qui nous sont faites : nous avons une boîte à lettres électronique que nous vous invitons à utiliser.
Vous y êtes les bienvenus !
Marc Audet
Marc Audet, secrétaire
Collectif québécois de l'École Moderne - Pédagogie Freinet
150, Chemin de l'Aqueduc, Beauport, Québec, G1E 6B1
tél.: 418-666-7187
Courriel: cqem_pfhotmail.com
Je ne sais pas si vous avez entendu parler en France, de ce qu'a imaginé notre président de région, Storace, "digne" représentant du Pôle de la liberté et d'Alleanza Nazionale (le vieux MSI = FN amélioré, modernisé !!!). Ce "digne" représentant politique a décidé de mettre son nez dans les livres d'histoire, affirmant que ceux qui enseignent le Marxisme aux élèves devraient être chassés des écoles, parce qu'ils détruisent la vérité historique.
Sur le site officiel d'Alleanza Nazionale, en outre, il est demandé aux étudiants de communiquer les noms des enseignants d'histoire qui seraient de gauche, en clair, faire une véritable liste de noms, peut-être en vue de licenciement ? C'est une véritable attaque contre la démocratie, un véritable danger, qui nous inquiète beaucoup pour les prochaines élections.
Au cours d'une émission de la télévision qui s'appelle "Porte à porte", animée par Bruno Vespa, Storace a rencontré Diliberto représentant de Refondation Communiste (groupe Cossuta et non Bertinotti dont s'est séparée une frange du Parti sous le gouvernement d'Alema). Pendant cette émission, Diliberto a plusieurs fois réaffirmé que la décision d'interdire les livres "incriminés" équivaudrait à une censure et serait une atteinte à la liberté d'enseigner, et à celle des historiens. Par contre si les gens de droite ne sont pas d'accord avec les historiens, rien ne les empêchent de faire écrire des livres d'histoire par leurs historiens de droite.
Storace, plein d'arrogance et avec ses maigres moyens intellectuels a continué à parler de complot de gauche. Diliberto a fait remarquer à cet homme politique de droite, que son attitude a en quelque sorte poussé un groupe de jeunes (squadristi) à attaquer les librairies romaines et à brûler les livres d'histoire.
Voilà le climat de répression qui nous attend.
Maria-Luisa Pesce
professeur d'éducation physique
Collège "via Fosso dell'osa"
Villagio Prenestino
Rome
CHRONIQUE DE L’ECOLE ORDINAIRE
Compréhension.
L’an dernier Franck avait fini par s’habituer à l’école maternelle et à ses rites. Certes, il s’ennuyait fortement pendant la lecture mais il aimait bien retrouver ses copains et copines pendant la récréation pour des courses de patinette ou des glissades sur le toboggan. En classe, il occupait rarement sa place et sa résidence presque principale était le “coin-garage” et ses petites voitures, quand il ne déambulait pas entre les tables pour aller taquiner Pierre ou Paul. Il reconnaissait l’étiquette portant son nom et l’accrochait parfois, le matin, sur la planche à clous en forme de maison censée représenter l’école et les élèves présents. Il n’était cependant capable ni de reconnaître les prénoms des autres ni de les dénombrer, et le rassemblement sur le “tapis” lui inspirait plus l’envie de chahuter que d’écouter la maîtresse expliquer ce qu’il convenait de faire sur les photocopies dans ce qu’elle appelait “les ateliers”.
Maintenant il a bien du mal pour sa première année à la grande école. En récréation, plus de jeux de cour, mais des grands qui poursuivent des ballons et que rien n’arrête. En classe, plus de petites voitures, encore moins de promenade pour visiter Pierre ou Paul (d’ailleurs ils ne sont pas dans le même CP), mais de la lecture et du calcul, matin et soir, des tables en rangs d’oignons avec des cases pleines de choses inutiles : cahiers, livre (de lecture !), ardoise, grosse boîte d’allumettes pour les étiquettes (de lecture !), et une maîtresse exigeante qui veut qu’on écoute, qu’on ne bouge pas et pire, qu’on apprenne à lire ! Il faut écrire sur (et dans !) les petites lignes (facile à dire et pas à faire quand on a la main qui refuse d’obéir à une tête qui s’ennuie) à l’aide du crayon à bille bleu qu’il est interdit d’égarer sous peine (quelle honte) d’être condamné au crayon “de bois” comme un petit.
Les journées sont longues lorsqu’on est obligé de faire des choses qu’on déteste parce qu’on n'arrive pas à les faire. Alors Franck s’occupe comme il peut. Il se lève pour un oui, pour un non : emprunt d’une gomme, d’une règle, envie irrésistible de pipi. Il farfouille longuement dans son cartable qui regorge de petites voitures, souffle des bêtises au copain interrogé, profite de la chute (provoquée) de son fameux crayon à bille pour faire rouler sa voiture favorite sous sa table, oublie où il est et voyage dans l’allée en bruitant ouvertement...
