Le Nouvel Educateur n° 126

Février 2001

Militant du SNUipp militant pour quelle direction ?

Février 2001

Engagement au SNUipp

Syndiqué depuis mon arrivée à l’éducation nationale ; depuis deux ans, date à laquelle j’ai pris une direction, comme on dit, je me pose beaucoup de questions sur nos revendications quant à la direction d’école. Plus de temps de décharge, c’est aussi diriger toujours plus seul, c’est encore se couper davantage des collègues qui sont en classe. La décharge c’est bien, mais que fait-on des réunions en mairie, à l’inspection, … à 16h30, 18h ou 20h30, le mercredi ? Que fait-on des présences non obligatoires mais souhaitées dans diverses manifestations ? Serait ce bien perçu si je restais au lit le jour où je suis déchargé de classe ?

 Engagement aux CEMEA et à l’ICEM (école Freinet)

Tous les éléments mis en place autour de la direction correspondent à une image individuelle de la direction (indemnité, décharge, …). Depuis longtemps, de part mon engagement volontaire aux CEMEA (pour diriger de formations BAFA, BAFD), dans les centres de vacances (directions de colos), à l’ICEM (pour échanger et faire progresser nos pratiques de classe), j’ai la volonté politique d’ouvrir les jeunes, les collègues, les enfants sur d’autres formes de travail, d’autres formes d’échanges où je ne suis plus seul détenteur du pouvoir, où le pouvoir est partagé. La responsabilisation, l’autonomie des enfants comme des adultes ne doivent pas être de vains mots. Les mouvements éducatifs et pédagogiques, les syndicats (surtout le mien) doivent être porteurs d’un vrai projet, pour construire une société moins individualiste, plus solidaire et plus participative.

Diriger, oui mais comment ?

« Dirigeant » depuis deux ans une école, je n’ai pas envie de diriger seul ou d’être un secrétaire. J’ai, aujourd’hui, la chance d’être dans une équipe où la participation de chacun dans la mesure de ses possibilités est acquise. Le poids des différentes charges est de plus en plus partagé mais jusqu’à quand ? Sans retour de notre administration, sans prise de conscience personnelle des enseignants, cet investissement toujours plus important risque de s’essouffler. Diriger ensemble, la formule doit être reconnue officiellement si l’on veut promouvoir un véritable travail d’équipe et aller toujours plus loin dans cette voie.

 

S’engager vers une direction coopérative, mes revendications…

« Plus de maître que de classes »

Le partage des taches de direction passera par une décharge répartie sur l’ensemble de l’équipe ; pour animer l’équipe le directeur doit enseigner.

« Clarifier les responsabilités de la direction d’école »

L’école a besoin d’un référent, d’un animateur avec un rôle clairement établi. Elle n’a pas besoin d’un secrétaire, d’un agent de maintenance, d’un exécuteur des basses œuvres, …

« Former les directeurs »

Oui, mais former à quoi ? Qu’on ne nous fasse pas croire que nous dirigeons une entreprise. Apprenons à diriger ensemble à travailler en équipe, quoi ?

« Et l’indemnité de direction dans tout cela ? »

Garde-t-elle un sens ? Réclamons, exigeons plus pour tous, cela paraît bien plus conforme à la réalité et aux besoins.

                       

Jean-Guy Lafaye

Membre du groupe départemental 91 de l’ICEM

 

Cahiers de vie

Février 2001

 

Cahier de vie, journal de vie, album de vie, recueil de vie… traces de la vie de l’enfant dans la classe et hors de la classe, mémoire de vies. Ces vies qui dans une classe coopérative ne restent pas accrochées aux porte-manteaux, lorsque les enfants entrent à l’école, mais qui sont le plus souvent le point de départ des activités et des apprentissages.

 

 Au départ, souvent l’intuition qu’il y a quelque chose à mettre en place pour « tisser du lien », pour établir de la cohérence entre la vie de l’école et l’ailleurs. Et puis, la réflexion, la mise en commun des pratiques dans un groupe de travail, pour aboutir à un outil que chacun s’approprie, enrichit de la personnalité de son groupe classe.

A travers la diversité des pratiques présentées dans ce dossier : cahiers de vie individuels, cahier collectif retraçant jour après jour la vie de la classe, feuille de vie collée dans le cahier de chaque enfant… on ressent toujours la même émotion à lire les textes, à regarder dessins et photos. On ne peut qu’être interpellé par les possibilités qu’offrent de tels outils pour structurer la mémoire collective et individuelle, favoriser la communication entre les enfants et avec leurs parents, valoriser les apports de chacun et montrer la richesse de ce qui fait la vie de chaque enfant et celle de la classe entière. Ce dossier est issu des travaux du groupe départemental de Meurthe et Moselle de l’ICEM, beaucoup dans leur groupe se sont lancés pour l’occasion, espérons que les pistes qu’ils ouvrent ici, vous donneront envie à votre tour d’essayer.

Xavier Gaillon

 

Le cahier

collectif

de la classe

 

Démarrer un cahier

 Ce cahier de vie, depuis qu’on en avait parlé... Je n’avais qu’une envie, c’était celle de le voir naître dans la classe, au service de la mémoire de cette classe qui chaque jour vivait et construisait une histoire qui finalement restait en suspend pour partie, sans laisser de trace pour le « plus tard », pour le jour où on a envie de se replonger dans le vécu, le passé du groupe, pour l’événement auquel on ne pense plus et qui, une fois retrouvé, fait revivre une émotion, relance une action... Et puis ce cahier qui peut sortir de la classe, se promener chez les parents, servir pour un soir de livre de chevet, de dialogue entre la vie de l’écolier et celle de l’enfant... Créer peut-être un petit lien de cohérence entre la vie de l’école et l’ailleurs...

 Alors finalement, c’est moi qui l’ai commencé. J’ai repris les principaux événements et retrouvé les écrits qui en parlaient, et le cahier a pris forme. Je l’ai montré aux enfants, et c’est l’envie de l’emmener à la maison qui a vraiment fait son chemin et qui a lancé auprès des enfants la dynamique pour que peu à peu ce cahier soit le leur, leur appartienne... Alors de photos en textes, de dessins en pages découpées dans les travaux de classe, de pages sorties de l’ordinateur à la petite anecdote vite relatée sur un papier et vite rangée dans le cahier, ce dernier est devenu gros, et personne n’oublie son tour pour le prendre le soir... et le retour que les parents en font est très positif...

 Pour le cahier de vie personnel... celui propre à chaque enfant, celui où sa vie personnelle, dans et hors de l’école peut venir trouver un endroit pour se raconter… on n’a toujours pas fait émerger de solution pour le faire naître.

 Un cahier « Quoi de neuf ? », un cahier « libre » ? un cahier « jardin secret » ?

A nouveau se reposent toutes les questions : à quoi va-t-il servir ? Que va-t-il apporter de nouveau par rapport à ce qui existe dans la classe ? Que vont-ils y mettre ? Comment vais-je intervenir sur ce cahier ?

            Magali

 
Notre album de vie

 Dans notre album de vie, on écrit et on colle tout ce qu’on a envie de garder et qui peut intéresser les autres et en particulier nos parents.

 Il sert à raconter les choses les plus marquantes de la vie de notre classe. En début d’année, on a tout d’abord commencé par y mettre nos anecdotes et nos lieux de vacances.

 Il sert à enregistrer ce qui se dit à tous les « Quoi de neuf ? », à répertorier tous les titres des textes libres présentés, à collectionner les textes écrits puis choisis par les enfants, des articles de « Mon Quotidien », les croquis des expériences réalisées en sciences, les schémas des montages en Lego technique présentés aux autres, les exposés, les enquêtes, les compte-rendus d’interviews, les recherches effectuées sur Internet, la correspondance électronique et les fax reçus par la classe.

 Il sert aussi de cahier de comptes coopé. Chaque fois que nous effectuons une entrée ou une sortie importante d’argent, nous calculons collectivement la somme encaissée ou versée.

 Il sert également à expliquer aux parents certaines de mes démarches de correction de la langue. On y installe par exemple toutes les phrases (tirées des textes libres) à corriger collectivement, une fois par semaine et placées ensuite dans notre classeur de français. Les titres des disques présentés pendant l’année y figurent.

 Il est illustré de photos prises dans ou hors de la classe, de cartes postales reçues, de dessins effectués en ateliers.

 On l’emporte tous les jours à la maison à tour de rôle.

 J’explique aux parents la fonction de cet outil lors de la réunion de début d’année et profite d’un édito du journal scolaire de la classe pour rappeler ses enjeux.

 Cet album de vie constitue la mémoire du vécu journalier de la classe, là où l’on va chercher la preuve que nos correspondants ont écrit ce jour-là et que nous leur avons répondu.

 Il est la preuve des progrès effectués par le groupe classe dans la prise de responsabilités et de confiance croissante et contribue sans aucun doute à l’épanouissement des enfants.

 Gilles

 

 L’album de vie est confié chaque jour à un enfant différent. Il en a la charge toute la journée et le ramène à la maison le soir afin de le montrer à ses parents. Le courrier qui leur est adressé en début d’album les informe sur le rôle de cet outil et ils ont à disposition des pages blanches pour réagir, donner leur avis. L’album de vie joue ainsi le rôle d’interface entre la famille et la classe.

 L’enfant qui en a la charge n’écrit, ce jour là, que dans l’album de vie. Il est hors de question que la gestion de l’album soit un surcroît de travail, il doit s’intégrer dans une pratique quotidienne. Les découpages et les collages constituent également un gain de temps très appréciable. Le but n’étant pas de faire une belle photo, mais une vraie photo.

 Je profite de l’heure de travail individualisé pour lui donner un petit coup de main. Car s’il s’appelle album de vie, il joue aussi le rôle de cahier journal de l’enseignant car tous les travaux y sont consignés, afin de faire de chaque journée la photographie la plus précise. Il peut être un support très utile pour le collègue qui vient nous remplacer, ainsi que pour tout visiteur de la classe.

Dominique

 En janvier, j’expliquai aux parents, aux enfants ce qu’était ce nouveau cahier : une info par semaine d’un événement de la vie de la classe. Les textes, dessins, collages venaient de moi et chaque vendredi matin, par petits groupes, nous regardions la nouvelle page, au fil des semaines, je n’ai eu que des retours positifs des enfants qui s’appropriaient leur cahier et des parents qui pouvaient « interroger » leur enfant sur ce qui se passait dans la classe. Ma hardiesse toute mesurée et mon gain d’assurance dans cette nouvelle expérience m’ont permis un jour de proposer aux enfants : « Qu’est-ce qu’on met dans le cahier cette semaine ? » et aux parents « Si vous le désirez, vous et votre enfant, vous pouvez écrire, coller, dessiner des événements de votre famille. »

Le message est passé. En fin d’année, ce cahier ne ressemble plus à celui de janvier ; il n’est plus à sens unique et les idées sont impulsées par les enfants, même si je reste encore la productrice des textes.