Il essaie bien de cacher ces activités illicites. Elles n’en sont que plus visibles pour la maîtresse qui, devant l’activité constante du contrevenant non entamée par les réprimandes, les punitions, ou une aide particulière, en perd son picard. Malgré ses efforts pour l’intéresser à l’écrit, la bibliothèque qu’elle vient de renouveler, il reste étanche au bain de lecture, comme à toute acquisition scolaire. Elle se résigne alors à le signaler à la Commission de circonscription pour une orientation dans l’enseignement spécialisé.
Elle est déçue, peinée même par Franck, son apparente désinvolture et l’échec qu’il représente... Tout son rapport en témoigne, surtout la conclusion, péremptoire : “manque de compréhension à l’égard de la maîtresse”.
Il serait étonnant que ce manque de compréhension ne soit pas réciproque, tant il est banal, pour l’école, de prêter aux enfants des sentiments qu'elle n’ose pas (s’) avouer.
À commander auprès des responsables de la revue
Un certain nombre de syndicats ont appelé les directeurs d’écoles à la grève administrative, depuis la rentrée de septembre 2000. Si certaines demandes de moyens (temps de décharge, secrétariat administratif, etc.) sont légitimes, nous refusons de focaliser le problème sur la seule personne du (de la) directeur(rice) d’école.
« Jack Lang envisage l’ouverture, ex nihilo, d’une dizaine de collèges expérimentaux lors de la rentrée 2001. »
Les récentes déclarations de notre ministre de l’Éducation Nationale paraissent marquer un changement d’attitude vis à vis du chantier de l’innovation. Elles semblent surtout indiquer l’abandon officiel de la volonté de transformer le système éducatif en favorisant l’innovation pour le grand nombre.
Créer dix établissements expérimentaux est, sans nul doute, une façon de donner satisfaction à des enseignants qui cherchent un lieu pour enseigner autrement ou à des groupes de pression divers. Par contre, enfermer ces expériences dans un cadre dérogatoire tant en ce qui concerne les moyens, que le recrutement des enseignants comme celui des élèves, est le plus sûr moyen de bloquer toute chance de diffusion et de transfert de ces dispositifs à l’ensemble du système éducatif. C’est, effectivement, discréditer d’entrée de jeu, les expériences positives pour la réussite de tous les enfants, y compris ceux issus des milieux les plus distants par rapport à l’école. Tout comme réserver les méthodes pédagogiques aux élèves en difficulté ou à des publics sélectionnés, conduit également à les marginaliser définitivement.
Or, nous qui avons choisi d’enseigner en son sein, avons d’autres ambitions pour le service public d’éducation.
Nous avions nourri quelques espoirs de transformation de l’école, lors de la création du CNIRS (Conseil National pour l'Innovation et la Réussite Scolaire), dont la vocation nous avait semblé ambitieuse. Nous y avions retenu la volonté d’assurer la réussite de tous, grâce à une évolution du système éducatif.
C’est cette logique là dont nous sommes porteurs et que nous revendiquons dans notre plate-forme des équipes pédagogiques. Une logique d’évolution, de transformation des pratiques pédagogiques pour répondre aux besoins du système, aux souhaits des enseignants et à l’ambition de favoriser la réussite de tous. Pour nous, l’enjeu est plus que jamais de faire la preuve que la pédagogie Freinet continue à être une pédagogie populaire.
C’est pour cela que nous proposons toujours la constitution d’équipes pédagogiques. Celles-ci pourraient faire la preuve de la validité de nos pratiques pédagogiques, à condition que leur soit donnés les moyens d’une véritable évaluation. Rappelons, à ce propos, que l’évaluation n’a de sens que si son objet, ses critères et ses méthodes ont été définis en commun. Nous sommes volontaires pour collaborer en ce domaine avec toutes les institutions qualifiées : INRP, IUFM, Université. Nos équipes sont prêtes, en liaison avec les IUFM, à servir de point d’appui à la formation de terrain, appuyée sur la réalité des classes, que réclament les jeunes enseignants. Sans remettre en cause les statuts des enseignants, nous sommes convaincus qu’une véritable transformation du système éducatif est possible, même si sa mise en œuvre n’est pas spectaculaire et loin des effets médiatiques.
Nous n’avons aucune envie de voir se développer des « réserves » pour innovateurs. Espérons donc qu’il ne s’agit que d’une première série d’ouvertures et que la mise en place d’équipes, tant dans le second que dans le premier degré, ira en s’amplifiant. Nous essaierons, avec les moyens dont nous disposons, de peser en ce sens.
Jean-Marie Fouquer
Président de l’ICEM
On peut s’étonner de voir ce concept de “ démocratie participative ” se répandre dans les discours de nombre d’hommes politiques, de Jacques Toubon à Lionel Jospin .
A l’ICEM, la citoyenneté et la démocratie participatives font aussi partie de nos réflexions.