 Maryse



Page de garde du cahier de la classe de Dominique, destinée aux parents

 Autrefois, l’école parfois appelée « petite soeur des pauvres » n’offrait aux enfants qu’un seul et unique cahier du jour. On y trouvait essentiellement les activités de français et de calcul, parfois un peu d’histoire et de géographie voire de science. Cet unique cahier possédait tout de même un avantage, renvoyé aux parents, il reflétait assez bien le quotidien d’uune classe.

 Aujourd’hui, autres temps, autres moeurs, autres façons de travailler. D’autres disciplines sont venues se rajouter au même quota horaire : E.P.S., technologie, informatique, recherche documentaire, musique, arts plastiques, langues étrangères. Dans les casiers, on trouve maintenant parfois quatre, cinq, six, dix cahier, plus éventuellement un ou deux classeurs. Les traces écrites des enfants se sont disséminées dans la multiplicité des supports.

De plus, l’activité d’écriture n’est plus l’unique travail de l’enfant, on lui demande maintenant de s’exprimer oralement, d’échanger avec les autres, de questionner, de manipuler, d’observer, d’agir, de réagir, de s’interroger... Et si notre monde est celui de l’image, nos enfants explorent déjà le virtuel. Quoi de plus naturel alors, lorsqu’on est parent, d’avoir le sentiment de ne pas bien voir ce qui se passe dans la classe, d’avoir le sentiment que le travail de notre enfant nous échappe. La photo de classe a pris des couleurs mais elle est devenue floue.

C’est à cause de tout cela que nous avons décidé d’ouvrir un album de vie. Chaque jour, un enfant aura la responsabilité de raconter et d’illustrer notre journée, et chaque soir, il aura le droit de le ramener à la maison afin que vous, parents, puissiez le consulter et vous informer sur la vie de la classe. Mieux, les quelques pages blanches qui suivent vous sont destinées et vous donnent l’occasion de réagir sur cet album, afin de nous aider à le rendre un peu plus vivant chaque jour.

            Merci et bonne lecture.

 

 

Dans une classe

de petits-moyens-grands.

 

A l’école, il est le support de différents types d’écrits chaque semaine :

·    Ceux crées par les enfants

·    Sur la vie de la classe: création de nouveaux coins jeux, nouveaux jeux de l’école, sorties, projets (par exemple sur le bébé : évocation de leurs réactions et émotions devant leurs propres photographies de bébé), ateliers spécifiques (semaine du goût)

·    Sur des impressions individuelles lors d’un écrit personnalisé, dictées à la maîtresse : réaction sur un spectacle (ce que j’ai aimé, pas aimé), mon déguisement de carnaval, choix d’une photographie, d’un évenement et réactions.

·    Correspondances diverses : échange avec une autre classe, lettre au Père Noël, remerciements pour des intervenants extérieurs venus à l’école, donnant des phtographies ou de l’argent à l’école (mariages), réaction à une émission « Cache Cache Micro », lettre à la classe créatrice de l’émission, par exemple sur les peurs.

·    Fiche technique suite à une réalisation manuelle

·    Ceux apportés par l’extérieur : articles de journaux sur l’école, lettres des correspondants, supports d’un travail réalisé par l’enfant par exemple mise en couleur du dessin du bonhomme santé et de la pyramide alimentaire

·    Ceux apportés par l’enseignant : signe de l’enfant, photos des enfants, annonce d’une sortie.

Anne



Le cahier

de vie

Individuel

 

« Le cahier, c’est important, parec que c’est un objet personnel, personnalisé qui fait que l’écriture, la lecture, sont l’affaire de la famille… Moments de partages entre enfants, vécus intensément lors des consultations spontanées des cahiers : « tu te souviens quand… »

Charlotte

En maternelle…

Dans ma classe de 2 ans, le cahier de vie faisait la navette entre la maison et l’école. Il permettait de faire un point de langage avec les enfants au retour de l’école, des moments pour parler, pour partager des choses. Tout ce qui venait de la maison était prétexte au déclenchement d’un dialogue. On y mettait tout ce qui résultait des différents moments de vie, des sorties... afin de fixer les choses, de dialoguer indirectement avec les parents qui souvent, avec des enfants de 2 ans, nous disent ne pas savoir ce qui se passe en classe, nous disent questionner leurs enfants sans avoir de réponse... Et d’ailleurs quoi de plus normal avec des enfants de cet âge ?

Magali

 

J’ai mis un cahier de vie en place quand j’avais des élèves de moyenne section. On avait un guide de cahier de vie où des pistes étaient proposées et j’ai eu envie de les suivre. Il contenait le mot d’explication pour les parents, précisant quelques idées de choses à y mettre.

C’était vraiment la vie de l’enfant. Chacun avait son cahier à lui. Ce qui importait le plus était le lien affectif qu’il permettait. Certains parents avaient du mal à s’y mettre. De toute façon, il y avait ce que la classe y mettait. Les cahiers étaient à la disposition de tout le monde dans le coin bibliothèque. Un gamin pouvait le lire à un autre.

Isabelle

 

...mais aussi en élémentaire

Les enfants de l’école (Ecole de Plein-Air à Saint Max) sont en échec scolaire, pour la plupart en rupture avec le système éducatif, en perte de repères.

Le cahier de vie avec toutes ses vertues, semble parfaitement convenir à ces enfants.

Allait-il être personnel, collectif, à quels besoins devait-il répondre, quel support devait-il représenter pour eux ?

Finalement, je suis arrivé un lundi matin avec 14 grands cahiers.

J’ai opté pour un cahier individuel car il existe déjà dans la classe un grand Cahier de Vie collectif dans lequel les enfants viennent coller tous leurs textes libres accompagnés de dessins. Ce choix répondait également à un besoin car il leur manquait un support fixe pour leurs recherches math ou documentaires et pour tous leurs écrits.

Je leur ai dit que c’était un cadeau, que j’offrais à chacun ce cahier, que ça devait devenir leur cahier, par conséquent qu’ils en feraient l’usage qu’ils voudraient et qu’il pourraient bien sûr lui donner un nom.

Les enfants ont été, pour la plupart, très enthousiastes et ont rapidement investi ce nouveau support. Et puis, naturellemnt, Patrick a dit : « Je l’appellerai : Mon cahier de vie » d’autres l’ont appelé « mon journal personnel » ou « mes textes » ou encore « mon cahier ». Pour deux ou trois, ce nouveau cahier finit rapidement dans le casier… aux oubliettes.

Sébastien

 

 

La présentation des cahiers

 

En plus des moments prévus (regroupement du matin, parce qu’ils veulent montrer leur cahier, pendant le passage aux toilettes qui est très echelonné) le cahier m’a aussi servi à faire baisser la tension lors de moments très électriques. La présentation dure parfois jusqu’au jeudi : oubli de cahier, resté chez la nounou ou les grands parents, enfant malade, absent. Finalement, cela revient un peu au quoi de neuf. Souvent en grand groupe, on présente quatre ou cinq cahiers à la suite, pas plus. L’après-midi, les enfants continuent à présenter à un groupe plus restreint, et si une trace me paraît importante, l’enfant ou moi en reparlons le lendemain en regroupement.

Joëlle

 



Pratique

 

Prendre un grand cahier (24X32) pour ne pas avoir à découper les feuilles avant de les coller.

Prévoir une protection du cahier (ils voyagent beaucoup) et peut-être un sac spécial ; un bac de rangement des cahiers dans la classe, près de la porte si on souhaite que les parents les consultent.

On peut (presque) tout coller dans le cahier : papiers de toutes sortes, feuiiles, fleurs, plumes, dents, poux, graines, tissus, trésors...



 

En débat

Indiscret ?

Certains parents pourraient avoir des réticences à « étaler leur vie privée ». Mais bien sûr ce n’est pas ce que nous demandons. Ce sont eux qui tiennent la plume et ils ne racontent que ce qu’ils veulent bien (à eux de négocier avec leur enfant… C’est quelquefois l’occasion de discussion intéressantes). De toute façon, les enfants racontent beaucoup, au copain ou à la maîtresse, avec ou sans cahier.

Creuser les différences ?

Ayant l’impression de creuser la différence entre les enfants qui reviennent de la maison avec leur cahier beau et bien rempli de choses intéressantes et ceux qui reviennent sans rien à montrer aux copains, j’ai envie de mettre des objectifs différents pour ce cahier.

Il serait avant tout un cahier de mémoire de la vie dans la classe, moyen d’information aux parents, support au langage oral et écrit.

Je n’attends donc plus de traces de la maison, s’il y en a c’est bien, mais ce n’est pas l’objectif essentiel ; l’essentiel est de raconter la classe aux autres : parents, correspondants…

Comment aider les enfants dont les parents n’écrivent pas dans le cahier ?

Il faut avoir de la patience, c’est quelquefois très long. On peut coller et écrire des choses plus personnelles avec l’enfant (il pourra ainsi les montrer aux copains et cela finit par donner des idées aux parents). Pour les parents qui ne parlent pas le français ou qui ne sont pas à l’aise avec l’écriture, demander l’aide d’un grand frère ou sœur, mais ils trouvent souvent d’autres manières de raconter, comme ce papa turc qui avait collé des plumes dessinant des oiseaux pour raconter une promenade ou cette maman qui avait décoré le cahier de paillettes dorées qui avaient fait l’admiration de tous.





Pour contacter le groupe départemental 54 de l’ICEM

Magali Wenz

14, rue de la Mairie

54170 BAGNEUX

m.wenz[arobase]ac-nancy-metz.fr

 

Site internet du groupe :

http://www.ac-nancy-metz.fr/ia54/site/icem/icem_som.htm

 

Le petit journal de Bizu

Février 2001
Le Petit Journal de Bizu est le journal de l’école de Beaumont-Pied-de-Bœuf. A la fois journal papier, journal e-mail et journal web, c’est la base du travail des enfants de la classe de Hervé Moullé*. Il nous explique comment s’organise la classe pour qu’une telle réalisation soit possible.
 
 
Hervé Moullé, instituteur, directeur de l’école de Beaumont-Pied-de-Bœuf (53),
15 enfants de 6 à 11 ans en classe unique du CE1 au CM2
responsable départemental du groupe ICEM 53
 
Depuis l’origine de l’école Bizu à Beaumont-Pied-de-Boeuf, c’est-à-dire depuis la rentrée 1994, la classe a plusieurs fois tenté de créer un journal. Des documents étaient préparés et édités par nos soins, quelques numéros sortaient puis le journal s’arrêtait. Le fonctionnement n’était sans doute pas bon. La motivation était-elle réelle? Il n’était peut-être pas assez intégré dans le fonctionnement du groupe. Or, depuis un an, « le petit journal de Bizu » existe. La matière est abondante. Il sort régulièrement, parfois plusieurs fois par semaine.
 
 Pourquoi et comment?

Le journal est devenu une institution de notre vie quotidienne, il se fabrique naturellement. Il est devenu un outil de communication avec notre entourage, parents, amis, communes, correspondants. C’est l’outil de diffusion de nos écrits.


Il est facile à réaliser. Le journal est multimédia : papier, messagerie, web.

L’expression du matin

Notre matinée se déroule de la manière suivante:

Les enfants arrivent à l’école entre 8h30 et 9h selon qu’ils habitent le village ou qu’ils utilisent la voiture des parents ou le bus du transport scolaire. A 9h, la journée peut commencer. Après avoir laissé les chaussures dans le couloir et avoir chaussé les chaussons, les enfants forment le groupe et se retrouvent autour des grandes tables. Les distributeurs de quinzaine donnent à chacun une demi feuille de papier blanc. C’est le moment de l’expression du matin encore appelée « la phrase du matin ».

Avant, nous commencions la journée avec un « Quoi de neuf? » qui pouvait durer plus ou moins longtemps. Une lettre de Paul le Bohec nous a permis de réfléchir à ce moment et nous l’avons transféré au jeudi après-midi pour ainsi commencer la journée par un moment d’expression.

Chaque enfant commence donc sa journée à l’école par du dessin ou de l’écriture. Le matin, les expressions écrites et dessinée sont privilégiées et l’expression orale est mise en avant à d’autres moments dans la semaine.

Nous valorisons et publions tous les textes sauf lorsque l’enfant ou l’instituteur pense que le thème est trop privé.

Après ce moment, nous passons au travail individuel. Celui qui a écrit une phrase ou un texte va commencer sa correction. Les autres vont s’occuper avec les fichiers, les fabrications d’albums, les recherches…

L’enfant écrivain utilise une grille de correction affichée, des dictionnaires (J’écris tout seul ou Vérificateur) et son cahier d’orthographe.
 
Quand il pense être prêt, il apporte à l’instituteur sa feuille (datée et signée) pour affiner la correction. L’instituteur n’écrit pas sur la feuille de l’enfant, il protège le document brut. Il propose à l’enfant sur une autre feuille de même format des pistes pour trouver la bonne orthographe : une explication d¹accord, un rappel d’orthographe d’usage ou une réécriture pour certains enfants notamment les plus jeunes ou des plus faibles.

Les corrections sont ensuite écrites sur le cahier d’orthographe pour être utilisées plus tard. Le texte est recopié au « propre » pour la suite du travail.

La production écrite corrigée peut alors être tapée sur un des dix ordinateurs installés dans la classe. Un réseau localtalk de Macintosh (Plus, LC, FX, Performa…) donnés ou achetés d’occasion est installé le long d’un mur de la classe. Ils sont suffisants pour le traitement de texte. Nous utilisons ClarisWorks 3. Nous n’avons reçu à ce jour aucune dotation en matériel.


L’enfant s’installe à un poste et accroche sa feuille corrigée à côté de l’écran. Il tape son texte sans oublier de le signer.

Il faut indiquer que les nouveaux enfants arrivés en début d’année apprennent avec les plus anciens le fonctionnement des machines et des logiciels.

Le texte est à nouveau vérifié par le dictionnaire de l’ordinateur puis par l’instituteur. Il est enregistré dans un dossier dans le disque dur du poste serveur avec un nom sous la forme : « prénom thème ».

Cette matière première servira plus tard pour le journal ou un album. A ce stade de la matinée, nous sommes à la tête d’un ensemble de textes divers et variés. Les fichiers se trouvent dans un dossier de notre réseau. Un des ordinateurs possède un dossier partagé appelé « textes et dessins ». Chaque poste y a accès. Un enfant peut ainsi commencer à taper un texte sur un poste libre, enregistrer son fichier, passer à autre chose et reprendre sa frappe plus tard sur un autre poste libre. Il n’y a donc jamais de file d’attente aux machines chez nous car elles sont en nombre suffisant. La machine ne crée par d’impatience, elle organise et amplifie l’expression.

Le journal peut alors être mis en forme pour sa partie « expression du matin ».
 
Un journal à 3 formes

Nous avons mis au point un modèle qui permet la publication du journal sous plusieurs formes : le journal papier, le journal e-mail, le journal web.

Le journal papier est une feuille A4 en format paysage constituée de 2 ou 3 colonnes en fonction de la place prise par les textes. Il est imprimé en couleur puis photocopié en noir et blanc. Il est collé à chaque parution sur le « cahier de maison » qui voyage entre l’école et la famille le soir. Cela permet de ne pas l’égarer et de le consulter plus tard en cas de besoin. Il est aussi affiché dans la bibliothèque communale et donné à des amis de passage.

Pour fabriquer rapidement le fichier du jour, nous avons mis au point un modèle qu’il suffit de remplir. Il faut ouvrir chaque fichier d¹enfant, sélectionner puis copier le texte tapé et le coller dans le modèle. Le document ainsi créé est enregistré avec comme nom de fichier la date du jour: « 20001114 ». Cette astuce de date inversée permet de classer alphabétiquement et chronologiquement nos fichiers.

Le journal imprimé est agrémenté de cadres, de séparateurs et de dessins ou de photos numérisés par les enfants qui utilisent l’appareil photo numérique ou le scanner de manière autonome.

Le journal e-mail est envoyé à des destinataires par internet. Il s’agit du même document que la version traitement de texte et papier, collé dans Outlook-Express dans un e-mail envoyé à un ensemble de destinataires par internet: la liste acticem des classes Freinet, des amis sur la planète: écrivain, enlumineur, japonais, dessinateur de BD, familles d’enfants, résidents secondaires de Beaumont-Pied-de-Boeuf, habitants de la commune... Un modèle a été créé pour simplifier l’envoi.
Il est le lien entre nous et nos amis éloignés. Nos correspondants reçoivent ainsi plusieurs fois par semaine de nos nouvelles. Le temps manque pour envoyer des lettres à tous nos amis alors, de cette manière, chacun reçoit une lettre journal.

Les retours, les commentaires, les félicitations et les demandes sont nombreux et alimentent des échanges fructueux.

Le journal web est une page dans notre site d¹école www.ecolebizu.org. Le même contenu est collé sur une page web dans ClarisHomePage, agrémenté de dessins, de photos et de liens puis envoyé avec Transmit sur notre centre serveur, alimentant ainsi nos dossiers internet. Des liens sont créés dans la page sommaire du journal et dans celle de notre encyclopédie d‘albums permettant à la page de trouver sa place sur notre site d’école. Là aussi, un modèle permet de faire vite et simple. Il faut que l’enfant soit le plus possible utilisateur du matériel en autonomie.
 
Que deviennent les expressions écrites et dessinées du matin?

Les documents bruts et les corrections sont rangés dans un classeur personnel, dans une pochette plastique avec une feuille de couleur servant de fond pour mettre en valeur la création enfantine. Les classeurs peuvent être feuilletés par tous ou exposés, montrés aux familles... Ils servent pour analyser les évolutions de chacun chronologiquement.

Le document du jour


Il est souvent dans la deuxième partie du journal. Parfois il prend toute la place. Parfois l’expression du matin devient un document du jour. C’est une mise en commun d’un thème: un compte-rendu de visite, de conférence, d’événement, de document vidéo ou de film vu...
 
Nous nous rassemblons devant nos machines, il y a un banc, des tabourets et une table pour s’installer tous. Pour faire vite, c’est l¹instituteur qui tape le texte sous la dictée des enfants en train de discuter et d’élaborer en commun un texte sur le thème choisi.

Le document du jour va rejoindre les expressions du matin pour finir le journal.

Pour l’instant, un journal est considéré fini lorsque la page est pleine. Si des textes sont trop longs, nous changeons la taille des caractères. Si la page est pleine, les autres textes trouveront une place dans le journal suivant.

Des annonces pour le site


Les enfants réalisent des albums documentaires qui ne peuvent pas trouver leur place dans le journal car ils sont trop volumineux. Lorsque qu’un album a été scanné et transformé en pages web, nous annonçons à la fin du journal l’adresse de l’album en question.
 
Conclusion

Le journal est à la base du travail d’écriture des enfants. Il est une incitation à faire, à écrire et à lire. Il diffuse la vraie expression enfantine. Il montre du vécu, du beau et du sentiment. Il est la mémoire individuel et la mémoire du groupe. Il amène un besoin de correction et de mise au propre pour la diffusion. Il est création collective de documents documentaires, de documents exploitables par d’autres enfants, ailleurs. Il s’intègre à la correspondance et aux échanges avec l’Autre. Il implique d’utiliser la technologie pour l’entrée des textes, la numérisation des dessins et des photos, l’impression, l’envoi sur le réseau. Il est média. Il est « le petit journal de Bizu ».

Du côté des enfants

Je regarde tous les enfants plongés dans leurs imaginations du matin.
Ils réfléchissent : « Qu’est-ce-que je vais faire comme expression ? »
Ils ont chacun leurs idées. Ils discutent entre eux pour parler de leur vie, de leurs amis.Voilà ce qui se passe le matin. On le fait pour nos correspondants, pour se faire connaître dans le monde sur internet. Pour eux, ça doit être bien de recevoir notre journal. C’est un travail de montage. Nous le faisons une fois de temps en temps et parfois tous les jours. Nos textes ont évolué dans l’ordre croissant. Au début, ils étaient petits et maintenant, ils sont grands.
 
Coline, 10 ans

Les textes sont envoyés sur internet pour tous les gens.
 
Jérémy C. 7 ans 1/2

J’écris mon expression du matin sur une petite feuille. Hervé la corrige. J’écris à l’ordinateur. Je fais le travail individuel.

 
Margot, 6 ans 1/2

On l’envoie quand on a le temps. On écrit ça pour raconter la vie de la classe. On le fait parce qu’on veut que le monde le lise. On a souvent un document à taper à l’ordinateur.
Juliette 8 ans

Tous les matins, la distributrice et le distributeur donnent une petite feuille. Nous avons quelques minutes pour écrire ou dessiner. Après nous faisons corriger à Hervé et après, on peut le taper à l’ordinateur. Nous l’envoyons à nos correspondants. Ce travail nous sert aussi à apprendre l’orthographe des mots.
 