“ La "démocratie participative" est une formule séduisante, et la tentation est grande d'y voir une forme de démocratie plus élevée, plus élaborée que les systèmes délégatifs par lesquels le corps social se borne à transférer à des représentants son pouvoir souverain, lequel ne s'exerce directement qu'à l'occasion de la désignation de ceux-ci. Il est de fait que la démocratie classique, définie par les libertés de vote, de presse, d'opinion et de circulation, ne constitue guère qu'un "SMIC démocratique " (…)
Le débat sur la démocratie participative porte sur la capacité des sociétés de la fin du vingtième siècle de promouvoir une réelle participation à la vie de la cité. ”
L’enjeu est de taille. “ Il y a des millions de citoyens en France. Pourquoi ne seraient-ils pas capables de gouverner ? Parce que toute la vie politique vise précisément à le leur désapprendre, à les convaincre qu’il y a des experts à qui il faut confier les affaires. (…). Alors que les gens devraient s’habituer à exercer toutes sortes de responsabilités et à prendre des initiatives, ils s’habituent à suivre ou à voter pour des options que d’autres leur présentent. ”
Un certain nombre de villes françaises se sont lancées dans l’expérience des comités de quartiers : Marseille (depuis le XIXe siècle), Lille, (depuis les années 70), et plus récemment Amiens et Nantes.
Le Premier ministre prévoit de proposer, à l’occasion du projet de loi sur la démocratie locale, la mise en place de conseils de quartier dans toutes les villes de plus de 20 000 habitants.
Le mode de désignation des membres de ces conseils reste la question centrale. Que les participants soient désignés par le conseil municipal, élus par leurs pairs, volontaires ou tirés ou sort, va transformer le rôle de ces structures et leur autonomie par rapport aux élus municipaux. Suivant les choix effectués, elles seront façade démocratique ou lieu réel de participation et de pouvoir.
Leur ouverture aux habitants est également un enjeu de taille dans les débats (les séances des comités cités ne sont pas publics).
Interrogeons-nous donc sur ce concept hérité de l’antiquité. “Pour Aristote, souvenez-vous, un citoyen, c’est celui qui est capable de gouverner et d’être gouverné. Tout le monde est capable de gouverner, donc on tire au sort. La politique n’est pas une affaire de spécialiste. Il n’y a pas de science de la politique. Il y a une opinion, la doxa des grecs, il n’y a pas d’épistémè . L’idée selon laquelle il n’y a pas de spécialiste de la politique et que les opinions se valent est la seule justification raisonnable du principe majoritaire.(…) Pour les activités spécialisées –construction des chantiers navals, des temples, conduite de la guerre-, il faut des spécialistes. Ceux-là, on les élit. C’est cela l’élection. Élection veut dire " choix des meilleurs". Là, intervient l’éducation du peuple. On fait une première élection, on se trompe, on constate que, par exemple, Périclès est un déplorable stratège, eh bien, on ne le réélit pas ou on le révoque. Mais il faut que la doxa soit cultivée. Et comment une doxa concernant le gouvernement peut-elle être cultivée ? En gouvernant. Donc la démocratie – c'est important- est une affaire d’éducation des citoyens, ce qui n’existe pas du tout aujourd’hui. ”
On comprend l’intérêt que suscite l’expérience exemplaire du budget participatif (Orçamento participativo) mise en place au Brésil depuis plus de 12 ans. “ Des structures de décisions parallèles au conseil municipal ont été mises en place, permettant à tous les habitants qui le souhaitent de décider vraiment pour leur ville. Et cela marche ! Surtout pour les plus démunis, qui ont trouvé là le moyen de réorienter en leur faveur des ressources publiques qui allaient traditionnellement aux quartiers aisés ”
Cette forme de contrôle social des finances a été imposée par la coalition de gauche conduite par le Parti des travailleurs (PT). Il s’agit là d’une expérience de démocratie directe sans équivalent dans le monde . La satisfaction des citoyens est telle qu’en octobre 2000, le candidat du PT a été réélu, au suffrage direct, à la tête de la mairie avec plus de 63% des voix . L’expérience s’est étendue à tout l’État du Rio Grande du Sul, un espace grand comme la moitié de la France, depuis qu’en 1998, le candidat du PT a remporté l’élection au poste de gouverneur de cet État. “ Dans le Rio Grande du Sul, le débat budgétaire commence par des assemblées de citoyens dans les 497 municipalités. Cette année, 280 000 Gauchos ont participé aux discussions ! Une telle mobilisation pour débattre des finances publiques est certainement unique au monde (...).Chaque unité territoriale a donc son budget et choisit ses priorités dans les dépenses. ”
Les lignes de fracture sont claires entre les logiques à l’œuvre dans les expériences que nous venons d’évoquer. Dans le champ social et politique qui nous intéresse toujours en tant que pédagogues Freinet, elles peuvent prolonger notre réflexion sur les pratiques coopératives mises en place dans nos classes et dans nos équipes.
Jean-Marie Fouquer