Arnaud, 10 ans

Chaque matin, nous écrivons des textes et nous faisons corriger à Hervé. Ensuite, nous le tapons pour qu’Hervé les colle tous et ça fait un journal. Après, on le met sur le site et après plein de gens pourront le regarder et nous écrire ce qu’ils ne trouvent pas bien (par exemple: par assez long ou il y a une faute...)
 
Yoann, 9 ans

Pour faire le journal de Bizu, on tape nos phrases du matin. Une fois qu’on en a assez, on met tout sur une page avec la date et le nom du journal. On imprime le tout sur une feuille et tout le monde l’a. On le fait pour que tout le monde puisse lire les phrases des autres. On fait aussi des documents comme celui sur Thomas Edison. On le fait pour nous ainsi que pour nos amis d’internet comme Akari, Stéphane Méliade ou Marie Mélisou. On a beaucoup trop de correspondants pour leur écrire à tous.

 
Mathieu, 9 ans

Bizu est un personnage de BD créé par Jean-Claude Fournier (Bizu, Spirou, Les Crannibales) qui a offert à l’école son nom et son logo.

Les encarts présentent des dessins et des textes tirés du journal et des photos des enfants en activité.

Coopérative de l’école Bizu

53290 Beaumont-Pied-de-Boeuf http://www.ecolebizu.org
info[arobase]ecolebizu.org



Cet article de l'Educateur est en version web avec des mises à jour à l'adresse suivante:
www.ecolebizu.org/EducateurJournalBizu
 
 
A Hervé
 
Il est intéressant ton système de phrases et il donne de jolies choses.
C'est dommage qu'il soit cassé dès le départ par le quoi de 9.
Les enfants arrivent à l'école pas encore très bien réveillés et encore plein des images des dessins animés et des jeux-vidéos de la veille, des rêves de la nuit et de la rêverie provoquée par le défilé des images floues vaguement aperçues à travers les vitres de la voiture.
Ils ont souvent à les évacuer. Mais le q. de 9 vient casser tout cela et le fait reculer dans les têtes. La réalité terre à terre prend le dessus et c'est miracle que chez Mathieu et Thalie, Claire etc. des images neuves subsistent.
A titre expérimental, ils pourraient commencer la classe par des textes sur cahier d'essais sans le rituel de la distribution de la feuille. Aussitôt après, vous pourriez en venir au Q. de 9 pour reprendre le déroulement habituel de vos travaux.
Mais l'authenticité de l'expression aurait été préservée.
Chaque enfant commence donc sa journée à l'école par du dessin ou de l'écriture. Le matin, les expressions écrites et dessinée sont privilégiées et l'expression orale est mise en avant à d'autres moments dans la semaine.
 
Paul Le Bohec



-Nous avons essayé de faire comme vous mais nos phrases ne sont pas si jolies ni aussi poétiques que les vôtres. Au début est-ce que vos phrases étaient jolies ou est-ce que cela vient après? (école de St Simon de Bordes)
 
- Mes amies Bizutines, mes amis Bizutins,
De toutes tailles, formes et couleurs, je vous lis.
Vous êtes toujours aussi belles et aussi beaux.
Il faut que je dise une fois aux membres de cette liste, quelle joie intense m'ont donné les moments partagés ensemble.
Être chez Bizu, c'est être en famille...
C'est grandir, aussi.
C'est marcher dans un grand jardin à idées qui poussent sans cesse, un jardin à fleur d'enfants, avec l'arbre Hervé, à la fois souple et droit.
Il fallait que je le dise un jour très haut: Je vous aime.
Ce sera ma phrase du 5 mars 2000 ;-) (Stéphane Méliade)
 
-Petits et Grands, Bizutines et Bizutins, c'est un bonheur de vous lire... Guy et Renée Goupil
 
-Le petit prince, c'est toi, qui a le beau coeur et les beaux yeux. (Akari, du pays de Pokémon...)
 
- Silence total
Chacun s'applique
Rêvant du baobab
Là-bas, si loin, près de l'Afrique ...
Ciel bleu, sable fin
Mais aussi chaleur tropicale
Ici, à Beaumont, on est bien
N'est-ce pas le principal? (Janine Jouneau)
 
- J'ai bien reçu vos petites phrases du jeudi. J'ai remarqué que vous les avez envoyées en Roumanie. Est-ce que vous avez des correspondants roumains? ... (Sandra)
 
- Salut les bizutines et les bizutins,
Merci pour vos phrases. J'en ai une: "Les hommes préhistoriques devaient avoir une vie plus difficile que maintenant, mais ils se cassaient sûrement moins la tête! (au sens figuré bien sûr)". (Pierre-Elie, musée de préhistoire de Menton)
 
- Vos phrases du matin nous ont donné l'idée d'écrire "les poèmes du matin" sur le même principe mais à partir d'un mot proposé par un élève comme liberté, printemps, arbre, bourgeon... Nous vous enverrons bientôt quelques réalisations. (école de Bonnay)



Liste des documents du jour
 
-le mot "destin"
-chanson "la marche des rois"
-recherche mathématique
-réactions à notre journal
-poésie: "anagrammes"
-Thomas Edison
-anniversaire de Bizu
-les mots en lettres
-nos anagrammes
-débat: "phrases du matin"
-photo aérienne
-visite au village
-Louis Pasteur
-la bibliothèque
-les mots terminés par...
-une pièce ancienne
-Alain Gerbault
-la règle d'or
-article de journal
-la visite au moulin
-un roman d'enfant
-radio Bizu
-ma première journée
-virade de l'espoir
-biographie de notre amie poète
-la grande guerre
-l'encre de galle de chêne

 

La classe passerelle

Février 2001

 

La classe passerelle :
un classe pour les enfants…
et les parents
 
 
Issu d’un partenariat entre l’Education Nationale et les services sociaux, la classe passerelle, rattachée à l’école maternelle Condorcet de Boulogne-sur-mer, accueille de très jeunes enfants avec leurs parents depuis Septembre 99. Elle s’est donné pour objectif de faciliter la séparation mère-enfant mais aussi offrir un lieu d’écoute à des parents quelquefois dépassés.
 
 
Marie-France Caron,
psychologue scolaire,
intervient dans la classe passerelle
sur l’accompagnement des parents
plcaron[arobase]club-internet.fr
 

 



Sa création, à l’initiative de l’Inspectrice de l’Education Nationale, en partenariat avec le CMP et la PMI (Protection Maternelle Infantile), s’est appuyée, face aux difficultés récurrentes de certains enfants, sur un ressenti commun de la nécessité d’intervenir le plus précocement possible et dans un champ plus large d’actions, auprès des enfants de familles dites «  à risques ». En effet, cette classe passerelle accueille des enfants venant de cinq secteurs d’écoles maternelles, toutes en REP (Réseau d’Education Prioritaire. La population est très démunie économiquement, socialement et culturellement.
 
Si l’objectif premier est de travailler au niveau de la séparation mère-enfant en offrant un lieu intermédiaire souple dans l’exploitation du temps et de l’espace permettant des éloignements modulés, les démarches et l’accompagnement proposés s’inscrivent dans un cadre plus large d’interventions et de finalités qui sont entre autres : renforcer la rencontre mère-enfant en permettant le soutien des investissements positifs dans une expérience attractive partagée, faciliter et solliciter les échanges verbaux, travailler au niveau de l’attention portée précocement au développement du jeune enfant, à ses compétences, réconcilier certaines familles (au vécu scolaire souvent douloureux) avec l’institution scolaire… mais aussi offrir un lieu de rencontres, d’écoute à des mères souvent jeunes, souvent dépassées face à une fratrie nombreuse, souvent seules et sans soutien transgénérationnel.
 
Les locaux qui reçoivent parents et enfants se composent d’une salle de classe maternelle traditionnelle et d’une grande salle aménagée pour une partie en coin d’accueil pour les parents (autour du coin café) et pour une autre partie d’un grand espace de jeux et d’explorations motrices.
 
Les personnes qui interviennent dans cette structure sont : une enseignante, Madame Viseux, maître soutien REP, qui y consacre la moitié de son temps, un aide éducateur (seul poste réellement créé pour cette classe) une psychologue scolaire (une demi journée par semaine). Venant du CMP, une psychomotricienne et une infirmière psychiatrique ayant travaillé en unité de très jeunes enfants, interviennent en alternance.
 
Les enfants amenés à fréquenter ce lieu nous sont envoyés par la PMI (bonne connaissance des familles à partir des consultations), par des enseignantes et directrices d’écoles maternelles (par exemple après une tentative de fréquentation scolaire jugée trop difficile et douloureuse pour l’enfant), par le CMP et plus globalement par tout intervenant social (AEMO, Action Educative en Milieu Ouvert).
Pour l’année scolaire 99-2000, 19 enfants soit 16 familles (16 mères et 3 pères) ont fréquenté cette classe. Le créneau d’âge initialement prévu était de 18 mois à 3 ans mais des plus jeunes accompagnant leur sœur nous avons accueilli deux petites filles âgées respectivement de 15 et 16 mois.
 
Cette classe a d’abord fonctionné deux matinées par semaine mais l’accroissement de l’effectif et l’évolution de certains enfants nous a amenés à leur proposer, pour le dernier trimestre, un accueil supplémentaire les deux autres matinées, cette fois sans leurs parents. Trois enfants ont pu, par ailleurs, être réintégrés en maternelle.
Si notre travail restait bien centré sur l’enfant et les interactions mère-enfant, nous n’avons pu éviter que le lieu soit investi par les mères pour elles-mêmes (y trouvant ce que l’on pourrait appeler un « petit ravitaillement narcissique »). Ce qui a parfois posé problème quand nous proposions pour l’enfant l’intégration en classe maternelle…
 
On peut penser que si les parents se sont sentis bien dans cette structure, c’est que nous avons toujours essayé d’éviter ce qui aurait pu être vécu comme intrusif, directif ou s’inscrivant dans un quelconque assistanat. Les parents étaient accueillis dans un climat convivial, invités à partager des moments d’activité avec leurs enfants, moments privilégiés, souvent à l’origine de découvertes et de plaisirs. Nous avons fait des sorties ensemble (Nausicaa, ferme pédagogique). C’est aussi que, si chaque intervenant y trouvait sa place, la personne référente et, pour tout dire, « porteuse » de la structure était l’enseignante, gage peut-être d’une certaine « normalité ». De même, l’accompagnement des parents s’est fait sur mode plutôt informel. Ils ont participé entre autres à la décoration des locaux, fabriqué des jeux pour les enfants ; activités manuelles et créatrices amenant une cohésion dans le groupe mais permettant aussi une parole plus libre et spontanée. Beaucoup de choses ont pu être ainsi évoquées, dites, entendues mais sans qu’aucun thème n’ait été au préalable prévu et imposé.
 
Si nous avons pu fonctionner sur le terrain avec la souplesse et la simplicité requises, c’est que notre fonctionnement s’est accompagné d’un important travail de réflexion et d’analyse au niveau de l’équipe mais aussi dans des groupes élargis à tous les partenaires. Encadrement qui nous a permis d’éviter des dérives et de recentrer nos objectifs (mais aussi parfois de « regonfler » les troupes, quelque peu affaiblies par un contact étroit avec beaucoup de souffrance et de misère sociale).
 
Quand la création de cette classe passerelle a été envisagée, les membres de l’équipe pressentis ont immédiatement adhéré à ce projet, tant il apparaissait intéressant, novateur et porteur d’espoir. Ce qui n’excluait pas beaucoup d’incertitudes, de doutes car sans référence d’une expérience similaire. Nous nous sommes questionnés tout au long de l’année sur la justesse de notre travail.
 
Une année de fonctionnement a levé beaucoup de craintes, le bilan nous apparaissant très positif (nous en sommes gratifiés mais toujours un peu surpris) si on se réfère à l’évolution des enfants (certains progrès ont dépassé nos espérances) à la fréquentation, à l’apparition d’attitudes parentales nouvelles, à la façon aussi dont la classe passerelle a été reconnue par la communauté dans ce qu’elle pouvait représenter comme dispositif valable et sérieux.

 

La boîte à gros mots

Février 2001

Cela s’est passé soudainement dans ma grande section, en milieu d’année. Des enfants sont venus se plaindre, de camarades qui avaient «dit des gros mots». Il s’agissait parfois de propos tenus avec la volonté évidente de blesser, mais aussi de paroles échappées par inadvertance. Malgré ma protestation, ces cas isolés ouvraient la porte à leur emploi dans la classe. Ce problème, médiatisé par le conseil, devait forcément trouver une solution collective. La règle n°5 «on parle correctement» a été alors élaborée par la classe dans ce but. A partir de ce jour, les "gros mots" devenaient donc interdits dans la classe.
Lors de la discussion sur les "gros mots" qui suivit, il m’est apparu, que les enfants avaient beaucoup plus de mal à définir ce qui n’est pas un gros mot, plutôt que ce qui en est un. Comme nous ne prenons généralement pas la peine d’expliquer aux enfants ce qu’est un mot grossier (agir de manière contraire aux bienséances), ils se forgent une opinion par rapport aux situations de leur univers quotidien. La "baffe" reçue à la suite d’un tel propos, leur fait très vite comprendre, ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas !

Ils vont ainsi comprendre progressivement les 6 règles régissant la "bienséance" :
-Il existe un âge où il est permis de dire des mots grossiers.
-Il existe des lieux où on ne peut les exprimer
-Il existe des catégories de personnes à qui on n’a pas le droit de les dire
-Le ton peut transformer des mots ordinaires en gros mots
-Il existe un contexte influant sur ce qui est entendu
-Un gros mot dit à un ami dans des circonstances normales n’est plus un gros mot.

Ils vont comprendre également qu’il existe au-delà de l’interdit, une hypocrisie très grande à ce sujet : les adultes qui n’en permettent pas l’emploi aux enfants, se l’autorisent bien souvent pour eux même.
Côtoyant quotidiennement (à la maison parfois, dans la rue, à l’école...) ces mots qui font mal, ils vont très vite en comprendre l’intérêt. C’est avec leur vécu et leur propre bagage (de gros mots), qu’ils nous arrivent à l’école.
Comme, les problèmes liés à ce type de vocabulaire débordent dans la vie ordinaire d’une école et notamment en récréation, il nous devient difficile de ne pas y réagir. Généralement, les "gros mots" sont purement et simplement interdits à l’intérieur des établissements scolaires, ce qui permet :
-l’obligation pour l’enfant d’adopter un registre de langage adapté aux situations.
-la protection de ceux qui ne connaissent pas ces mots.
Cet interdit n’est pas sans intérêt, mais ne considère pas les enfants avec leur histoire propre. Surtout, il ne répond pas à la question que se pose l’enfant : pourquoi quand lui, est en colère, n’a t il pas le droit de se «défouler» par les mots ? Il est capable de le comprendre si on lui explique que l’on n'a pas le droit de blesser les autres, y compris avec des mots, à condition qu’il existe dans l’école, des lieux où la parole à une valeur, et où régler des conflits.
Peut être est-il utile de mettre en place, à titre transitoire, un lieu où on pourrait exprimer sa colère, sans pour autant blesser les autres.
En fait, dans ma classe, la règle n°5 ne pouvait prendre son sens qu’à partir du moment où le conseil permettait de résoudre les conflits et que je permettais, à ceux qui ne pouvaient plus maîtriser leur violence, de se «défouler » dans un endroit «protégé ». J’ai donc autorisé au sein même de la classe l’existence d’un tel lieu : la boite à gros mots.
Il s’agit d’une boite en bois, pourvue d’une porte fermée par un cadenas, et sur laquelle sont disposés des trous (à la manière d’un hygiaphone). On peut y dire tout ce que l’on veut, à la seule condition que ces paroles ne puissent parvenir à l’oreille de personne d’autre.
Quand je la leur ai présentée, je ne leur ai pas montré l’intérieur qui gardait ainsi tout son mystère. Le premier jour, le coin de la classe, où était disposé la boite, ne désemplissait pas (même d’enfants qui d’ordinaire ne disaient jamais de gros mots).
Par la suite, la nouveauté ayant fait son chemin, la boite prit ses marques. De temps en temps, un enfant arrêtait ce qu’il était en train de faire, se levait, se dirigeait vers la boite, prononçait quelques mots, puis revenait s’asseoir.
Les gros mots ont disparu de la classe aussi rapidement qu’ils étaient apparus.

Jérôme Tcherniatinsky
Institut Parisien de l’Ecole Moderne
jerometche[arobase]ifrance.com
 

La pédagogie Freinet au Québec

Février 2001

La pédagogie Freinet est bien vivante au Québec. Elle s'y pratique depuis déjà plusieurs années. Marc Audet*, nous en présente l’historique et fait le point sur son actualité.

 

Avant les années 60, elle était le fait de très peu de personnes, notamment à l'école Noël, de Beloeil ; le milieu scolaire était en effet très fermé, à cette époque, replié sur lui-même. Le ministère de l'Éducation du Québec songeant à y provoquer des changements, on a fait venir des militants du mouvement français afin d'animer des ateliers d'été et de mettre en route des pratiques plus ouvertes dans les classes des participants.

Doucement, les pratiques se sont ouvertes, et un premier mouvement regroupant des participants à ces stages a vu le jour, Les Chantiers pédagogiques du Québec. L'élan était donné. Même si ce mouvement n'a pas vécu très longtemps, les gens qui y ont participé n'ont jamais abandonné leurs pratiques, et ont favorisé une diffusion lente mais efficiente des pratiques de la pédagogie Freinet

C'est ainsi qu'un autre mouvement, celui-là identifié à la pédagogie Freinet, le « Collectif québécois de l'École Moderne », a vu le jour en 1982. Nous avons eu plusieurs rencontres d'été, au long des années ; nous avons publié une revue, Chantiers. Depuis les dernières années, il est plus difficile de maintenir en vie notre mouvement, car la relève n'y est pas, comme cela semble être le cas de plusieurs mouvements frères dans le monde. C'est d’autant plus vrai qu'il n'y a jamais eu chez nous beaucoup de membres actifs. Mais nous maintenons notre mouvement en vie, un secrétariat répond aux rares demandes, et prépare un renouveau, nous l'espérons, par le biais des nouvelles technologies de la communication. Nous préparons en effet la publication d'un site web, où nous voudrions diffuser tout ce que nous avons fait et qui est toujours d'actualité et utilisable.Nous pensons qu'il sera plus facile de cette manière de mettre au service de qui est intéressé tout ce que chacun de nous a contribué à créer, à mettre au point, toutes nos réflexions qui dorment présentement dans des caisses où elles sont entreposées, faute de personnes pour les proposer à l'occasion de stages, de congrès, d'ateliers… Il s'agit de mettre le temps de donner une forme à tout ce que nous avons. Ce n'est pas une tâche aisée, car les personnes impliquées sont toutes très occupées par ailleurs dans leurs tâches quotidiennes. Car les praticiens québécois de la pédagogie Freinet sont tous actifs dans leur classe. Et le travail ne manque pas. Plusieurs d'entre nous, à titre individuel surtout, font beaucoup d'animation un peu partout, dans les écoles, et contribuent à rendre le milieu plus réceptif pour une renaissance du mouvement. Par ailleurs, plusieurs expériences intéressantes se font autour des pratiques de la pédagogie Freinet : des écoles ont adopté officiellement la pédagogie Freinet et en ont fait leur projet éducatif. Ce sont la plupart du temps des écoles alternatives, mais elles font tout de même partie du système public d'enseignement, et leur influence s'étend progressivement.

C'est ainsi qu’existent à Montréal et Québec des écoles à pédagogie Freinet, où tous les participants, parents, enfants et enseignants, ont choisi nos valeurs, nos pratiques, nos techniques de travail. Elles sont maintenant dans la ligne de mire de tout le milieu de l'enseignement.

Le milieu scolaire québécois tout entier est en effet effervescent depuis quelques années. Une vaste réforme est en cours, qui affectera l'essentiel de l'acte éducatif, et la tendance favorise beaucoup notre pédagogie. Nous y avons quelque chose à dire et à faire. C'est pourquoi nous croyons que la publication de notre site relancera le mouvement québécois, et le replacera au centre des mouvements éducatifs du Québec. En attendant que nous soyons en mesure de publier notre site, nous pouvons recevoir des messages et tenter de répondre aux demandes qui nous sont faites : nous avons une boîte à lettres électronique que nous vous invitons à utiliser.

Vous y êtes les bienvenus !

Marc Audet

 

Marc Audet, secrétaire
Collectif québécois de l'École Moderne - Pédagogie Freinet
150, Chemin de l'Aqueduc, Beauport, Québec, G1E 6B1
tél.: 418-666-7187
Courriel: cqem_pf[arobase]hotmail.com
 

Italie : quand l'extrême droite s'attaque à l'histoire

Février 2001

Je ne sais pas si vous avez entendu parler en France, de ce qu'a imaginé notre président de région, Storace, "digne" représentant du Pôle de la liberté et d'Alleanza Nazionale (le vieux MSI = FN amélioré, modernisé !!!). Ce "digne" représentant politique a décidé de mettre son nez dans les livres d'histoire, affirmant que ceux qui enseignent le Marxisme aux élèves devraient être chassés des écoles, parce qu'ils détruisent la vérité historique.

Sur le site officiel d'Alleanza Nazionale, en outre, il est demandé aux étudiants de communiquer les noms des enseignants d'histoire qui seraient de gauche, en clair, faire une véritable liste de noms, peut-être en vue de licenciement ? C'est une véritable attaque contre la démocratie, un véritable danger, qui nous inquiète beaucoup pour les prochaines élections.

Au cours d'une émission de la télévision qui s'appelle "Porte à porte", animée par Bruno Vespa, Storace a rencontré Diliberto représentant de Refondation Communiste (groupe Cossuta et non Bertinotti dont s'est séparée une frange du Parti sous le gouvernement d'Alema). Pendant cette émission, Diliberto a plusieurs fois réaffirmé que la décision d'interdire les livres "incriminés" équivaudrait à une censure et serait une atteinte à la liberté d'enseigner, et à celle des historiens. Par contre si les gens de droite ne sont pas d'accord avec les historiens, rien ne les empêchent de faire écrire des livres d'histoire par leurs historiens de droite.

Storace, plein d'arrogance et avec ses maigres moyens intellectuels a continué à parler de complot de gauche. Diliberto a fait remarquer à cet homme politique de droite, que son attitude a en quelque sorte poussé un groupe de jeunes (squadristi) à attaquer les librairies romaines et à brûler les livres d'histoire.

Voilà le climat de répression qui nous attend.

Maria-Luisa Pesce
professeur d'éducation physique
Collège "via Fosso dell'osa"
Villagio Prenestino
Rome
 

Compréhension

Février 2001

CHRONIQUE DE L’ECOLE ORDINAIRE
Compréhension.

L’an dernier Franck avait fini par s’habituer à l’école maternelle et à ses rites. Certes, il s’ennuyait fortement pendant la lecture mais il aimait bien retrouver ses copains et copines pendant la récréation pour des courses de patinette ou des glissades sur le toboggan. En classe, il occupait rarement sa place et sa résidence presque principale était le “coin-garage” et ses petites voitures, quand il ne déambulait pas entre les tables pour aller taquiner Pierre ou Paul. Il reconnaissait l’étiquette portant son nom et l’accrochait parfois, le matin, sur la planche à clous en forme de maison censée représenter l’école et les élèves présents. Il n’était cependant capable ni de reconnaître les prénoms des autres ni de les dénombrer, et le rassemblement sur le “tapis” lui inspirait plus l’envie de chahuter que d’écouter la maîtresse expliquer ce qu’il convenait de faire sur les photocopies dans ce qu’elle appelait “les ateliers”.
Maintenant il a bien du mal pour sa première année à la grande école. En récréation, plus de jeux de cour, mais des grands qui poursuivent des ballons et que rien n’arrête. En classe, plus de petites voitures, encore moins de promenade pour visiter Pierre ou Paul (d’ailleurs ils ne sont pas dans le même CP), mais de la lecture et du calcul, matin et soir, des tables en rangs d’oignons avec des cases pleines de choses inutiles : cahiers, livre (de lecture !), ardoise, grosse boîte d’allumettes pour les étiquettes (de lecture !), et une maîtresse exigeante qui veut qu’on écoute, qu’on ne bouge pas et pire, qu’on apprenne à lire ! Il faut écrire sur (et dans !) les petites lignes (facile à dire et pas à faire quand on a la main qui refuse d’obéir à une tête qui s’ennuie) à l’aide du crayon à bille bleu qu’il est interdit d’égarer sous peine (quelle honte) d’être condamné au crayon “de bois” comme un petit.
Les journées sont longues lorsqu’on est obligé de faire des choses qu’on déteste parce qu’on n'arrive pas à les faire. Alors Franck s’occupe comme il peut. Il se lève pour un oui, pour un non : emprunt d’une gomme, d’une règle, envie irrésistible de pipi. Il farfouille longuement dans son cartable qui regorge de petites voitures, souffle des bêtises au copain interrogé, profite de la chute (provoquée) de son fameux crayon à bille pour faire rouler sa voiture favorite sous sa table, oublie où il est et voyage dans l’allée en bruitant ouvertement...
Il essaie bien de cacher ces activités illicites. Elles n’en sont que plus visibles pour la maîtresse qui, devant l’activité constante du contrevenant non entamée par les réprimandes, les punitions, ou une aide particulière, en perd son picard. Malgré ses efforts pour l’intéresser à l’écrit, la bibliothèque qu’elle vient de renouveler, il reste étanche au bain de lecture, comme à toute acquisition scolaire. Elle se résigne alors à le signaler à la Commission de circonscription pour une orientation dans l’enseignement spécialisé.
Elle est déçue, peinée même par Franck, son apparente désinvolture et l’échec qu’il représente... Tout son rapport en témoigne, surtout la conclusion, péremptoire : “manque de compréhension à l’égard de la maîtresse”.
Il serait étonnant que ce manque de compréhension ne soit pas réciproque, tant il est banal, pour l’école, de prêter aux enfants des sentiments qu'elle n’ose pas (s’) avouer.

 

Déconstruire le collège comme on vide un cartable

Février 2001

 

« Déconstruire le collège
comme on vide un cartable. »
Le groupe collège de la maison Robinson

 

 

 

Le groupe dit de collège mis en place en Octobre 2000, au sein de la Maison Robinson répond à un double objectif :
-donner prétexte à de jeunes préadolescents d'une cause sérieuse pour obtenir le droit et donner un sens acceptable à venir fréquenter la Maison Robinson en tant que lieu très attaché aux valeurs du jeu et de l'enfance.
-répondre au véritable problème de cette liaison CM2 6ème, qui année après année, voit des enfants vifs et actifs devenir en peu de temps des "incasables" au collège. Même sur le plan scolaire la chute vient alors redoubler et justifier secondairement la chute première dans l'estime des adultes.
Laurent Ott * nous présente le fonctionnement de ce groupe.
 
 
Nous ne voulions pas faire du scolaire à la Maison Robinson ; nous pensons en effet que le scolaire a déjà trop envahi de la vie des enfants, qu'il a trop annexé et souvent lâchement l'espace de la vie de famille et qu'il tient lieu à trop bon compte et à tous les niveaux de projet éducatif porté sur l'enfance.
 
C'est un espace tout autre que nous avons cherché à bâtir à la Maison Robinson, axé sur des relations ludo-éducatives poursuivie dans le temps.
 
Mais pour autant, nous ne pouvons ignorer cette réalité dans laquelle se meuvent et s'émeuvent nos "grands enfants", ces incasables, ces préadolescents pour lesquels d'ailleurs il existe tellement peu de structures et de loisirs adaptés…
 
Bref, pourquoi alors ne pas partir du collège, mais du collège autrement ?Il s'agirait alors moins de soutenir le collège comme institution que de le déconstruire en tant qu'espace étranger à la vie de l'enfant.
 
De quoi ont besoin ces quelques pré ados que nous recevons dans le groupe ? Nous leur avons dit très vite qu'il ne fallait pas compter sur nous pour faire leurs devoirs; ils savent d'ailleurs que pour cela, d'autres structures existent, pour les fréquenter assidûment, certains n'ont pas obtenu l'autorisation de nous rejoindre.
 
Nous n'allons certainement pas non plus leur donner de leçon ou leur faire un cours, aucun cours, rien et même pas de méthodologie ou de méthode. Non, nous allons juste prendre du temps et des rites au sujet du collège.
Qu'est-ce à dire ? Il s'agit d'un groupe fermé à la disposition des collégiens reçus ; il s'offre à les aider de mieux vivre au et le collège.
 
Déconstuire le collège comme on vide un cartable
 
Il se passe beaucoup de choses avec l'enfant quand on vide avec son consentement son cartable. Nul doute que l'inventaire que l'on peut alors faire ne se limite pas au matériel : il est aussi inventaire, des joies, des peines, des découragements, des émotions ressenties, des déceptions, des petites joies et des petites fiertés qui ont fait la journée et qui façonnent la vie au collège.
 
Rien de plus important donc pour l'accompagnateur et pour l'accompagné que de déconstruire la journée et la semaine, en vidant le cartable.
 
Toutes ces affaires retirées devront ensuite être examinées comme autant de petits patients. Que nous indiquent elles ? Sont elles froissées ou conservées, rangées ou perdues ? Portent elles en rouge des stigmates de honte ou des marques de réussite ? Sont elles toutes utiles ou inutiles ?
 
Il faudra qu'on s'occupe des affaires les plus malades : soigner les perforations de certaines copies ou commencer simplement à les défroisser. Peut-être faudra-t-il donner quelques chemises cartonnées pour la convalescence de certains documents.
 
Le Nord est parfois perdu depuis longtemps dans certains classeurs. On ne sera pas trop de deux pour s'y retrouver un peu…
 
On soigne les affaires. "Comme on traite son corps, on traite sa mère", disait Dolto. Comme on traite son cartable, on traite son collège pourrait-on ajouter… Mais le corps là aussi n'est pas loin non plus. Le soin des affaires est affaire de corps et de cœur aussi.
 
Même s'il n'était que cela, le groupe collège vaudrait une boussole !
 
Mais il n'y a pas que ça, parce que, bien sûr, on parle, et on raconte…On raconte ce qui s'est passé, ce qu'on a entendu, ce qu'on a vu, ce qui nous fascine…
 
"Et toi, qu'as-tu fait?"
 
Jeudi 9 Novembre
 
Les préadolescents qui font partie du groupe, nous les connaissons depuis plus de 2 ans ; on a tout de suite pensé à eux et à d'autres en décidant de ce groupe…
 
Ils ne sont que 3 ce soir…
 
Il y a PM : un enfant de 11 ans, un peu replié sur lui, un enfant complexe et exigeant ; pour lui ça lui coûte franchement la règle de devoir venir chaque jeudi, au point qu'il ne pensait ne plus pouvoir venir… Alors on a négocié l'accord suivant : il tient, il est là avec nous, au moins pendant le quoi de neuf ? Et puis après on le laisse vaquer seul à ses affaires ; il va taper un texte sur l'ordinateur, recopier des documents. Il a besoin d'être seul, mais… parmi nous.
L est là : elle est en 5ème ; elle rit tout le temps, elle rit tellement, L., que parfois on est obligé de la sortir de la classe au collège… Elle va essayer de ne pas trop rire ce soir car elle aimerait que ce temps lui soit utile. Pour L. la règle d'assiduité est dure aussi car "on peut se fâcher". C'est dur de préserver sa liberté au delà des disputes… C'est dur les disputes ; on va essayer que notre "atelier" soit préservé de la tyrannie des disputes.
 
J. n'est pas là et c'est un comble : il est le plus accroché ; il a redoublé sa 6ème car "il s'est trop laissé entraîner". Pourtant bon élève en CM2, J. est un enfant tendre et attachant, un peu rêveur. Ce groupe l'intéresse beaucoup et sans doute il sera là la semaine prochaine. La semaine dernière, il nous avait parlé de la Biologie qu'il n'aime pas et il nous avait demandé qu'on cherche avec lui un moyen de la lui faire aimer.
 
V. est là, comme toujours : elle amène sans cesse son cartable plein à la gorge, il faudrait presque une grue pour le soulever. On sort tout. Je regarde tout, je sais que j'y suis autorisé. Je commente, je demande ce qui est nouveau, ce que ça raconte, à quoi se rapporte telle ou fiche ou la raison des mots sur le carnet de liaison avec les familles…
 
On commence le quoi de neuf? Alors, qu'est-ce qui s'est passé de marquant au collège ? Rien, oh et puis si, il y a eu le cross du collège. A ce cross, tout s'est emmêlé. Il y avait les filles qui n'avaient pas envie de courir (« dans mon groupe, j'étais trentième sur soixante », nous dit L) et ceux qui voulaient trop gagner. Les enfants nous racontent d'étranges histoires qui ont beaucoup d'importance : tel ou tel cousin qui aurait dû gagner et qui aurait été poussé, disqualifié, retenu ici ou là. Les versions s'emmêlent. Les enfants se rejoignent pour raconter l'anecdote de ce père venu courir avec son fils et qui s'est emporté contre deux ou trois collégiens. Tout s'est envenimé, il les a poussés ; les collégiens sont revenus plus nombreux, les pierres ont volé, les profs sont arrivés, ça a été la panique générale…
 
Une question que je sais importante: « Et toi, et toi, donc dans toute cette pagaille, qu'est ce que tu as fait ? »
 
Chaque enfant explique alors sa stratégie pour faire avec le désordre, pour faire avec le brouillage des émotions et des ressentiments ; il est essentiel de donner à entendre comment on a cherché, comment on a réussi à se protéger de cette ambiance. V. est rentrée chez elle ; P n'a rien vu.
 
Mais le temps passe, l'atelier est court en ce début d'année, on se donne la liberté éventuelle de le prolonger à l'avenir.
 
A quoi peut-on vous être utiles ? demandent les deux adultes, à savoir Pierre et moi. P en profite pour s'éloigner comme il en a le droit. L. demande de l'aide pour apprendre une leçon, V. , elle avait méticuleusement mis de côté tout ce qui lui avait donné de la peine ; elle est extrêmement patiente, prête à travailler, très organisée. Elle a une façon bien à elle de réussir malgré les lacunes, malgré les difficultés.
 
Quand le temps sera fini, on n'aura pas eu le temps d'en faire le tour. On range les affaires, on discute encore un peu, et on se re-confirme que la semaine prochaine, même heure, on sera là pour chacun et chacune. Cette fois ci, il y aura J. De toute façon, on va le revoir dans la semaine. Il est possible aussi qu'on propose à deux ou trois autres pré-ados du quartier et qui fréquentent par ailleurs la Maison Robinson de se joindre à nous… Mais c'est une décision qui sera mûrement réfléchie.
L'atelier vu des adultes
Je ne donnerai plus jamais de cours particuliers : c'est un piège où on s'ennuie à côté de l'enfant. De même je ne ferai plus de soutien scolaire : ça tourne soit à la garderie, soit au stakhanovisme scolaire: il faut faire les devoirs, les enfants, les parents, les enseignants l'attendent et les animateurs au bout de l'échelle perdent dans ce monceau de contrainte toute possibilité de rencontre libre.
 
On a le temps dans notre atelier, le temps de dire, de parler, de regarder, de lire, de ranger, de regarder comment l'enfant fait avec le désordre, le sien, celui des autres, celui des institutions.
 
C'est ce temps de regard qui est si primordial.
 
Laurent Ott

 



 
 
LA MAISON ROBINSON DE LONGJUMEAU:
 
UNE VEILLE EDUCATIVE DE PROXIMITE
AU SERVICE DES PARENTS ET ENFANTS
 
L'Association INTERMEDES regroupe des travailleurs sociaux et des citoyens concernés par les questions de co-éducation aujourd'hui ; elle développe une action originale et innovante de "veille éducative" qui vise à :
·                lutter contre la solitude enfantine
·                favoriser l'initiative citoyenne des enfants dans leur quartier
·                soutenir la fonction éducative
 
Pour ce faire, notre action, appelée Maison Robinson et localisée à Longjumeau (91), réalise un travail de veille éducative de proximité sur le quartier sud de cette ville et fidélise à ce jour 130 enfants et leurs familles.
 
Notre structure intervient sur 3 terrains complémentaires qui garantissent son fonctionnement :
·                actions de rue en grand groupe pour se faire connaître, fidéliser les enfants et les parents.
·                soutien de groupes d'enfants porteurs de projets d'animation sociale, pour leur permettre de réaliser leurs potentialités ailleurs qu'à l'école et dans leur famille.
·                soutien d'individus isolés et de leurs parents.
 
Notre structure répond a trois critères d'actions qui nous semblent essentiels :
·                le mélange des âges et l'accueil des enfants chargés de plus jeunes
·                la gratuité et la liberté d'aller et de venir
·                la permanence et la durée visée de notre engagement auprès des enfants
 
Notre programme a la particularité d'aborder le soutien de la fonction parentale à partir de la demande des enfants.
 
Contacts:
Association INTERMEDES
28 rue des Marguerites,
91 160 Longjumeau
intermedes[arobase]wanadoo.fr
http://assoc.intermedes.free.fr/
 
 
 
Laurent Ott
éducateur et enseignant, 
auteur de « Les enfants seuls » , DUNOD, 2000
président de l'Association INTERMEDES :
Programme de soutien de la fonction éducative et de lutte contre la solitude enfantine (Longjumeau- 91)
 



 

 

L'assemblée générale des amis de Freinet

Février 2001

 

L’assemblée générale des amis de Freinet à Préfailles
 
Tous les ans, se déroule à Préfailles (44), l’assemblée générale des Amis de Freinet. On y discute des activités de l’association, du compte-rendu financier. Elle désigne ses responsables. La matinée du dimanche est réservée à une discussion sur un thème précis. Une rencontre est également organisée dans les acdre du congrès de l’ICEM.
 
En octobre 2000, 23 camarades s’y sont retrouvés, déplorant l’absence de ceux qui ne pouvaient se déplacer.
 
Pierre Yvin, responsable du secteur des amis de Freinet dans l’ICEM a présenté les différentes manifestations auxquelles le secteur a participé : journées d’études de L’ICEM à Angers, congrès de Rennes, Salon des apprentissages de Nantes, congrès de l’OCCE à Tours.
 
Joël Blanchard a présenté l’équipe pédagogique de son école à Aizenay (Vendée) et les grandes lignes de leur travail, définies par une charte de 1982 : coopération, communication, ouverture culturelle, accueil des enfants en difficulté, lieu de recherche, d’expérimentation, d’innovation, lieu de formation pour l’équipe.
 
Hervé Moullé a créé un site des Amis de Freinet, on y trouve les sommaire des bulletins, des expositions, les compte-rendus des rencontres…
 
Dominique Sénore, IEN, chargé de mission « école primaire » à l’INRP est venu débattre de l’inspection et présenter son livre « Pour une éthique de l’inspection ».
 
André Lefeuvre a animé une discussion ur les sciences à L’ICEM, et Kader Bakhti nous a fait l’historique de la pédagogie Freinet en Algérie.
 
L’assemblée générale a décidé d’attribuer à Saïma Karagic, un poste de CES pour 6 mois pour travailler à l’élaboration du bulletin et de confier à Kader Bakhti une mission de recensement et de classification des archives du mouvement dans différents départements, particulièrement dans le sud-est où a vécu et enseigné Freinet.
 

 



L’association des amis de Freinet
 
Crée en 1969, à l’initiative de Marcel Gouzil, proche collaborateur de Célestin Freinet, l’association des « Amis de Freinet » a pour but de pérpétuer par les moyens les plus efficaces, le souvenir du grand pédagogue, son œuvre pédagogique, philosophique, sociale et politique, de faciliter aux chercheurs l’accés à tous les documents témoignant de cette œuvre et du Mouvement que Freinet a créé.
 
L’association est internationale, elle compte parmi ses 320 adhérents, des camarades des pays européens, mais aussi du Brésil, du Mexique, du Japon, d’Algérie, du Canada et des USA.
 
Elle est présidée par Emile Thomas, 18 rue de l’Iroise, 29200 BREST, avec un CA de 20 camarades.
 
Un bulletin des « Amis de Freinet » et de son Mouvement rassemble le maximum de documentation illustrant l’œuvre de C. Freinet, de ses premiers compagnons et de tout le mouvement. Il paraît deux fois par an.
Abonnement 80 francs, auprès de :
Renée et Guy Goupil
13, Résidence du Maine
53100 Mayenne
 



Les « Amis de Freinet » ont édité plusieurs ouvrages :
 
L’école Recanto de Recife, de André Lefeuvre qui présente l’école de Fatima Morais au Brésil (100 f)
 
La pédagogie Freinet, le Mouvement en Mayenne, de Guy Goupil (75 f)
 

À commander auprès des responsables de la revue

Une alternative à la direction d'école : la gestion coopérative

Février 2001

Un certain nombre de syndicats ont appelé les directeurs d’écoles à la grève administrative, depuis la rentrée de septembre 2000. Si certaines demandes de moyens (temps de décharge, secrétariat administratif, etc.) sont légitimes, nous refusons de focaliser le problème sur la seule personne du (de la) directeur(rice) d’école.

 
Nous pensons que c’est l’occasion d’avancer d’autres logiques et organisations, dans le sens d’une meilleure coopération au sein des équipes et, par conséquent, d’une réelle appropriation par chaque enseignant du projet de son école.
 
C’est vrai que les charges diverses incombant aux écoles primaires se sont particulièrement alourdies depuis quelques années. Cela explique sans conteste le ras le bol ou la désertion de nombreux directeurs, esseulés dans leurs tâches et rebutés par des responsabilités croissantes. En même temps, on constate un peu partout que cet exercice solitaire conduit souvent à une déresponsabilisation des adjoints et à des dérives qui ne laissent que peu de pouvoir réel au conseil des maîtres. Bien délicat dans ces conditions d’envisager un véritable travail d’équipe que tout le monde s’accorde à reconnaître comme essentiel pour la réussite de l’école.
 
Nous appuyant sur de nombreuses années d’expérience dans nos équipes pédagogiques et conformément à la plate-forme des équipes Freinet, nous affirmons que la gestion coopérative ou collégiale d’une école est une alternative particulièrement efficace et dynamisante à la direction reposant sur une seule tête.
 
Elle permet :
-     une responsabilisation de tous les acteurs de l’école ;
-     le partage des responsabilités dévolues traditionnellement au seul directeur ;
-     le renforcement du rôle du conseil des maîtres (prise de décisions, prise d’initiatives, etc.)
 
Par la dynamique et la concertation qu’elle instaure dans les équipes, elle facilite :
-     l’élaboration commune d’institutions et d’outils au sein de l’école, des cycles et des classes ;
-     la cohérence et l’harmonisation des pratiques et des projets ;
-     la co-formation (échanges, confrontation d’idées et de pratiques, réflexion, projets de recherches, etc.) ;
-     des pratiques de recherche-action vers la réussite de l’école.
 
Elle s’appuie sur des dispositions adéquates :
      - une décharge de direction à disposition de l’équipe pédagogique et non du seul directeur ;
      - une indemnité de direction à envisager au niveau de l’équipe, selon l’organisation de celle-ci ;
- un conseil des maîtres hebdomadaire prenant toutes les décisions relatives à la vie de l’école et garant de celles-ci ;
-     des temps d’animation pédagogique et de concertation pour travailler au niveau de l’équipe et confronter avec d’autres équipes ;
-     une régulation du travail de l’équipe par l’analyse des pratiques.
 
Elle suppose une formation des enseignants au travail en équipe (organisation coopérative de l’école, gestion des conflits, etc.)
 
Pour la mise en place de ce mode de gestion des écoles, nous demandons une facilitation administrative partout où il y a une volonté d’y procéder.
Nous sommes prêts à communiquer nos expériences en la matière et à nous associer à une réflexion sur les aménagements administratifs et légaux induits par ce type d’organisation.
 
En conséquence, nous demandons que, à l’occasion des négociations actuelles sur la direction d’école, le Ministère de l’Éducation Nationale et les syndicats enseignants prennent en compte cette alternative.
 
ICEM-Pédagogie Freinet

 

Réserves pédagogiques ou transformation de l'école

Février 2001

« Jack Lang envisage l’ouverture, ex nihilo, d’une dizaine de collèges expérimentaux lors de la rentrée 2001. »
Les récentes déclarations de notre ministre de l’Éducation Nationale paraissent marquer un changement d’attitude vis à vis du chantier de l’innovation. Elles semblent surtout indiquer l’abandon officiel de la volonté de transformer le système éducatif en favorisant l’innovation pour le grand nombre.

Créer dix établissements expérimentaux est, sans nul doute, une façon de donner satisfaction à des enseignants qui cherchent un lieu pour enseigner autrement ou à des groupes de pression divers. Par contre, enfermer ces expériences dans un cadre dérogatoire tant en ce qui concerne les moyens, que le recrutement des enseignants comme celui des élèves, est le plus sûr moyen de bloquer toute chance de diffusion et de transfert de ces dispositifs à l’ensemble du système éducatif. C’est, effectivement, discréditer d’entrée de jeu, les expériences positives pour la réussite de tous les enfants, y compris ceux issus des milieux les plus distants par rapport à l’école. Tout comme réserver les méthodes pédagogiques aux élèves en difficulté ou à des publics sélectionnés, conduit également à les marginaliser définitivement.
Or, nous qui avons choisi d’enseigner en son sein, avons d’autres ambitions pour le service public d’éducation.
Nous avions nourri quelques espoirs de transformation de l’école, lors de la création du CNIRS (Conseil National pour l'Innovation et la Réussite Scolaire), dont la vocation nous avait semblé ambitieuse. Nous y avions retenu la volonté d’assurer la réussite de tous, grâce à une évolution du système éducatif.
C’est cette logique là dont nous sommes porteurs et que nous revendiquons dans notre plate-forme des équipes pédagogiques. Une logique d’évolution, de transformation des pratiques pédagogiques pour répondre aux besoins du système, aux souhaits des enseignants et à l’ambition de favoriser la réussite de tous. Pour nous, l’enjeu est plus que jamais de faire la preuve que la pédagogie Freinet continue à être une pédagogie populaire.
C’est pour cela que nous proposons toujours la constitution d’équipes pédagogiques. Celles-ci pourraient faire la preuve de la validité de nos pratiques pédagogiques, à condition que leur soit donnés les moyens d’une véritable évaluation. Rappelons, à ce propos, que l’évaluation n’a de sens que si son objet, ses critères et ses méthodes ont été définis en commun. Nous sommes volontaires pour collaborer en ce domaine avec toutes les institutions qualifiées : INRP, IUFM, Université. Nos équipes sont prêtes, en liaison avec les IUFM, à servir de point d’appui à la formation de terrain, appuyée sur la réalité des classes, que réclament les jeunes enseignants. Sans remettre en cause les statuts des enseignants, nous sommes convaincus qu’une véritable transformation du système éducatif est possible, même si sa mise en œuvre n’est pas spectaculaire et loin des effets médiatiques.
Nous n’avons aucune envie de voir se développer des « réserves » pour innovateurs. Espérons donc qu’il ne s’agit que d’une première série d’ouvertures et que la mise en place d’équipes, tant dans le second que dans le premier degré, ira en s’amplifiant. Nous essaierons, avec les moyens dont nous disposons, de peser en ce sens.

Jean-Marie Fouquer
Président de l’ICEM
 

Pour une vraie démocratie participative

Février 2001

On peut s’étonner de voir ce concept de “ démocratie participative ” se répandre dans les discours de nombre d’hommes politiques, de Jacques Toubon à Lionel Jospin .
A l’ICEM, la citoyenneté et la démocratie participatives font aussi partie de nos réflexions.

“ La "démocratie participative" est une formule séduisante, et la tentation est grande d'y voir une forme de démocratie plus élevée, plus élaborée que les systèmes délégatifs par lesquels le corps social se borne à transférer à des représentants son pouvoir souverain, lequel ne s'exerce directement qu'à l'occasion de la désignation de ceux-ci. Il est de fait que la démocratie classique, définie par les libertés de vote, de presse, d'opinion et de circulation, ne constitue guère qu'un "SMIC démocratique " (…)
Le débat sur la démocratie participative porte sur la capacité des sociétés de la fin du vingtième siècle de promouvoir une réelle participation à la vie de la cité. ”
L’enjeu est de taille. “ Il y a des millions de citoyens en France. Pourquoi ne seraient-ils pas capables de gouverner ? Parce que toute la vie politique vise précisément à le leur désapprendre, à les convaincre qu’il y a des experts à qui il faut confier les affaires. (…). Alors que les gens devraient s’habituer à exercer toutes sortes de responsabilités et à prendre des initiatives, ils s’habituent à suivre ou à voter pour des options que d’autres leur présentent. ”
Un certain nombre de villes françaises se sont lancées dans l’expérience des comités de quartiers : Marseille (depuis le XIXe siècle), Lille, (depuis les années 70), et plus récemment Amiens et Nantes.
Le Premier ministre prévoit de proposer, à l’occasion du projet de loi sur la démocratie locale, la mise en place de conseils de quartier dans toutes les villes de plus de 20 000 habitants.
Le mode de désignation des membres de ces conseils reste la question centrale. Que les participants soient désignés par le conseil municipal, élus par leurs pairs, volontaires ou tirés ou sort, va transformer le rôle de ces structures et leur autonomie par rapport aux élus municipaux. Suivant les choix effectués, elles seront façade démocratique ou lieu réel de participation et de pouvoir.
Leur ouverture aux habitants est également un enjeu de taille dans les débats (les séances des comités cités ne sont pas publics).
Interrogeons-nous donc sur ce concept hérité de l’antiquité. “Pour Aristote, souvenez-vous, un citoyen, c’est celui qui est capable de gouverner et d’être gouverné. Tout le monde est capable de gouverner, donc on tire au sort. La politique n’est pas une affaire de spécialiste. Il n’y a pas de science de la politique. Il y a une opinion, la doxa des grecs, il n’y a pas d’épistémè . L’idée selon laquelle il n’y a pas de spécialiste de la politique et que les opinions se valent est la seule justification raisonnable du principe majoritaire.(…) Pour les activités spécialisées –construction des chantiers navals, des temples, conduite de la guerre-, il faut des spécialistes. Ceux-là, on les élit. C’est cela l’élection. Élection veut dire " choix des meilleurs". Là, intervient l’éducation du peuple. On fait une première élection, on se trompe, on constate que, par exemple, Périclès est un déplorable stratège, eh bien, on ne le réélit pas ou on le révoque. Mais il faut que la doxa soit cultivée. Et comment une doxa concernant le gouvernement peut-elle être cultivée ? En gouvernant. Donc la démocratie – c'est important- est une affaire d’éducation des citoyens, ce qui n’existe pas du tout aujourd’hui. ”
On comprend l’intérêt que suscite l’expérience exemplaire du budget participatif (Orçamento participativo) mise en place au Brésil depuis plus de 12 ans. “ Des structures de décisions parallèles au conseil municipal ont été mises en place, permettant à tous les habitants qui le souhaitent de décider vraiment pour leur ville. Et cela marche ! Surtout pour les plus démunis, qui ont trouvé là le moyen de réorienter en leur faveur des ressources publiques qui allaient traditionnellement aux quartiers aisés ”
Cette forme de contrôle social des finances a été imposée par la coalition de gauche conduite par le Parti des travailleurs (PT). Il s’agit là d’une expérience de démocratie directe sans équivalent dans le monde . La satisfaction des citoyens est telle qu’en octobre 2000, le candidat du PT a été réélu, au suffrage direct, à la tête de la mairie avec plus de 63% des voix . L’expérience s’est étendue à tout l’État du Rio Grande du Sul, un espace grand comme la moitié de la France, depuis qu’en 1998, le candidat du PT a remporté l’élection au poste de gouverneur de cet État. “ Dans le Rio Grande du Sul, le débat budgétaire commence par des assemblées de citoyens dans les 497 municipalités. Cette année, 280 000 Gauchos ont participé aux discussions ! Une telle mobilisation pour débattre des finances publiques est certainement unique au monde (...).Chaque unité territoriale a donc son budget et choisit ses priorités dans les dépenses. ”
Les lignes de fracture sont claires entre les logiques à l’œuvre dans les expériences que nous venons d’évoquer. Dans le champ social et politique qui nous intéresse toujours en tant que pédagogues Freinet, elles peuvent prolonger notre réflexion sur les pratiques coopératives mises en place dans nos classes et dans nos équipes.

Jean-Marie Fouquer